Mise à l’écart du futur char franco-allemand, l’Italie envisage une coopération européenne pour un projet concurrent

Conduit par l’Office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr [BAAINBw], le programme franco-allemand de char de combat du futur [MGCS pour Main Ground Combat System / Système de Combat Terrestre Principal] a connu une avancée majeur ces dernières semaines, après avoir longtemps été bloqué pour des raisons politiques et industrielles.

En effet, en mai dernier, Berlin a enfin notifié les études d’architecture relatives au MGCS aux industriels concernés, à savoir Rheinmetall et Krauss-Maffei Wegmann pour l’Allemagne et Nexter Systems pour la France. « Des concepts sélectionnés au niveau national sont en cours d’harmonisation pour développer une architecture de système multi-plateforme commune. La première partie de l’étude doit être achevée dans les 20 mois », a expliqué, à cette occasion, le ministère allemand de la Défense.

Le MGCS est lié, d’une certaine façon, au projet de Système de combat aérien du futur [SCAF]. Ce dernier, fruit d’une initiative lancée par Paris et Berlin en juillet 2017, est conduit par la France, ce qui ne va pas sans causer quelques vagues outre-Rhin, les députés allemands craignant un montage industriel déséquilibré au profit des entreprises françaises.

Initialement, il était question d’établir un socle franco-allemand « solide » avait d’ouvrir le programme SCAF à d’autres partenaires européens. Mais, soutenue par l’Allemagne, l’Espagne a pu finalement s’inviter. Va-t-on assister au même scénario pour le MGCS?

Lors de l’édition 2018 du salon EuroSatory, La Tribune avait révélé que l’Italie s’intéressait de près au projet franco-allemand de char de combat. Pour autant, et comme les discussions sur les modalités de ce programme s’annonçant difficiles, les choses n’allèrent pas plus loin. D’autant plus que pour Paris et Berlin, il n’était pas question d’accueillir des pays tiers dans ce projet tant qu’un démonstrateur ne serait pas prêt.

Or, cette phase intéresse des partenaires potentiels dans la mesure où elle est cruciale pour définir les caractéritiques que devra posséder le MGCS.

Cela étant, lors d’un déplacement à Varsovie, en février 2020, le président Macron avait semblé ouvrir la porte à une participation de la Pologne au programme MGCS. Et, récemment, cherchant un remplaçant à son char Ariete et ayant quelques arguments industriels à faire valoir, notamment avec Oto Melara, l’Italie est revenue à la charge, auprès de l’Allemagne. Et, visiblement, elle a trouvé une oreille attentive, si l’on en croit Giulio Calvisi, le secrétaire d’État italien à la Défense.

Le 16 juin, répondant à la question d’un sénateur, M. Calvisi a rappelé que l’Italie a « toujours accordé la plus grande attention » au programme MGCS, « profitant de chaque opportunité crédible » pour tenter de faire fléchir le tandem franco-allemand. Or, a-t-il continué, « lors d’entretiens bilatéraux avec mon homologue allemand, la possibilité d’un changement de posture a émergé, ce qui pourrait conduire à une décision ouvrant ce projet à une participation italienne ». Toutefois, a-t-il insisté, cela doit être pris « avec la prudence requise ».

En tout cas, le ministère italien de la Défense « s’engage à identifier d’autres solutions possibles, si le projet franco-allemand ne répond pas aux attentes » de ses forces armées, a précisé M. Calvisi. « À cet égard, des options alternatives sont évaluées en étroite synergie avec le secteur industriel » et la « recherche d’éventuels partenaires stratégiques pour le développement en coopération d’un nouveau char de combat européen se poursuit ». Et d’ajouter : « Il s’agit de ne pas perdre de terrain par rapport à l’initiative franco-allemande si elle ne s’ouvre à aucun autre partenaire. »

Cela étant, une initiative italienne dans le domaine des chars de combat pourrait bénéficier de financements européens dans le cas où d’autres membres de l’Union européenne, comme l’Espagne et la Pologne, la rejoindraient. Mais d’après un document de l’état-major italien, évoqué par EDR On-Line, une coopération avec Israël ne serait pas exclue, de même qu’avec les États-Unis, du moins pour ce qui concerne le développement de nouvelles capacités.

Pour rappel, ayant pris ombrage du programme SCAF, pour lequel elle n’a pas été conviée, l’Italie a fini par rejoindre le projet concurrent, à savoir le Tempest, dévoilé par le Royaume-Uni en juillet 2018.

En attendant, Rome cherche avant tout à moderniser ses chars Ariete. Un contrat de 35 millions d’euros a été attribué au consortium Leonardo/Iveco à cette fin. Cette remise à niveau, qui prolongera leur durée de vie opérationnelle au moins jusqu’en 2030, concerne la motorisation, l’optronique, les capteurs et les moyens de communication.

Photo : char C1 Ariete, via Wikimedias

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