Face à la Russie, la Suède renforce encore sa défense et annonce la mise au point d’un nouvel avion de combat

Depuis 2014, ayant constaté une intensification de l’activité militaire russe dans son environnement [avec une simulation de bombardement de deux de ses bases un an plus tôt], la Suède a revu de fond en comble sa politique de défense, tournant le dos à des années de restrictions budgétaires pour des forces armées.

Ainsi, le service militaire, abandonné en 2010, a été rétabli, le concept de défense de totale a été remis au goût du jour, la stratégique île de Götland, le « porte-avions » de la Baltique, a retrouvé le « Gotlands regemente » qu’elle avait perdu en 2005, et l’industrie suédoise de l’armement a été reprise en main, notamment dans le secteur de la construction navale.

En outre, la Suède a renoué avec les manoeuvres de grande ampleur [avec une participation massive des réservistes] tout en se rapprochant davantage de l’Otan, sans pour autant aller jusqu’à y adhérer, et en renforçant ses coopérations militaires. Évidemment, l’effort de défense s’est accru, avec l’idée de taxer les banques pour trouver une partie des ressources financières nécessaires.

Et il est question d’aller plus loin encore, comme l’a indiqué Peter Hultqvist, le ministre suédois de la Défense, à l’occasion d’un forum de l’Otan, organisé par vidéoconférence, le 15 juin. Ainsi, dans la première partie de son intervention, il a fait observer que l’épidémie de Covid-19 ne s’était pas traduite par une baisse de l’activité militaire de la Russie dans le voisinage de la Suède… alors que les forces suédoises ont été contraintes de reporter, voire d’annuler leur participation à plusieurs exercices conjoints utiles à leur préparation opérationnelle.

« Les défis de la sécurité européenne doivent être relevés ensemble, ce qui nécessite un dialogue et une coopération étroits. Chaque année, un grand nombre d’exercices ont lieu dans notre région » et ils démontrent que « nous assumons la responsabilité partagée de la sécurité », a dit M. Hultqvist. « Cependant, cette année, la nécessité de lutter contre la propagation du COVID-19 a affecté de nombreuses activités prévues, notamment l’exercice Aurora 2020 que nous avons dû reporter. De nombreux exercices ont été annulés », a-t-il poursuivi.

« Cependant, la Russie continue de mener des exercices à grande échelle, ce qui crée un déséquilibre des activités dans notre région », a continué le ministre suédois, qui a aussi évoqué les patrouilles longue distance des bombardiers russes, des manoeuvres amphibies en mer Baltique et en mer de Barents ainsi que de « nombreux exercices tactiques » et des essais de système d’armes à longue portée. Ces « activités ont été présentées par les médias russes de manière à souligner que l’état de préparation et les capacités des forces armées russes ne sont pas affectées par COVID-19 », a-t-il relevé.

En outre, pour M. Hultqvist, l’Arctique est un sujet de préoccupation. « Nous devons rester lucides sur la volonté de la Russie d’utiliser le pouvoir militaire contre des États souverains pour poursuivre des objectifs politiques – comme nous l’avons vu récemment – dans cette région », a-t-il dit, avant d’aborder longuement les questions relatives à la diffusion de fausses informations et aux cybermenaces.

Sur ce sujet, le ministre a annoncé la création prochaine d’un « centre national de cybersécurité », dont la mission sera de prévenir, détecter et gérer les cybermenaces tout en tâchant de réduire les vulnérabilités.

Puis, le ministre suédois a développé les ambitions de son pays en matière de défense. Seulement, si elle a fait le choix de ne pas confiner sa population durant la pandémie de Covid-19, la Suède connaît des difficultés économiques, à l’instar de ses 26 autres partenaires de l’Union européenne [UE], avec un PIB qui pourrait fortement se contracter, avec une hausse significative du chômage à la clé. Cela s’explique par le fait que l’économie suédoise dépend de l’UE à hauteur de 70% pour ses exportations. Toutefois, la situation devrait s’améliorer en 2021.

Reste que les annonces faites par M. Hultqvist risquent de pâtir de contexte économique… En tout cas, a-t-il rappelé, l’accord entre les partis représentés au gouvernement, adopté en août dernier, prévoit une augmentation « considérable des dépenses de défense pour la période 2021-25 » [+40%].

Cet effort permettra d’augmenter les effectifs et de réorganiser les forces terrestres, lesquelles comprendront trois brigades mécanisées, un brigade motorisée et un bataillon déployé sur l’île de Gotland, avec le soutien nécessaire. « Des unités supplémentaires de renseignement, d’artillerier, de génie, de défense aérienne et de logistique seront ajoutées », a indiqué le ministre.

La marine suédoise verra ses corvettes recevoir de nouveaux missiles de défense aérienne et deux nouveaux bâtiments du même type vont être commandés afin de remplacer les plus anciens après 2025. Côté sous-marins, deux nouveaux A-26 [classe Blekinge, en cours de construction] rejoindront les trois de type Gotland, qui vont être modernisés. « Un nouveau bataillon amphibie sera établi sur la côte ouest de la Suède », a détaillé M. Hultqvist.

Enfin, s’agit des forces aériennes, le ministre a annoncé le maintien des JAS-39 C/D Gripen, afin de permettre le maintien de six escadrons de chasse. Ces appareils cohabiteront avec le JAS-39 E/F, c’est à dire leur version évoluée, laquelle est actuellement mise au point par Saab.

Mais ce n’est pas tout : M. Hultqvist a également indiqué que le « développement d’un avion de chasse de prochaine génération va commencer ». Sans donner plus de détails.

Cela étant, en juillet 2019, la Suède et le Royaume-Uni signèrent un « mémorandum d’accord » visant à « examiner les possibilités de développement conjoint » en matière d’aviation de combat.

À l’époque, Stockholm avait précisé qu’il s’agissait de poser « les conditions d’une coopération plus étroite pour le développement de capacités futures pour les avions de combat » et que ce protocole d’accord ne supposait pas un « engagement à long terme » et qu’il n’empêchait pas » les signataires de « mener des études et des analyses similaires avec d’autres partenaires ».

En clair, il ne s’agissait pas pour la Suède de rejoindre le programme britannique d’avion de combat de nouvelle génération [appelé Tempest], seulement de prendre part à des études communes. Dans un communiqué, Saab avait fait valoir, avant la signature de ce protocole d’accord, qu’il avait travaillé avec « BAE Systems, Leonardo UK, MBDA et Rolls Royce, sur une étude de faisabilité concernant les futurs systèmes de combat aérien. »

Photo : SAAB

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