L’ONU confirme l’origine iranienne des missiles tirés contre les installations pétrolières saoudiennes

Le 14 septembre 2019, deux sites majeurs du complexe pétrolier saoudien, exploités par Aramco dans l’est du royaume, furent visés par des attaques réalisés avec des missiles de croisière et des drones. Cette action fut revendiquée par Houthis, un groupe rebelle soutenu par l’Iran et aux prises avec une coalition arabe dirigée par Riyad au Yémen. De son côté, l’Iran nia toute responsabilité.

Seulement, au regard des distance à parcourir pour atteindre la production pétrolière saoudienne depuis le Yémen , cette revendication a rapidement été mise en doute dans la mesure où les armes que les rebelles Houthis prétendaient alors détenir, comme le missile Quds-1 et le drone Samad, n’avaient pas une portée suffisante pour atteindre de telles cibles.

Ce que confirma un rapport du groupe d’experts des Nations unies sur le Yémen.

« Le Groupe d’experts a enquêté sur l’attaque très médiatisée du 14 septembre 2019 contre les installations de la Saudi Aramco à Abqaïq et Khoureïs et conclu que malgré les affirmations contraires, il est peu probable que les forces houthistes en portent la responsabilité, la portée estimée des systèmes d’armes utilisés ne permettant pas un tir à partir du territoire contrôlé par les houthistes », pouvait-on dans ce document.

En outre, ce même groupe d’experts estima également que le missile Quds-1 n’avait pas pu être « mis au point ou fabriqué au Yémen ». « D’après les marquages sur des turbomoteurs indiquant une date de fabrication de 2019 et compte tenu du fait que les missiles n’ont pas été déployés avant juin 2019, il estime que les missiles ont été transférés aux forces houthistes en violation des mesures ciblées imposées au titre de l’embargo sur les armes », était-il avancé dans le même rapport.

Quant aux drones utilisés pour ces attaques, dont un de type inconnu mais de facture plus élaborée que le Samad, le groupe d’experts se garda de la moindre conclusion. Comme il se garda également de désigner l’origine de ces armements.

« À ce stade, il n’est pas en mesure de confirmer de manière indépendante que les missiles de croisière et les drones utilisés dans ces attaques sont d’origine iranienne et ont été transférés de façon non conforme avec la résolution 2231″ ayant entériné l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec Téhéran, indiqua en effet le groupe d’experts.

Visiblement, ce n’est plus le cas maintenant. Ainsi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a affirmé que les missiles de croisière utilisés non seulement pour les attaques contre les sites d’Aramco, mais aussi pour celle contre l’aéroport international d’Abha [sud-ouest de l’Arabie saoudite], étaient d' »origine iranienne ».

« Certains éléments ont des traits de fabrication similaires à ceux produits par une entité commerciale d’Iran, et plusieurs ont été livrés au pays entre février 2016 et avril 2018 », a précisé M. Guterres, dans un rapport évoqué par l’agence Reuters. Même chose pour les drones utilisés pour ces attaques.

Cette déclaration va mettre l’Iran dans l’embarras. Si de telles armes ont été livrées aux rebelles yéménites, alors cela veut dire que Téhéran s’est affranchi de l’embargo décrété par l’ONU à l’encontre des houthis et de leurs alliés [résolution 2215]. Ce qui ne serait pas un première.

En 2018, le groupe d’experts avait déjà estimé que l’Iran n’avait « pas pris les mesures nécessaires permettant d’empêcher la fourniture directe ou indirecte, la vente ou le transfert de missiles à courte-portée Borkan-2H et de réservoirs d’oxydant liquide bio-propulseur pour des missiles et des drones Ababil-T [Qasef-1], à destination de l’alliance Houthis-Saleh [du nom de l’ex-président yéménite, ndlr]. Cette affirmation s’appuyait sur le constat que des drones utilisés par les rebelles étaient « similaires dans leur conception » aux drone fabriqués par l’entreprise iranienne HESA.

Pour autant, selon Reuters, citant une lettre de M. Guterres datée du 22 mai, l’envoyé iranien auprès des Nations unies a assuré que « l’Iran n’a pas pour politique d’exporter des armes en violation des embargos sur les armes décidés par le Conseil de sécurité [de l’ONU] ».

Seulement, et comme l’a indiqué le rapport du groupe d’expert publié en janvier 2020, il est estimé que les rebelles Houthis n’ont pas pu lancer les attaques contre les sites saoudiens. La conclusion s’impose d’elle-même : l’attribution de ces dernières reviendrait donc à l’Iran. C’est, d’ailleurs, ce que soulignèrent la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne dès le 24 septembre 2019.

« Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de cette attaque. Il n’y a pas d’autre explication plausible. […] Ces attaques ont été dirigées contre l’Arabie saoudite, mais elles concernent tous les pays et renforcent le risque de conflit majeur. Elles rappellent l’importance des efforts collectifs à mener en faveur de la stabilité et de la sécurité régionale, y compris de trouver une solution politique au conflit en cours au Yémen », affirmèrent en effet Emmanuel Macron, Boris Johnson et Angela Merkel dans un communiqué commun, tout en insistant sur le respect de l’accord sur le nucléaire iranien [JCPoA], signé en 2015 à Vienne.

Photo : Rapport du groupe d’experts – janvier 2020

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