Rheinmetall envisage de demander des comptes à Berlin pour l’arrêt des livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite

Une disposition prévue par l’article 4 du traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier, risque fort de donner du fil à retordre aux autorités françaises et allemandes puisqu’elle stipule que la France et l’Allemagne « élaboreront une approche commune en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets conjoints. »

En effet, officiellement du moins car la réalité est parfois différente, le gouvernement allemand suit une politique très restrictive en matière d’exportation d’équipements militaires. Ce qui est moins vrai pour la France, même si les licences d’exportations font l’objet d’une évaluation approfondie avant d’être accordée.

Lors du débat citoyen organisé après la signature du traité d’Aix-la-Chapelle, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Emmanuel Macron, ont d’ailleurs admis une « différence de sensibilité » entre les deux pays s’agissant des ventes d’armes.

« C’est vrai que nous nous n’avons pas la même politique et, d’ailleurs, c’est un des points que nous avons beaucoup oeuvré à clarifier parce que s’il n’y a pas de véritable alignement entre nous, il ne peut pas y avoir de vraie industrie de défense entre nous », a expliqué M. Macron. « La convergence est parfois difficile mais nécessaire », avait auparavant souligné Mme Merkel.

Le cas de l’Arabie Saoudite est un exemple de cette différence d’approche entre Paris et Berlin. Après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Kashoggi, en octobre, le gouvernement allemand a décidé que plus aucune licence d’exportation d’armes ne serait délivrée à Riyad et que les livraisons déjà approuvées seraient suspendues. Et il alla plus loin en demandant aux autres pays de l’Union européenne d’en faire de même. Ce qui avait agacé M. Macron.

« C’est pure démagogie que de dire d’arrêter les ventes d’armes » à l’Arabie Saoudite, avait lancé le président français. Ces exportations n’ont « rien à voir avec M. Khashoggi, il ne faut pas tout confondre », avait-il ajouter, avant de se dire « très admiratif envers ceux qui, avant de savoir, disent ‘on ne vendra plus d’armes’! » alors qu’ils « vendent déjà parfois plus que la France à travers les joint ventures (coentreprises) qu’ils ont! ».

Reste que le groupe allemand Rheinmetall, spécialiste de l’armement terrestre et, par ailleurs, relativement proche de la SAMI [Saudi Arabian Military Industrie], dont le Pdg est l’un de ses anciens haut dirigeant, envisage de poursuivre Berlin devant la justice en raison de cet « embargo » sur les armes destinées à Riyad.

En effet, a révélé l’hebdomadaire Der Spiegel, Rheinmetall entend exiger des indemnités étant donné que la décision du gouvernement allemand porte également sur des exportations qu’il avait déjà approuvées. D’où un manque à gagner pour l’industriel.

« En outre, la direction craint que les actionnaires ne puissent poursuivre Rheinmetall si la société n’exige pas de compensation pour les pertes », explique Der Spiegel. D’autant plus que, pour le moment, Berlin n’a nullement l’intention d’approuver à nouveau les exportations d’armes vers l’Arabie Saoudite.

A priori, Rheinmetall, décidément très offensif ces derniers temps, serait le seul groupe allemand à envisager une telle démarche. « La plupart des entreprises espèrent que la crise se calmera à moyen terme et elles ne veulent pas compromettre leurs relations avec le gouvernement », explique l’hebdomadaire.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]