La question de doter la Marine nationale d’un ou de deux porte-avions « reste ouverte » selon Mme Parly
Depuis la fin des années 1990 et le retrait du « Foch » et du « Clemenceau », la Marine nationale ne met plus en oeuvre qu’un seul porte-avions, avec le « Charles de Gaulle », à l’heure où des puissances comme la Chine et l’Inde investissent massivement dans leurs capacités aéronavales.
La question de doter la Marine nationale de deux porte-avions à propulsion nucléaire, comme le « Charles de Gaulle », pour lui assurer une permanence aéronavale en mer est ancienne. Le Conseil de défense du 23 septembre 1980 avait donné son feu vert. Mais les restrictions budgétaires, notamment après la chute du Mur de Berlin, en eurent raison.
Pour autant, le sujet revint sur la table à l’occasion de la Loi de programmation militaire [LPM] 2003-2008 mais il fut finalement décidé qu’il était « urgent d’attendre », d’autant plus qu’était évoquée une coopération avec la Royaume-Uni. Un projet qui coûta, au passage, plus de 200 millions d’euros aux finances publiques…
Lors de la campagne de l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy s’était engagé en faveur d’un second porte-avions. Ce que, récemment nommé ministre de la Défense, Hervé Morin confirma à l’antenne de France Inter, en juin de cette année-là.
« A priori, nous aurons un second porte-avions. C’est, disons, acté. […] Si on est cohérents avec nous-mêmes, dès lors qu’on a décidé de maintenir un groupe aéronaval et d’avoir une capacité de projection de puissance sur la mer à tout moment, il faut un second porte-avions, c’est la volonté du président de la République », déclara, en effet, M. Morin.
Les difficultés financières, liées aux crises successives (subprimes, euro) à partir de 2008, torpillèrent ce second porte-avions, dont la propulsion aurait dû être « classique ».
Cela étant, la Marine nationale n’a jamais vraiment désarmé sur cette question. L’amiral Bernard Rogel, qui fut son chef d’état-major entre 2011 et 2016, plaida régulièrement en sa faveur devant les commission parlementaires devant lesquelles il était invité à s’exprimer.
Son successeur, l’amiral Christophe Prazuck, en fait désormais tout autant. « Je constate que le porte-avions, aujourd’hui unique en Europe est une capacité qui fait la différence […] C’est une capacité qui peut entraîner nos alliés, notamment nos partenaires européens », glissait-il en octobre 2017 à l’oreille des députés de la commission de la Défense.
Mais, à l’époque, il s’agissait surtout de s’assurer que la future LPM 2019-25 allait garantir le maintien d’un groupe aéronaval, en lançant les études pour le successeur du « Charles de Gaulle », dont le retrait du service est prévue en 2040. Et, en fonction de l’année à partir de laquelle commencerait sa construction, la Marine nationale pourrait disposer, pendant quelques temps, de deux porte-avions… Par ailleurs, il était crucial de pouvoir être en mesure de conserver certaines compétences industrielles dites « orphelines » parce que rares.
Invitée, le 9 septembre, de l’émission « Le grand rendez-vous » d’Europe1/Cnews/Les Échos, la ministre des Armées, Florence Parly, a été interrogée sur ce sujet. « Ce porte-avions ‘Charles de Gaulle’ a vocation à terminer sa ‘vie active’ autour de 2040. Mais il ne faut pas attendre 2040 pour se poser la question de savoir quel sera son successeur. Donc, dès maintenant, c’est dans le cadre de cette Loi de programmation militaire qui a été adoptée, que nous lançons des études pour réflechir ce que doit être ce nouveau porte-avions », a-t-elle rappelé.
Mais, a priori, deux porte-avions pourraient être construits d’ici 2040. Du moins, c’est ce qu’a laissé entendre Mme Parly.
« Lorsqu’on lance des études pour un nouveau modèle de porte-avions, on laisse ouverte la question de savoir s’il en faut un ou s’il en faut deux », a en effet lâché la ministre.
« Ce qui est important aujourd’hui, c’est de ne pas prendre de retard pour préfigurer ce que sera ce porte-avions de demain et c’est la prochaine Loi de programmation militaire, celle qui interviendra au-delà de 2025, qui devra […] déterminer les moyens pour assurer la construction de ce ou de ces porte-avions », a ajouté Mme Parly.
« Aujourd’hui, le porte-avions est un élément crucial dans notre système de défense. C’est d’ailleurs un navire qui joue un rôle très spécifique. Pas simplement parce qu’il porte des capacités de renseignement, d’observation et d’action […] mais aussi parce qu’il est capable d’entraîner d’autres moyens militaires, d’agréger les forces de nos partenaires », a encore fait valoir la ministre. D’ailleurs, une frégate danoise devrait intégrer le prochain déploiement du « Charles de Gaulle » quand ce dernier en aura terminé avec sa refonte à mi-vie.
Construire deux navires selon un même modèle serait susceptible de générer des économies d’échelle (encore que, l’exemple britannique, avec les deux navires de la classe Queen Elizabeth incite à la prudence). Le coût pour un second porte-avions, estimé à 4,5 milliards d’euros (au plus), serait équivalent à seulement 0,2% du PIB (ou 0,02% du PIB par an, sur une décennie).
Ce type de navire est « vraiment un outil décisif et c’est pour cela que nous avons fait le choix, dans cette Loi de programmation militaire [2019-25, ndlr] de prévoir les études pour immédiatement, si je puis dire, cranter le fait qu’il y aura a minima un porte-avions de nouvelle génération à la disposition des forces françaises pour la deuxième moitié du 21e siècle », a conclu Mme Parly.
Photo : Naval Group / Thales