Airbus veut diriger le programme d’avion de combat franco-allemand

En juillet, le président Emmanuel Macron et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont créé la surprise en annonçant pour 2018 une « feuille de route » visant à développer un « système de combat aérien » franco-allemand afin de remplacer les flottes d’avions de combat à long terme.

Pour l’Allemagne, il s’agit de trouver un successeur aux Panavia Tornado, actuellement en service au sein de la Luftwaffe à partir de 2025. Côté français, l’enjeu est de pouvoir remplacer les Mirage 2000D de l’armée de l’Air à l’horizon 2030. En outre, cet avion de combat franco-allemand pourrait ensuite, à plus long terme, se substituer aux Eurofighter et aux Rafale, ce qui fait que la Marine nationale doit aussi avoir son mot à dire, puisqu’elle aura aussi besoin d’un chasseur embarqué, sous réserve, toutefois, qu’elle ait encore un porte-avions en 2040.

L’annonce de cette initiative franco-allemande recèle plusieurs incertitudes. Ainsi, la France est déjà engagée avec le Royaume-Uni pour développer le Système de combat aérien futur (SCAF). Ce projet, qui bénéficie d’un investissement de 2 milliards d’euros, doit déboucher sur un démonstrateur de drone de combat (UCAV) en 2020, prévu pour être complémentaire des avions de combat « classiques ». Quel sera son avenir dans le cadre de la coopération annoncée par Paris et Berlin?

Par ailleurs, il faudra s’entendre sur des besoins opérationnels communs. Ce qui s’annonce compliqué. Pour la partie française, ce futur avion de combat devra donc pouvoir opérer depuis un porte-avions et mettre en oeuvre le missile hypersonique AS4NG au titre de la dissuasion nucléaire. Des contraintes que n’ont pas les forces allemandes.

Une autre question soulevée, et pas des moindres, porte sur l’architecture industrielle de cet éventuel programme franco-allemand. En d’autres termes, il s’agira de savoir qui sera le « leader » dans cette affaire. Dassault Aviation ou Airbus?

Sur ce point, le groupe européen ne fait aucun mystère sur ses intentions. « Dans l’hypothèse où la volonté politique nécessaire est là, Airbus propose de conduite la coopération avec ses partenaires européens et de façonner ainsi cet aspect de notre futur européen commun », a écrit Dirk Hoke, le Pdg d’Airbus Defence & Space, dans une tribune publiée par la lettre spécialisée allemande Griephan Briefe.

Pour M. Hoke, Airbus Defence & Space, dont les implantations sont principalement en Allemagne, doit même être le « chef de file pour un projet de cette nature. »

En outre, M. Hoke a donné des arguments pour convaincre Berlin de pousser plus en avant ce projet d’avion de combat. En effet, le ministère allemand de la Défense a sollicité Lockheed-Martin et Boeing pour obtenir des informations sur le F-35A et le F/A-18 Super Hornet afin de remplacer les Panavia Tornado.

Or, a fait valoir le Pdg d’Airbus Defence & Space, l’acquisition d’avions de combat auprès des États-Unis « pourrait affaiblir l’industrie européenne de la défense et la rendre de plus en plus tributaire de la technologie américaine. »

« Une solution intérimaire pour le remplacement des vieilles flottes [aériennes] semble déjà probable. Si des décisions importantes sont retardées, un tel palliatif pourrait prendre une dimension qui remettrait en cause l’économie de l’ensemble du projet [franco-allemand] », a expliqué M. Hoke. En clair, il s’agit de prendre de vitesse Dassault Aviation en misant sur les besoins immédiats des forces allemandes.

Il faut dire que le constructeur français ne manque pas d’arguments. Comme l’a encore récemment répété son Pdg, Éric Trappier, dans un entretien donné à l’agence Reuters, Dassault Aviation doit être « leader naturel » dans ce programme franco-allemand en raison de son expérience dans le développement et la construction d’avions de combat.

Cependant, Airbus a déjà réfléchi à ce que pourrait être le successeur du Panavia Tornado. Ce qu’a rappelé Dirk Hoke. « Différentes plates-formes, même sans pilote, seront mises en réseau afin qu’elles puissent évoluer ensemble et couvrir un large éventail de missions », a-t-il indiqué. Ce que l’industrie européenne est en mesure de faire, a-t-il estimé. À condition qu’une décision soit prise rapidement.

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