Les Armées devront trouver 850 millions d’euros pour financer les opérations extérieures et intérieures

Depuis maintenant près de dix ans, la pratique veut que les dépassements de l’enveloppe dédiée aux opérations extérieures (et intérieures) menées par les Armées soient couverts par un financement interministériel dans le cadre d’une loi de finances rectificative adoptée en fin d’année. Ce principe avait été avancé par l’article 6-3 du rapport annexé à la Loi de programmation militaire (LPM) 2009-14, puis confirmé par l’article 4 de celle actuellement en en cours (LPM 2014-2019).

L’ancien ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’était habilement servi de ce dispositif. En effet, depuis 2013, le montant des crédits devant servir à financer les opérations extérieures (OPEX) est de 450 millions d’euros. Soit une somme bien inférieure au total des surcoûts de ces dernières, lequel dépasse le milliard d’euros.

Par le passé, un tel mécanisme n’était pas garanti. Quand les surcoûts des opérations extérieures étaient supérieurs à la somme qui avait été initialement prévue par le ministère de la Défense (maintenant des Armées), la différence pouvait être à la charge de ce dernier (*), le contraignant ainsi à puiser dans les crédits alloués à l’équipement des forces. Va-t-on revenir à cette situation?

C’est en effet ce que l’on peut comprendre des propos tenus par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin. Ce 11 juillet, dans les colonnes du quotidien « Le Parisien », il a donné les détails du plan qui doit permettre d’économiser entre 4 et 5 milliards d’euros afin d’atteindre l’objectif des 3% du PIB de déficit public.

« Nous avons demandé au ministère de la Défense (sic!) de tenir le budget qui a été voté en 2017 par le Parlement, ce qui entraîne une réduction des dépenses de 850 millions d’euros », a ainsi déclaré M. Darmanin. « Le budget ne diminue pas, mais l’enveloppe votée devra être respectée. Il faudra assurer le financement des opérations extérieures en trouvant des économies ailleurs », a-t-il ajouté.

La communication est habile. En apparence, le budget des Armées serait donc préservé puisqu’il n’est pas question de toucher à son montant inscrit en Loi de finances initiale. Ce qui permettra à l’exécutif de dire que la France maintient son effort en matière de défense et que l’objectif des 2% du PIB d’ici 2025 est toujours à l’ordre du jour.

De quoi rassurer le citoyen lambda avant le défilé du 14-Juillet et après les propos tenus par le président Macron lors de son intervention devant le Parlement réuni en congrès à Versailles. « Notre environnement, y compris notre environnement proche, se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est bien l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se profile « , avait-il dit.

Les apparences sont sauves donc… Mais la réalité est toute autre. Le budget de la Défense voté par le Parlement à la fin de l’année 2016 prévoit respectivement 450 millions et 41 millions d’euros pour financer les opérations extérieures et intérieures (OPINT) alors que les surcoûts de ces dernières seront largement supérieurs à ces montants.

D’où les 850 millions d’euros que le ministère des Armées devra trouver en faisant des « économies ailleurs » pour combler la différence. Cette somme est par ailleurs largement inférieure aux 600 millions de crédits supplémentaires qui lui avaient été accordés dans le budget 2017… Et elle représente environ 20% des économies que l’État doit faire.

« Je veux réaffirmer ma détermination complète à faire en sorte que ce ministère ait les moyens de notre politique, celle qui est définie par le chef de l’État », a assuré, le 10 juillet, Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une conférence de presse. Évoquant des « pistes de réduction de dépense à l’étude », elle a dans le même temps déclaré que « nous allons veiller à gérer le mieux possible le train de vie du ministère pour réduire intelligemment ce qui peut l’être. » Mais il est à parier que les crédits d’équipement feront les frais de cette chasse aux millions. Comme autrefois…

(*) En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Économie et des Finances, avait tenté de faire porter au ministère de la Défense la charge de la totalité des surcoûts « OPEX ». Mais le président Chirac s’y était opposé.

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