La Libye n’est pas la principale source d’approvisionnement en armes des groupes jihadistes

roquette-20140401La Libye du colonel Kadhafi disposait de l’un des stocks d’armes les plus importants et diversifiés d’Afrique, ce qui lui a permis d’équiper plusieurs gouvernements amis et autres groupes rebelles à travers le continent (voire au Moyen-Orient) jusqu’à la révolution de 2011. À partir de cette année, ces arsenaux ont été soustraits au contrôle jusqu’alors exercé par les autorités libyennes.

C’est ainsi que des armes issues des stocks libyens ont alors alimenté un trafic qui a permis, en 2012, de renforcer non seulement les mouvements indépendantistes touareg ainsi que les groupes jihadistes dans le nord du Mali mais aussi quelques formations rebelles syriennes.

Mais, depuis, selon l’organisation britannique Conflict Armament Research (CAR), qui étudie les transferts d’armes, le flux en provenance de Libye s’est considérablement amoindri. Et pour cause : ce pays étant en proie à l’instabilité, avec deux gouvernement rivaux et la présence de plusieurs groupes jihadistes, dont l’État islamique (EI), la demande interne en armements est forte. En outre, le lancement de l’opération française Barkhane a grandement compliqué les trafics, en particulier ceux passant par le nord du Niger.

Cependant, CAR relativise l’importance de la dispersion des arsenaux Libyen dans la crise qui a affecté le nord du Mali en 2012. « Les armes illicites détournées à partir des réserves nationales d’au moins deux États qui ont dû affronter des crises institutionnelles sérieuses – la Côte d’Ivoire et le Mali – apparaissent toutefois tout aussi fréquentes dans l’échantillon des armes illicites inspectées par CAR à travers le Sahel », peut-on lire dans son rapport d’enquête sur les transferts d’armes transfrontaliers au Sahel [.pdf]

« Au Mali, les groupes armés séparatistes et islamistes ont pris le contrôle d’importantes réserves de matériel des forces de sécurité maliennes, tout comme ils ont occupé des villes et des villages du nord, en 2012 », souligne CAR.

Et d’ajouter : « Les mouvements armés maliens ont utilisé une proportion croissante d’armes lourdes obtenues à partir des stocks du gouvernement malien – en particulier les munitions conçues pour les systèmes d’armement lourds tels que des roquettes et les munitions d’artillerie – privilégiant le matériel récupéré localement à celui acheminé à partir de sources libyennes ou étrangères. »

En outre, les groupes jihadistes ont trouvé d’autres sources d’approvisionnement, en particulier pour les armes légères. Ainsi, l’analyse des armes et des munitions utilisées lors de plusieurs attaques terroristes commises récemment par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et al-Mourabitoune a permis d’établir, selon CAR, que les terroristes disposaient d’équipements neufs, ou du moins qui n’avaient jamais été jusqu’à présent documentés dans la région.

Ce « matériel neuf » comprend notamment des fusils d’assaut de type 56-1 [version chinoise de l’AK-47] fabriqués en 2011, « plus récents que la plupart des fusils répertoriés dans la région », note CAR. Ces derniers, ajoute l’organisation britannique, semblent venir d’un même lot d’armes saisies par les milices kurdes syriennes (YPG) auprès de combattants de l’EI à Kobané.

Sur ce point, CAR donne deux explications la possibles. « Cette correspondance entre les numéros de série suggère que, dans un premier temps, la Chine pourrait avoir transféré tous les fusils de type 56-1 utilisés dans les attaques mentionnées plus haut à un seul utilisateur final, dûment autorisé, et que les combattants islamistes responsables des attaques en Afrique de l’Ouest partageraient au
moins une source commune d’approvisionnement avec des forces de l’EI en Syrie », avance-t-elle dans son rapport.

La second piste possible, mais peu convaincante quand l’on connaît les rivalités entre les organisations jihadistes est que ces « fusils d’Afrique de l’Ouest et de Syrie reflètent la mobilité des combattants individuels qui voyagent, donc, avec leur propre arme. » Aussi, pour CAR, cela irait dans le sens de la théorie selon laquelle une seule et unique cellule aurait été responsable des attaques récentes à Sévaré, Bamako, Ouagadougou et Grand-Bassam » et que cette dernière « pourrait bénéficier d’approvisionnements ou de connexions personnelles avec des combattants en Syrie, même si ses attaques ont été explicitement revendiquées par des groupes ostensiblement alliés à al-Qaïda plutôt qu’aux forces de l’EI. »

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