Le Venezuela menace le Guyana pour son pétrole

guyana-20150805Le continent sud-américain a été le théâtre, par le passé, de conflits inter-étatiques, souvent très meurtriers, qui n’ont eu que peu d’échos en Europe. Ainsi, le Pérou et l’Équateur ont fait parler les armes à plusieurs reprises, la dernière remontant à 1995 (guerre du Cenepa). Dans les années 1930, la guerre du Chaco a vu s’opposer la Bolivie et le Paraguay pour le contrôle d’une région supposée receler d’importantes réserves pétrolières.

La plupart du temps, ces conflits sont motivés par des différends territoriaux, dont certains ne sont pas encore réglés, comme celui entre le Chili et le Pérou et la Bolivie (guerre du Pacifique – ou du « salpêtre », en 1874-1884). Au point que l’on assiste à quelques poussées de fièvre ponctuelles, comme encore récemment, avec le rappel de l’ambassadeur péruvien en poste à Santiago, en mars dernier, sur fond d’accusations mutuelles d’espionnage.

L’une des principales raisons à ces tensions est liée à l’exploitation de ressources naturelles, à commencer par celle des hydrocarbures. Le Venezuela lorgne actuellement le territoire de l’Essequibo, qui représente les 2/3 de la superficie du Guyana. Et cela suppose aussi la zone économique exclusive (ZEE) au large de ce secteur.

La raison? Cette région est riche en pétrole, ce qui, au passage arrangerait bien les affaires de Georgetown. D’où la convoitise du Venezuela, qui n’est pourtant pas à plaindre dans ce domaine puisqu’il est déjà un producteur majeur de pétrole. Seulement, le pays, qui aurait tout pour réussir, traverse actuellement une grave crise économique alors que des élections législatives se tiendront en décembre.

Depuis le 26 mai, et la publication, par Caracas, d’un décret revendiquant les eaux territoriales situées face à l’Esequibo, la tension monte entre les deux pays. Début juillet, le président venezuelien, Nicolas Maduro, a rappelé « pour consultations » son ambassadeur en poste à Georgetown et décidé d’y réduire la présence diplomatique de son pays. Et de dénoncer les « provocations » du Guyana, en y mêlant ExxonMobil [ndlr, qui a obtenu un contrat de prospection] et les États-Unis.

« Tout cela fait partie d’une stratégie de provocation qui dispose du soutien déterminé et du financement de transnationales pétrolières, telle qu’ExxonMobil et d’importants centres de pouvoir à Washington, incluant le Pentagone », a ainsi affirmé M. Maduro.

Pour autant, le Guyana n’entend pas céder le moindre pouce de terrain. La semaine dernière, son gouvernement a publié au Journal officiel les coordonnées géographiques de ses espaces maritimes. Ce qui, selon son chef de la diplomatie, Carl Greenidge, est « conforme à la convention des Nations unies sur le droit de la mer ». « Le Venezuela veut faire sien tout ce qu’il voit », a-t-il lancé.

Ce à quoi Caracas n’a pas manqué de réagir, tout en mettant en avant sa volonté de régler diplomatiquement ce litige.

« La République Bolivarienne du Venezuela dénonce les provocations récurrentes et les agressions du gouvernement de la République Coopérative du Guyana qui continuent à raviver un conflit entre des pays frères pour désintégrer l’unité latino-américaine et caribéenne et légitimer les prétentions impérialistes contre la paix de la région », a ainsi réagi le ministère venezuelien des Affaires étrangères.

Le terme « agression » semble tout de même trop fort. Sur le plan militaire, l’avantage va nettement au Venezuela… Sachant que le Guyana dispose de forces terrestres très modestes (à peine une trentaine de blindés), de seulement 2 ou 3 avions de transport et d’une poignée de patrouilleurs dont le plus imposant est entré en service en 1985. Donc, rien qui pourrait opposer une résistance à la centaine de chars de combat (T-72 et AMX-30) et à la vingtaine d’avions Su-30 des forces venezueliennes, qui peuvent aussi s’appuyer sur quelques frégates.

Quoi qu’il en soit, dans cette affaire, Caracas a le soutien de membres du Parlement latino-américain ainsi que celui de la gauche latino-américaine qui, lors de la session plénière du XXIe Forum de Sao Paulo, le 1er août, a condamné « catégoriquement le fait que des agents économiques pétroliers transnationaux comme Exxon Mobil, en fonction de leurs intérêts corporatifs, provoquent des tensions politiques entre des peuples frères qui sont obligés de résoudre leurs controverses en préservant la paix, l’union et l’intégration de notre région ».

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