Pour mener à bien ses missions, la Direction du renseignement militaire a besoin de 300 personnels supplémentaires

drm-20150402Avec la multiplication des interventions militaires françaises et des zones dites d’intérêt (Moyen Orient, Libye, Nigeria, Cameroun, Ukraine, etc…), la Direction du renseigmenent militaire (DRM) est, comme l’on peut s’en douter, très sollicitée.

Pour rappel, sa mission est de recueillir des informations concernant les forces militaires et paramilitaires (étatiques ou non) afin d’appuyer les opérations des forces françaises et d’anticiper les crises. Lors de sa récente audition par les députés de commission de la Défense, son directeur, le général Gomart, a rappelé qu’elle assure également une « veille stratégique permanente comprenant la surveillance des grandes puissances militaires potentiellement dangeureuses, notammet la Chine ou la Russie ».

Cette tâche n’est pas toujours facile dans la mesure où, comme au Sahel, les groupes armés terroristes (GAT) ont tiré les enseignements de leurs récentes déconvenues face aux forces françaises en adoptant de nouvelles pratiques. « Devenus plus difficiles à tracer depuis qu’ils n’utilisent plus que très rarement les moyens de communication qui nous permettraient naguère de les localiser », a constaté le général Gomart.

« Les terroristes sont donc revenus à des méthodes anciennes – notamment celle de l’estafette – et, en matière de téléphonie, utilisent des dispositifs de courte portée, dont le rayonnement est limité à quelques kilomètres. Ces nouvelles pratiques compliquent considérablement l’interception des communications, ce qui n’empêche cependant pas que certaines actions soient couronnées de succès. Ainsi le COS a-t-il pu neutraliser un certain nombre de chefs jjihadistes », a-t-il expliqué.

En outre, la DRM doit faire face une hausse exponentielle des données obtenues via les moyens SIGINT (Signals intelligence, ou renseignement d’origine électromagnétique) comme ses centres d’écoutes, aux Transall C-160 Gabriel et au navire Dupuy-de-Lôme, qui a souvent naviguer en mer Noire au cours de ces derniers mois, les satellites d’observation (Helios, Pléiades) ou encore par les recherches de renseignements en source ouverte.

Pour faire face à cette charge de travail, la Direction du renseignement militaire ne compte que 1.600 personnels, dont 80% de militaires. Or, si la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD) verront leurs effectifs augmenter dans le cadre des décisions prises après les attentats des 7 et 9 janvier, ce ne sera pas le cas de la DRM, qui a vu les siens diminuer au cours de ces dernières années.

« Nous avons un besoin criant d’effectifs, au risque d’être asphyxiés et de ne plus répondre correctement aux sollicitations. (…) Nos effectifs ne sont pas pleinement réalisés et nous faisons face à un manque chronique de personnel dans des spécialités importantes, comme les interprétateurs photos et les linguistes », a déploré le général Gomart.

« Les enjeux (…) militent pour un renforcement de nos effectifs, afin de nous permettre de traiter cette masse exponentielle d’informations qui nous arrivent et d’y détecter rapidement les signaux d’alerte, capacité vitale pour le renseignement », a-t-il encore insisté. « Il faut aussi que nous puissions offrir des perspectives de carrières attractives au personnel, tant militaire que civil. Deux pistes sont déjà explorées mais n’ont pas encore abouti : la recherche d’un statut d’emploi pour notre personnel civil et le développement d’une réelle mobilité interservices », a ajouté le patron de la DRM.

Le « rêve » de ce dernier serait de pouvoir recruter « 300 personnes », ce qui est peu par rapport aux enjeux. « Le renseignement participe des trois principes de la guerre, à savoir la liberté d’action, l’économie des moyens et la concentration des efforts. Le fait de disposer d’un renseignement de bonne qualité permet une liberté d’action, dans la mesure où il donne les moyens aux chefs militaires et aux décideurs politiques de savoir ce qu’ils vont faire; il permet d’économiser les moyens en n’engageant que les forces nécessaires, et de concentrer les efforts sur l’endroit précis où se trouve l’adversaire », a fait valoir le général Gomart, pour les 1.600 personnels de la DRM sont un « seuil compte tenu des crises actuelles. »

Les spécialités en déficit de personnels sont pourtant essentielles. Un « interprétateur images » doit être capable de déterminer avec précision la présence éventuelle d’équipements matériels et de les identifier. La formation initiale de base dure six mois minimum. « L’exercice de cette fonction implique une bonne connaissance des capacités adverses, afin de faire la distinction entre les matériels militaires et ceux qui ne le sont pas et d’être en mesure, par exemple, de tirer des conclusions de la façon dont certains canons sont disposés », a expliqué le général Gomart.

Quant aux linguistes, la DRM pare au plus pressé. D’autant plus qu’il faut compter 2 ans pour former un spécialiste de la langue russe ou arabe (voire même 3 ans pour le mandarin). Et c’est sans évoquer les langues plus inhabituelles, comme le sango, en usage en Centrafrique, ou le tamachek.

La solution passe par la mutualisation entre les différents services de renseignement ainsi que par le reconversion de linguistes dans une autre langue qui présente un intérêt. C’est ainsi que, a expliqué le général Gomart, « une partie des nombreux linguistes que nous avons formés au serbo-croate durant les années 1990 ont-ils été transformés en linguistes spécialistes du russe ». Heureusement que ces derniers n’ont pas été sensibles aux mesures d’incitation à quitter l’uniforme!

Aussi, le général Gomart estimé – mais il n’est a priori pas le seul – qu’il « conviendrait d’engager une vraie réflexion sur le plan national afin de déterminer s’il ne serait pas possible de recruter en France des personnels parlant le tamasheq, le pachto ou le dari en contrepartie de la délivrance d’un visa longue durée, voire de l’attribution de la nationalité française ». Car, a-t-il dit, « l’un des obstacles auxquels nous nous heurtons en matière de recrutement est que notre service n’est pas forcément celui offrant la meilleure rémunération – sans parler des postes proposés par le secteur privé. »

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