Le Parlement doit-il voter sur une participation des forces françaises à un intervention contre le régime syrien?

Un débat sur la situation en Syrie se tiendra donc au Parlement, le 4 septembre. Cette discussion ne sera suivie d’aucun vote sur l’opportunité d’engager les forces françaises dans une opération militaire visant à « punir » le régime de Bachar el-Assad pour sa responsabilité dans l’attaque chimique du 21 août dernier, alors que le Congrès américain aura son mot à dire, même si le président Obama n’était pas tenu de le lui demander, et que la Chambre des communes britanniques a déjà marqué son opposition à toute participation du Royaume-Uni à une intervention en Syrie.

Les éléments déclassifiés des services de renseignement français laissent penser que le régime syrien a bel et bien utilisé des gaz neurotoxiques dans le conflit qui l’oppose à des groupes rebelles disparates, au sein desquels l’on trouve – et c’est n’est pas fait clarifier la donne – des éléments jihadistes.

Certains trouveront que ces « preuves » (l’expression « faisceau d’indices » seraient certainement plus appropriée) présentées par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault aux responsables parlementaires, restent insuffisantes pour incriminer Damas tout en étant incapables de démontrer que l’opposition syrienne ait pu faire le coup. D’autres estimeront, au contraire, qu’elles sont suffisamment parlantes pour agir. Et c’est d’ailleurs ce que pense le président Hollande.

L’équation est très compliquée et, dans l’état actuel des choses, il n’existe pas de solution idéale. Dans l’absolu, la communauté internationale peut réagir contre l’usage d’armes chimiques, dont l’emploi est prohibé par le protocole de Genève (1925) afin d’éviter que ne soit levé un tabou les concernant. Pour les Etats-Unis et la France en particulier, qui ont mis en garde Bachar el-Assad sur ce sujet, c’est aussi une question de crédibilité. D’ailleurs, fort du soutien russe et iranien, le raïs syrien leur a posé un défi sachant qu’ils auront toutes les peines à le relever.

Car, dans le même temps, il se pose plusieurs questions sur une éventuelle intervention militaire auxquelles il faudra bien répondre. Il est en effet nécessaire de bien mesurer les risques qu’elle suppose et si ces derniers valent la peine d’être pris. D’abord, quels seront les objectifs que cette opération devra atteindre? Quel sera son cadre juridique? Quelles peuvent être les répercussions dans la région? Quelle seront les réactions de la Russie et de l’Iran? Le conflit syrien va-t-il s’étendre vers d’autres pays comme certains signes tendraient à le montrer? Ne va-t-on pas aggraver la situation? Enfin, quelles solutions politiques peut-on envisager après un recours à la force? Il y en a-t-il seulement?

Nul doute que ces questions – et d’autres – seront soulevées lors du débat parlementaire. Et compte tenu de la complexité du dossier et des conséquences d’une éventuelle intervention militaire, certains responsables politiques demandent la tenue d’un vote formel. C’est notamment le cas de Jean-Louis Borloo, à l’UDI, de François Fillon et d’Alain Juppé pour l’UMP (ndlr, le président du parti, Jean-François Copé, y est opposé) ou encore des élus communistes et écologistes.

Selon la Constitution, le président Hollande n’est pas dans l’obligation de demander l’autorisation du Parlement pour engager les forces françaises dans une opération extérieure. Ce qui lui a permis de répondre rapidement, et avec efficacité, à la menace posée par les jihadistes qui marchaient vers Bamako, au Mali, en janvier dernier.

Cependant, par le passé, l’un de ses prédécesseurs, en l’occurrence François Mitterrand, avait sollicité les députés et les sénateurs avant le lancement de l’opération Tempête du Désert, en Irak, à laquelle devait participer la Division Daguet, en les appelant à se prononcer à l’issue d’un discours de politique générale du Premier ministre d’alors, Michel Rocard, concernant le Moyen Orient. En outre, l’article 50-1 permet, à l’initiative du gouvernement d’organiser un vote sans pour autant engager sa responsabilité.

Seulement, l’exécutif n’a pas l’intention de prendre ce chemin, et cela même si, d’après le député socialiste Jean-Christophe Cambadélis, « il n’y a aucun risque de voir la position du président désavoué. » Pourtant, quand il était dans l’opposition, Jean-Marc Ayrault avait exigé un vote sur l’envoi de renforts militaires français en Afghanistan, au moment où Paris s’apprêtait à réintégrer le commandement militaire intégré de l’Otan.

« Quelle démocratie peut accepter que le Président engage ses forces dans une guerre sans que les représentants du peuple aient leur mot à dire ? Quelle démocratie peut tolérer que le Président change la stratégie d’autonomie suivie depuis cinquante par la France vis-à-vis de l’OTAN sans en saisir le Parlement? C’est ça, la démocratie ‘exemplaire’de M. Sarkozy : un exécutif, et des exécutants. Voilà sa conception de la démocratie », avait-il lancé à la tribune de l’Assemblée, le 1er avril 2008, lors du débat ayant suivi une déclaration du gouvernement de l’époque sur la situation en Afghanistan.

Une semaine plus tard, n’ayant pu obtenir le ce vote qu’elle réclamait, l’opposition avait alors déposé une motion de censure contre l’envoi de renforts en Afghanistan et le retour de la France au sein de l’Otan. « Dans toute démocratie digne de ce nom, de tels arbitrages auraient été rendus après un vaste débat public et un vote solennel du Parlement », avait déclaré le 8 avril, sur ces sujets, le futur président Hollande, en fustigeant par ailleurs « l’idée d’un gendarme d’un monde occidental bien pensant » à propos de l’Alliance atlantique.

« Vous avez refusé de conclure ce débat par un vote (ndlr, celui sur l’Afghanistan), alors que rien dans la Constitution ne vous interdisait de le faire. Cette désinvolture à l’égard du Parlement pourrait justifier à elle seule la motion de censure », avait-il poursuivi, avant de conclure : « Il n’appartient pas au Président de la République de décider seul de notre politique étrangère et de défense. Le domaine réservé ne peut être un domaine exclusif. »

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