La stratégie d’AQMI pour le Nord-Mali

Les jihadistes d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui s’étaient établis à Tombouctou avant d’en être chassés par les forces françaises de l’opérations Serval n’ont pas eu le temps de passer à la broyeuse tous les documents compromettants. Et la moisson doit être bonne pour la Direction du renseignement militaire (DRM), du moins quand elle n’est pas précédée par la presse dans cette chasse aux informations.

Comme cela a été le cas avec le document qui, signé de la main du chef d’AQMI, Abdel Malek Droukdel, a été diffusé par RFI et le quotidien Libération. Le document en question détaille en 6 chapitres la stratégie du groupe inféodé à al-Qaïda pour le Nord-Mali. Mais comme l’on aura pu le voir par la suite, elle n’a pas pu vraiment être appliquée à la lettre.

Intitué « Feuille de route afférente au Jihad islamique dans l’Azawad », cette note de 79 pages a été rédigée le 20 juillet 2012, donc bien après la prise de contrôle par les jihadistes du Nord-Mali. Son objectif? « Donner naissance au territoire islamique de l’Azawad en associant la population sans attirer l’attention de la communauté internationale sur AQMI. »

Dans un premier temps, Droukdel revient sur les erreurs qui ont été commises par les jihadistes, notamment à Tombouctou, où il critique la destruction des mausolées de saints de l’islam. « Vous avez commis une grave erreur, écrit-il. La population risque de se retourner contre nous, et nous ne pouvons combattre tout un peuple, vous risquez donc de provoquer la mort de notre expérience, de notre bébé, de notre bel arbre », a-t-il écrit.

« Il faut éviter de mettre en œuvre des solutions globales sans tenir compte de l’environnement local », a-t-il estimé. D’où sa recommandation de « commencer par sensibiliser la communauté et l’éduquer à l’islam (ndlr, version salafiste) » pour ensuite « envisager les punitions », et donc l’application stricte de la charia.

Autre erreur pointée par Droukdel : la rupture avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Bien que laïque, cette formation de la rébellion touareg s’était alliée avec les jihadistes pour conquérir le Nord-Mali, avant de s’en faire expulser par Ansar Dine, le groupe salafiste touareg.

Or, dans son manifeste, le chef d’AQMI rappelle que le MNLA avait « accepté le principe d’islamisation de l’Azawad ». « Que pouvons-nous bien lui demander de plus?, s’interroge-t-il, avant d’estime que « l’on ne peut pas demander aux membres du MNLA de devenir salafistes et de rejoindre les rangs d’Ansar Dine du jour au lendemain. »

Aussi, Droukdel propose dans sa stratégie de faire une large place au MNLA au sein du gouvernement de l’Azawad, en le privant toutefois des ministères des Affaires religieuses, de la Justice et de l’Education. Pour ce qui concerne la Défense, le chef d’AQMI voulait en faire « l’affaire de tous », en y associant tous les mouvements de la région.

Ce qui frappe est notamment la volonté d’AQMI de tirer les ficelles dans l’ombre, en laissant, par exemple, Ansar Dine et son chef, Iyad Ag Ghali, être aux avant-postes. C’est ainsi qu’il avait prévu de confier la tête du gouvernement au groupe salafiste touareg avec pour feuille de route de « gérer la transition et rédiger une Constitution pour l’Etat islamique de l’Azawad . »

Par ailleurs, il apparaît dans les projets de Droukdel qu’Ansar Dine devait se concentrer uniquement sur les affaires intérieures de l’Azawad, le jihad international relevant exclusivement d’AQMI et de son faux nez, le Mujao.

Enfin, le chef jihadiste insiste sur la nécessité d’établir des alliances aussi larges que possibles afin de bénéficier de soutiens dans l’optique d’une intervention militaire internationale au Mali.

« Les alliances sont essentielles. Cela nous procure trois avantages. Si nous sommes agressés, nous ne serons pas seuls. Aussi, la communauté internationale ne concentrera pas ses pressions uniquement sur nous, mais aussi sur nos alliés. Enfin, nous ne serons pas seuls à assumer la responsabilité d’un éventuel échec », a-t-il expliqué.

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