Une charge inattendue contre la composante aérienne de la dissuasion nucléaire française

Dans son dernier numéro, le mensuel économique Capital des 200 personnalités qui « bloquent » la France. Et de citer « les représentants patronaux crispés dans leurs vieux schémas, les syndicats scotchés comme des chiens d’arrêt devant leurs avantages acquis, les hauts fonctionnaires par nature confits d’immobilisme, les grands corps assis sur leurs privilèges, les innombrables lobbies prêts à mordre pour leurs intérêts particuliers, les ayatollahs de l’écologie pour qui la croissance reste un ennemi mortel, les élus de terrains, etc… »

Le fait est, réformer un pays qui a plus de 300 sortes de fromage, comme le soulignait le général de Gaulle, n’est pas une mince affaire. Certains ont essayé de bousculer les conservatismes, sans toujours arriver à leurs fins. Mais là n’est pas le propos. Si, comme l’annonce le mensuel, la liste des « bloqueurs » est longue, l’on se demande bien pourquoi l’auteur de ce dossier a bouclé sa liste en allant chercher Mme Patricia Adam et Mr. Jean-Louis Carrère, respectivement présidente de la commission de la Défense nationale à l’Assemblée nationale et président de la commission des Affaires étrangères et des Forces armées au Sénat.

Pourquoi? Eh bien, avance Capital, parce qu’ils ont « réussi à empêcher le désarmement de nos 40 Mirage 2000 et Rafale équipés de missiles nucléaires ASMP d’une portée de 400 km. »

Déjà, Mme Adam et M. Carrère n’ont rien empêché du tout étant donné que le président Hollande, tout comme d’ailleurs son prédécesseur, n’a pas remis en cause, du moins pour le moment, la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française. Et si elle devait l’être, ce serait dans le cadre des réflexions portant sur le prochain Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale (LBDSN) et lors des travaux de la future Loi de Programmation Militaire (LPM).

Cela étant, Capital poursuit. « Ces appareils sont pourtant loin d’être indispensables : notre dissuasion dispose déjà de quatre sous-marins capables de délivrer partout dans le monde un feu équivalent à 4.000 Hiroshima. » Sauf que ces avions ne sont pas exclusivement utilisés pour des missions stratégiques étant donné qu’ils peuvent être déployés pour des missions conventionnelles, comme cela été le cas lors de l’affaire libyenne en 2011.

Par ailleurs, l’on se demande bien sur quels éléments le mensuel s’appuie pour affirmer que la composante aéroportée est « loin d’être indispensable ». S’agit-il d’un tropisme britannique? Un expert a-t-il tenu la plume?

Le LBDSN de 2008 indiquait : « La France continuera d’entretenir les moyens de conserver ces capacités. La crédibilité opérationnelle de la dissuasion nucléaire repose sur la permanence des patrouilles de sous marins et de la capacité d’action aérienne. »

En fait, la composante aéroportée de la force de frappe française, qui, contrairement à ce que l’on peut lire ici où là, a un coût relativement modeste, est complémentaire aux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Force océanique stratégique (Fost) dans la mesure où elle permet au président de la République de disposer des options adaptées à chaque situation. Il est ainsi possible, grâce à la diversité des moyens de pénétration, de dissuader une puissance régionale tentée de menacer les intérêts vitaux de la France ou de lancer un ultime avertissement avant une seconde frappe massive.

Mais pour le mensuel économique, si les parlementaires des commissions concernées au Sénat et à l’Assemblée nationale sont attachés à la composante aérienne de la dissuasion, ce n’est pas pour les raisons avancées précédemment… Ce serait parce que, étant pour la « plupart élus de bases militaires, ils craignent que cette économie de 250 millions d’euros ne leur coûte leur réélection. » Ben voyons!

Actuellement, deux bases aériennes accueillent chacune un escadron destiné à mettre en oeuvre l’ASMP-A : Saint-Dizier (Rafale) et Istres (Mirage 2000N). Dans le même temps, elles abritent également d’autres unités… Par conséquent, la suppression éventuelle des Forces aériennes stratégiques ne menacerait pas a priori leur existence… Bref, si des économies sont à chercher, il faudra les trouver ailleurs… D’après le dossier de Capital, ce ne sont pas les pistes qui manquent…

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