La très coûteuse modernisation de la dissuasion américaine

Malgré le fait que l’arsenal nucléaire des Etats-Unis absorbe, chaque année, près de 50 milliards de dollars, l’administration Obama s’apprête, selon le Washington Post, à lancer sa modernisation, alors que le budget fédéral est sous la menace de coupes automatiques si aucun accord n’est trouvé au Congrès sur la manière de réduire la dette publique.

Pour le moment, le coût de cette remise à niveau, qui a été sans cesse reportée lors de ces 20 dernières années, n’a pas encore été officiellement chiffré. Mais ce ne sont pas tant les têtes nucléaires – dont le nombre « déployable »  doit atteindre les 1.550 avec le traité nouveau START – qui vont consommer le plus de ressources mais le renouvellement de leurs vecteurs.

Ainsi, la maintenance des bombes B-61 vire au casse-tête pour les ingénieurs du laboratoire national de Sandia (Nouveau-Mexique) au point qu’ils sont obligés de produire eux-mêmes des circuits électroniques, qui avaient été fournis par un fabricant aujoud’hui disparu. En tout, il faudrait 10 milliards de dollars pour les remettre à niveau.

Mais le plus coûteux reste le remplacement les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Ohio, dont l’origine remonte à la fin des années 1970, le dernier de la série, l’USS Louisiana étant entré en service en 1997. Là, ce sont plus de 110 milliards de dollars qui seraient nécessaires. La mise à niveau des missiles balistiques Minuteman III coûterait au moins 7 milliards de dollars. A cela viennent s’ajouter le développement d’un nouveau bombardier et les remplacement des avions de combat à capacité nucléaire par les F-35 (162 millions pièce, selon le Washington Post).

Autre investissement nécessaire : la modernisation des laboratoires de la National Nuclear Security Administration, l’organisme fédéral chargé de la gestion et de la sécurité de l’arsenal nucléaire américain, qui estime à une quarantaine le nombre de bâtiments ayant besoin d’être rénovés. La facture pourrait s’élever à plus de 88 milliards de dollars.

En tout et pour tout, et si l’arsenal américain reste au même niveau qu’aujourd’hui, le Centre Stimson, un groupe de réflexion installé à Washington, a évalué le coût de ces investissements à environ 352 milliards de dollars. A moins que le projet de réduire le nombre de têtes nucléaires déployées fasse réduire la note. En juin dernier, le Pentagone avait confirmé l’existence d’une « réflexion interne » allant dans ce sens.

Quoi qu’il en soit, ces dépenses ne manqueront certainement pas de susciter un large débat outre-Atlantique. Deux visions des choses s’opposent en effet.

D’un côté, l’on trouve ceux qui estiment qu’il y a des économies à faire sur les forces stratégiques américaines. « L’Union soviétique s’est effondrée. La Guerre froide a pris fin. Pourtant, 20 ans plus tard, nous continuons à dépenser 50 milliards de dollars par an pour l’arsenal nucléaire américain. Cela n’a aucun sens. Ces fonds sont une ponction sur notre budget et un mauvais service à la prochaine génération d’Américains. Nous volons l’avenir pour payer des armes inutiles et du passé » avait écrit, en octobre 2011, Ed Markey, le sénateur démocrate du Massachussetts, dans une lettre signée par 65 autres parlementaire à la commission mixte du Congrès chargée d’étudier les possibles coupes budgétaires.

En revanche, la dissuasion américaine a aussi ses fervents partisans. Pour eux, il n’est pas question de voir la Russie et le Chine moderniser leurs arsenaux nucléaires pendant que les Etats-Unis se contenteraient d’entretenir des forces stratégiques vieillissantes et sur le déclin.

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