Pour Bernard Bajolet, la prospective n’est que « partiellement traitée »

Le coordonnateur national du renseignement, Bernard Bajolet, a été auditionné, le 26 janvier à l’Assemblée nationale, par la commission de la Défense nationale et des Forces armées. Cela a été pour lui l’occasion de faire le bilan des deux années passées à ce poste à l’Elysée étant donné qu’il vient d’être nommé ambassadeur de France en Afghanistan.

Parmi les satisfecits, l’on notera la fin du cloisonnage entre les différents services de renseignement, notamment la DGSE et la DCRI (fusion de la DST et des RG). « Cela résulte non seulement de l’action du coordonnateur mais également de celles des directeurs de service » a affirmé Bernard Bajolet, pour qui « le risque que nous manquions quelque chose par rétention d’information entre le services est quasi-inexistant ».

Au chapitre des choses à améliorer, Bernard Bajolet préconise un « rééquilibrage entre la DGSE et la DCRI, en veillant à ne pas affaiblir la première (…) tout en renforçant la seconde », compte tenu du fait que la « menace intérieure (…) est croissante » car « elle se nourrit d’un phénomène nouveau d’auto-radicalisation qui existe dans la plupart des pays européens ainsi qu’aux Etats-Unis ». D’où la nécessité, pour y faire face, « d’être en mesure de la détecter aussi tôt que possible ».

Par ailleurs, Bernard Bajolet souhaite que la priorité soit « accordée au programme MUSIS d’imagerie spatiale », où la France, selon lui, ne doit pas se « permettre de retard », ainsi qu’au programme d’écoute spatial CERES. Ces systèmes de recueil du renseignement, associés aux drones dont la question sera « prochainement tranchée, vont demander davantage d’ingénieurs et d’analystes « pour exploiter les images produites par ces équipements ».

Autre domaine où il y a encore des progrès à faire : celui de la prospective, c’est à dire le second volet de la fonction « connaissance et anticipation » définie par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en juin 2008.

Cette discipline, contrairement à ce que l’on pourrait hâtivement penser, ne consiste pas à prévoir l’avenir mais à élaborer des scénarios possibles en fonction de renseignements, de tendances et de phénomènes émergents. Répondant à une question portant sur les événements qui agitent le monde arabe, Bernard Bajolet a estimé que « le dispositif de l’Etat ne pourvoit pas suffisamment à la fonction de prospective ».

« Le Livre blanc souligne l’importance de la fonction ‘connaissance et anticipation’, mais celle-ci aété cantonnée au renseignement. Si la réforme prônée dans ce document sur cet aspect précis a été mis en oeuvre, le volet ‘anticipation’ de notre action n’a été, à mon avis, que partiellement traitée » a ainsi affirmé le coordonnateur national du renseignement devant les députés.

Pourtant, le ministère de la Défense dispose de la Direction des Affaires Stratégiques, un organisme dédié à la prospective. De même que l’Intérieur et les Affaires étrangères ont chacun des directions qui en sont également chargées. Mais Bernard Bajolet a pointé le manque de communication entre ces trois organismes.

Par ailleurs, le diplomate a aussi déploré le fait que la prospective ne soit pas toujours « envisagée de façon opérationnelle ». « Aujourd’hui, cette fonction n’est pas assumée. Le conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques placé auprès du Premier ministre ne joue pas non plus ce rôle. Celui-ci doit donc être développé au sein de l’Etat, dans un cadre interministériel, pourquoi pas au sein du SGDNS (ndlr, Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale)? » a-t-il proposé.

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