Les taliban sortent leur « filet de fer »
Depuis le 2 juin, près de 4.000 Marines ainsi que 650 militaires et policiers afghans sont engagés dans l’opération Khanjar (Strike of the Sword ou Coup de poignard) qui doit permettre de reprendre le contrôle et de stabiliser les districts de Nawa, Garmser et Khanishin, situés dans la province du Helmand, au sud de l’Afghanistan et bastion de l’insurrection talibane, en vue de la tenue de l’élection présidentielle en août prochain.
Aux premiers jours de cette offensive, les troupes américaines et afghanes n’ont pas rencontré une forte résistance de la part des insurgés. La reprise du district de Khanishin, alors aux mains des talibans qui y avaient établi une sorte d’administration parrallèle, n’a pas posé de problème particulier. Sauf que le danger est permanent, avec notamment la menace posée par les engins explosifs imporvisés (IED) dissiminés par les taliban. La progression est également freinée par l’application de la stricte consigne de « faire le moins de victimes civiles possibles ».
Les Marines du Combat Logistics Bataillon-8 de Camp Lejeune (Caroline du Nord) ont d’ailleurs commencé la construction d’un important poste de combat (Combat Outpost, COP) dans le secteur. Pour autant, le général Larry Nicholson, le commandant du corps des Marines Afghanistan, s’est montré prudent. « Cela ne veut pas dire que l’ennemi est parti. Dans les prochaines jours, il va observer nos faits et gestes pour évaluer la situation » a-t-il estimé, le 3 juillet.
Cependant, les militaires américains ont dû livrer le combat pour réduire quelques poches de résistance, notamment à Mian Pushta, un carrefour routier et fluvial d’une importance stratégique pour la province du Helmand. Au moins 200 Marines de la compagnie Echo du second bataillon du 8e régiment d’Infanterie se sont ainsi opposés aux insurgés depuis le début de l’offensive.
« La tactique de l’ennemi consiste à lancer deux fausses attaques depuis deux endroits différents, puis une vraie depuis un troisième point. Ils se déplacent de façon incessante, cela peut donc venir de n’importe où » a expliqué le commandant Gaskell, un officier américain affecté à Camp Delhi, une base proche du théâtre de l’opération.
Pendant ce temps, l’opération « Griffe de panthère » (Panchai Palang) menée par les Britanniques depuis le 23 juin, dans le district de Gereshk, au nord de Lashkar Gah, la capitale du Helmand, se poursuit. Pour la journée du 7 juillet, et selon le général Sher Mohammad Zazaï, le commandant de l’armée afghane dans le sud, 27 insurgés ont été tués au cours des combat. Cependant, les forces britanniques ont au moins perdu 7 hommes lors de cette offensive, pour la plupart tués par des engins explosifs improvisés, ce qui porte à 173 le nombre de militaires originaires du Royaume-Uni ayant perdu la vie en Afghanistan depuis 2001.
De leur côté, les taliban ont affirmé, par la voix d’un porte-parole nommé Yousuf Ahmadi, avoir tué 17 soldats américains, dont 13 à Mian Pushta. « Nous ne combattons pas de manière frontale. Nos hommes sont parmis la population » a déclaré ce dernier, qui avait auparavant annoncé le lancement par les insurgés de l’opération « Filet de fer » pour repousser l’offensive américaine et afghane.
« En réponse à l’opération Khanjar des envahisseurs, nous avons lancé l’opération Foladi Jal (ndlr: filet de fer en pachtoune), qui va donner une ‘leçon’ aux soldats américains » avait-il déclaré à l’Agence France Presse. « Leur dague va se prendre dans notre filet. Nous allons leur donner une telle leçon qu’ils n’oseront plus venir dans nos régions » avait-il ajouté.
En tous les cas, cette menace d’intensification de la guérilla et des attaques « coup de poing » ne semblent pas perturber outre mesure le Pentagone. « Nous avons assez de troupes non seulement pour nettoyer un secteur mais pour le tenir. Pour pouvoir construire dans la foulée » a déclaré, le 5 juillet, l’amiral Michael Mullen, le chef d’état-major interamées américain, sur la chaîne de télévision CBS.
Cependant, l’officier a semblé contredire James Jones, le conseiller à la sécurité nationale du président Obama et ancien général du corps des Marines James Jones. Ce dernier avait indiqué que le commandement américain en Afghanistan ne devait pas s’attendre à voir venir de renforts supplémentaires autres que ceux annoncés par le locataire de la Maison Blanche. En effet, l’amiral Mullen a indiqué avoir demandé au général Stanley McChrystal, qui commande la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) de l’Otan et le contingent américain présent dans le pays, de « dire ce dont il a besoin ». « Encore une fois, nous voulons tous faire en sorte que cela marche et fournir les moyens nécessaires » a-t-il ajouté.
Les taliban et leurs alliés, bousculés dans le sud, n’en restent pas moins très actifs dans le reste de l’Afghanistan. Ainsi, le 4 juillet, une base militaire située dans la province de Paktika (sud-est) a été la cible d’une attaque dont les plans semblent nouveau. L’explosion d’un bombe placée sous un camion d’essence devant la base a été suivie par un accrochage à l’arme légère. La situation a été telle que les soldats américains ont été contraints de demander un appui aérien. Le bilan a été de de deux militaires et de 10 insurgés tués.
Par ailleurs, et toujours dans le même secteur, un militaire américain aurait été fait prisonnier par les taliban. En tous les cas, le réseau de Jalaluddin Haqqani, le principal chef insurgé dans la région, a revendiqué l’enlèvement du militaire, porté manquant depuis le 30 juin. « L’un de nos commandants, Maxlawi Sangin, a capturé un soldat américain et trois gardes afghans dans le district de Yousuf Khail de Paktika » a indiqué un certain Bahram. « Le soldat de la coalition a été emmené dans un endroit sûr » a-t-il précisé. « Nos chefs n’ont pas encore décidé de son destin. Ils vont le faire, et prochainement nous enverrons aux média une cassette vidéo montrant le soldat, ainsi que nos demandes ». Si cela est avéré, ce serait la première fois qu’un militaire de la coalition est fait prisonnier depuis 2001.
Enfin, la journée du 5 juillet a été marquée par la mort de quatre soldats américains à Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan, un secteur placé sous commandement allemand. Affectés dans le secteur au titre d’instructeurs de l’armée afghane, leur véhicule a été détruit par une engin explosif improvisé. Le même jour, l’armée américaine a perdu 3 autres hommes, dont un à Paktia et deux à Zaboul, au nord de Kandahar, autre fief des taliban et où est située la principale base aérienne de l’Otan.