Le syndrome de la guerre du Golfe n’est pas imaginaire

En avril 2001, un rapport officiel, rédigé par un groupe de neuf spécialistes civils et militaires présidé par le professeur Roger Salamon du CHU de Bordeaux, ne confirmait pas l’existence d’un « syndrome spécifique » de la guerre du Golfe de 1991 tout en reconnaissant, dans le même temps, que des soldats déployés dans cette zone de conflit souffraient de diverses pathologies, ce qui rendait nécessaire une enquête épidémiologique.

Par ailleurs, les experts avaient indiqué « ne pas retenir le rôle de l’uranium appauvri, des fumées de puits de pétrole en feu ou de l’agent neurotoxique Sarin. » De plus, « aucune publication ne permet d’établir un lien entre entre le pyridogstigmine (ndlr : un produit contre les gaz innervants) et les signes, et des symptômes constatés, même si l’hypothèse d’une relation causale ne peut être totalement exclue », avaient-ils encore expliqué.

Trois ans plus tard, le professeur Salamon en présentait les résultats. Un questionnaire avait été envoyé à la moitié des 20.261 soldats ayant participé à l’opération Daguet (en fait, officiellement, 25.000 hommes). Seulement 5.666 avaient été retournés. Or, de l’aveu même de l’auteur de l’enquête, ce faible taux de retour ne permettait par « d’extrapoler les résultats à l’ensemble du contingent. »

Parmi les réponses reçues, 74% des militaires déclarèrent avoir été soumis à des tempêtes de sable, 28% à des fumées de puits de pétrole, 25% à des pesticides et 63% à des alertes NBC (nucléaire, bactériologique, chimique).

Les personnels interrogés avaient fait également part – pour nombre d’entre eux – de migraines (83%), de troubles du sommeil (71%), des douleurs dorsales (63%) et de troubles psychologiques. D’autres avaient fait mention de pertes de dents et de poids et d’état dépressif. Et cela, près de 10 ans après leur retour en France.

« Il semble clair que la guerre du Golfe a eu un impact sanitaire sur le plan fonctionnel dont peuvent se plaindre, à juste titre, les militaires » avait écrit le professeur Salamon. « En revanche, nous n’avons pu observer dans le cadre de ce travail aucune surmorbidité en matière de cancers et de maladies cardio-vasculaires, pas plus de problèmes concernant la descendance de ses vétérans » avait-il cependant conclu.

Pour l’association Avigolfe, qui vient en aide aux anciens de l’opération Daguet, cette enquête n’a pas présenté « les garanties d’indépendance espérées, n’a pas respecté ni atteint ses objectifs. » En outre, et toujours selon l’association, cette étude n’a été qu’ un argument pour le ministère de la Défense pour « affirmer qu’il n’existe aucun lien entre la guerre du Golfe et les pathologies, signes ou symptômes développés après le conflit par les participants. » Et Avigolfe de conclure : « autrement dit, il n’y a pas de malades de la guerre du Golfe. »

A cette époque, près de 200.000 vétérans américains du conflit irakien, sur les 700.000 qui avaient été engagés de 1990 à 1991, étaient indemnisés pour des problèmes de santé. Sous la pression de l’opinion publique, le Pentagone a peu à peu dévoilé quelques informations concernant cette guerre. Ainsi, en 1996, il avait été révélé que des armes chimiques irakiennes avaient été détruites à proximité des troupes occidentales. Autres révélations : 450.000 militaires américains avaient été en contact avec des poussières d’uranium, provenant des munitions utilisées pour perforer les blindages et les bunkers et 250.000 avaient absorbé des produits en prévention d’une attaque chimique.

Pour autant, l’existence de ce « syndrome de la guerre du Golfe » (et même des Balkans, certains anciens de ce théâtre d’opération souffrant également de pathologies du même ordre) n’avait pas été clairement établi. C’est désormais chose faite avec la publication, cette semaine, d’un rapport établi à la demande du Congrès américain.

Ainsi, selon la Commission chargée d’enquêter sur ce dossier, ce syndrome se manifeste par des troubles physiques distincts des troubles psychiques constatés sur certains soldats ayant été engagés dans des opérations de guerre. Il recouvre des douleurs, des maux de têtes persistants, des fatigues inexpliquées, des démangeaisons, des diarrhées ainsi que des troubes respiratoires et digestifs. Par ailleurs, le rapport indique qu’un quart des 700.000 soldats américains de l’opération Tempête du Désert sont concernés par ces pathologies.

Ces troubles auraient deux origines : l’absorption de bromure de pyridostigmine et l’exposition à des pesticides, employés pendant le conflit. La commission n’a pas exclu d’autres causes, comme par exemple les fumées des puits de pétrole incendiés par les Irakiens avant leur repli ou encore une intoxication légère au gaz sarin, provenant des stocks de l’armée de Saddam Hussein. En revanche, il n’est pas fait mention de l’uranium appauvri, utilisé dans certaines munitions largement utilisées contre les blindés pendant le conflit.

« Les études scientifiques ne laissent aucun doute sur le fait que la maladie de la guerre du Golfe est une affection réelle, avec des causes réelles et des conséquences graves sur les vétérans atteints » estime ainsi la Commission, composée de scientifiques indépendants et de vétérans, après plus de six ans de travaux.

Depuis 1994, l’administration américaine a débloqué près de 440 millions de dollars afin que des recherches soient menées au niveau sanitaire pour les anciens de la première guerre du Golfe. La commission préconise d’augmenter cet effort de 60 millions de dollars.

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