Système de combat aérien du futur : Berlin parle de remettre en question la coopération avec Paris

Si, en août 2021, la France, l’Allemagne et l’Espagne ont fini par signer l’accord d’application n°3 [IA3] relatif à la phase 1B du Système de combat aérien du futur [SCAF], ce programme, annoncé quatre ans plus tôt, est toujours suspendu à un accord entre Dassault Aviation et les filiales allemande et espagole d’Airbus au sujet du « New Generaton Fighter », c’est à dire l’avion de combat de 6e génération sur lequel reposera ce « système de systèmes ».

Pour rappel, ce programme devant être régi selon le principe du « meilleur athlète », Dassault Aviation veut conserver la responsabilité des domaines censés lui permettre d’assurer la maîtrise d’oeuvre pour laquelle il a été désigné, notamment en ce qui concerne les commandes de vol, la furtivité, l’interface homme-machine et l’architecture fonctionnelle, desquelles dépendront les capacités opérationnelles du futur avion de combat. Ce qu’Airbus lui conteste.

Ainsi, dans un récent entretien accordé au quotidien Les Échos, Michael Schoellhorn, le Pdg d’Airbus Defence & Space, a contesté le statut de « meilleur athlète » donné à Dassault Aviation.

« S’auto-déclarer comme ‘best athlete’ en affirmant que nous, Airbus, ne connaissons rien aux commandes de vol d’avions de chasse est non seulement faux mais contribue à saper l’esprit de coopération et de respect mutuel », a-t-il affirmé, après avoir admis une « divergence d’interprétation » sur la « manière de mener une véritable coopération industrielle ».

Pourtant, l’industriel français, aux dires de son Pdg, Éric Trappier, a déjà fait beaucoup de concessions à son partenaire, notamment en acceptant que la moitié des tâches se fasse sans responsable désigné et que l’autre soit partagée équitablement en trois [Dassault Aviation, Airbus Allemagne et Airbus Espagne].

En mars, M. Trappier ne cacha pas son agacement face à ce blocage. « Je pense que l’on a suffisamment fait d’efforts pour que, maintenant, on puisse y aller. […] J’accepte d’être leader que si j’ai les leviers pour l’être. Si c’est pour faire du co-co-co, puisqu’on est trois maintenant, je ne le ferai pas parce que ce serait mentir à nos forces armées que d’être capable de faire quelque chose en co-développement sans leader et de leur assurer une performance, un délai et un coût », avait-il affirmé.

Et d’ajouter : « Avec la France qui est leader sur le contrat, Dassault Aviation est prêt à signer. On a fait tout ce qu’il fallait pour pouvoir signer avec Airbus. J’attends la signature d’Airbus. […] En 2022, il va falloir statuer, on ne peut pas rester l’arme au pied, à un moment donné on dit oui ou on dit non ».

Et, a priori, l’Allemagne serait sur le point de dire « non ». C’est, du moins, ce que laisse entendre le dernier rapport sur les programmes d’armement [.pdf] qu’a publié le ministère allemand de la Défense la semaine passée et dont la teneur a été soulignée par le blog spécialisé « Augen geradeaus!« .

Avec la signature de l’IA3, « la voie a été ouverte pour la poursuite du projet. […] Les désaccords entre les industriels – notamment entre Dassault Aviation et Airbus – retardent le démarrage de la phase suivante [maturation technologique]. Si aucun accord satisfaisant les intérêts des trois nations pour une participation sur un pied d’égalité ne peut être trouvé, la poursuite de la coopération doit être remise en question », estime le ministère allemand dans ce rapport. À noter que le conditionnel n’est pas de rigueur…

En attendant, aucun accord entre les industriels concernés est en vue. Le 29 juin, lors d’une cérémonie rendant hommage aux 79 « martyrs de l’aéronautique » de Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Ouest [SNCASO] durant la Seconde Guerre Mondiale, et répondant à M. Schoellhorn, Éric Trappier a de nouveau fait une mise au point.

« Honnêtement, Dassault Aviation fait des avions et des commandes de vol qui vont avec. Ce sont des bijoux de famille. On est pour une coopération efficace, pour partager le travail mais on ne souhaite pas co-développer, c’est à dire dupliquer les centres d’expertise en France, en Allemagne et en Espagne », a-t-il dit. Et d’insister : « Dassault Aviation est sous-traitant d’Airbus sur l’Eurodrone [sur les commandes de vol…], je ne vois pas pourquoi Airbus ne serait pas notre sous-traitant sur le SCAF ».

Par ailleurs, M. Trappier a de nouveau évoqué un « plan B ». « La coopération ça peut être mieux si c’est efficace, mais si c’est pour coûter plus cher et être moins efficace alors faire tout seul ce n’est pas une honte! », a-t-il lâché.

Photo : Rama, CC BY-SA 3.0 fr

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