L’Otan estime que certaines actions de la Chine portent atteinte à sa sécurité

Dans son concept stratégique publié en 2010, soit deux ans après la guerre russo-géorgienne, l’Otan soulignait que sa coopération avec Moscou revêtait une « importance stratégique » tout en se disant « convaincue » que , « malgré certaines divergences sur des points particuliers », sa sécurité et celle de la Russie étaient « indissociablement liées ». Et aucune référence à la Chine ne figurait dans ce document.

Douze ans plus tard, à l’occasion du sommet de Madrid, l’Otan a diffusé une nouvelle version de son concept stratégique… Et, étant donné les évènements de ces dernières années [annexion de la Crimée, invasion de l’Ukraine, intervention en Syrie en soutien au président el-Assad, envoi de paramilitaires en Afrique, remise en cause des traités de désarmement, etc], il n’y est évidemment plus question de coopérer avec Moscou. Quant à la République populaire de Chine, elle est citée à sept reprises.

Ainsi, ce nouveau concept stratégique de l’Otan décrit la Russie comme étant la « menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique ».

« Par la coercition, la subversion, l’agression et l’annexion », la Russie tente d’exercer un contrôle direct et d’établir des sphères d’influence. Elle emploie des moyens conventionnels, cyber ou hybrides contre nous et contre nos partenaires. Sa posture militaire coercitive, sa rhétorique et le fait qu’elle soit manifestement prête à mettre la force au service de ses objectifs politiques ébranlent l’ordre international fondé sur des règles », est-il ensuite avancé dans ce document.

En outre, celui-ci souligne la modenisation des forces nucléaires russes, qui passe par de « nouveaux vecteurs à double capacité, aux effets perturbateurs ». Probablement fait-il référence aux missiles Iskander-M ainsi qu’aux armes hypersoniques récemment mises en service par la Russie.

Après avoir dénoncé rôle de la Russie dans la déstabilisation des pays « situés à l’est ou au sud du territoire de l’Alliance », le concept stratégique met l’accent sur la capacité de cette dernière à « entraver le renfort d’Alliés par le nord de l’Atlantique ». Et d’estimer ainsi que « la liberté de navigation dans cette zone constitue un défi stratégique pour l’Alliance ». Le document évoque également le renforcement du dispositif militaire russe dans les « régions de la mer Baltique, de la mer Noire et de la Méditerranée », sans oublier « son intégration
avec la Biélorussie ».

« Compte tenu des politiques et des agissements hostiles de la Fédération de Russie, nous ne pouvons pas la considérer comme un partenaire. Nous restons néanmoins disposés à maintenir ouverts les canaux de communication avec Moscou pour gérer et réduire les risques, prévenir toute escalade et accroître la transparence », est-il écrit dans ce nouveau concept stratégique.

Quant à la Chine, ce que ce document avance n’est pas vraiment une surprise, compte tenu des récents propos tenus par Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, et de la déclaration finale du sommet organisé à Bruxelles en juin 2021.

La « République populaire de Chine affiche des ambitions et mène des politiques coercitives qui sont contraires à nos intérêts, à notre sécurité et à nos valeurs », affirme, sans ambage, le nouveau concept stratégique de l’Otan. Ainsi, développe-t-il, Pékin « recourt à une large panoplie d’outils politiques, économiques et militaires pour renforcer sa présence dans le monde et projeter sa puissance » tout en entretenant parallèlement « le flou quant à sa stratégie, à ses intentions et au renforcement de son dispositif militaire. »

Si, en 2021, les membres de l’Otan s’étaient mis d’accord pour dire que la Chine présentait des « défis systémiques », le concept stratégique va plus loin en affirmant que ses « opérations hybrides ou cyber malveillantes, sa rhétorique hostile et ses activités de désinformation prennent les Alliés pour cible et portent atteinte à la sécurité de l’Alliance. »

Et de dénoncer ses actions visant à « exercer une mainmise sur des secteurs technologiques et industriels clés, des infrastructures d’importance critique et des matériaux et chaînes d’approvisionnement stratégiques » ainsi que sa politique consistant à utiliser le « levier économique pour créer des dépendances stratégiques et accroître son influence ».

Pour l’Otan, la Chine « s’emploie à saper l’ordre international fondé sur des règles, notamment pour ce qui concerne les domaines spatial, cyber et maritime ». Et sa proximité stratégique avec la Russie, récemment rappelée par son président, Xi Jinping, va « à l’encontre » des « valeurs » et des « intérêts » de ses membres.

Si les Alliés se disent « disposés à interagir » avec la Chine de « façon constructive », il n’en reste pas moins qu’ils entendent travailler ensemble pour « répondre aux défis systémiques » que celle-ci « fait peser sur la sécurité euroatlantique ». Aussi, « nous affinerons notre connaissance commune des enjeux, renforcerons notre résilience, relèverons notre niveau de préparation, et nous prémunirons contre les procédés coercitifs employés » par Pékin ainsi que contre ses tentatives visant à diviser l’Alliance », font-ils valoir.

Quoi qu’il en soit, les enjeux sécuritaires de l’Atlantique-Nord et ceux de l’Indo-Pacifique sont de plus en plus liés [et la Russie est présente dans ces deux régions…]. Ce nouveau concept stratégique en témoigne… de même que la participation, au sommet de Madrid, de chefs d’État et de gouvernement venus d’Australie, du Japon, de Corée du Sud et de Nouvelle-Zélande.

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