Des avions de combat israéliens auraient été visés pour la première fois par un système russe S-300 en Syrie

Le 13 mai au soir, la force aérienne israélienne [IAF] a une nouvelle fois effectué une série de frappes en Syrie, notamment contre une infrastructure souterraine qui, située dans le secteur de Masyaf [province de Hama, ndlr], abritait un « centre de recherche scientifique syrien », et le port de Baniyas.

Selon l’agence de presse officielle SANA, les missiles tirés par les chasseurs-bombardiers israéliens auraient été quasiment tous interceptés par la défense aérienne syrienne. Cependant, elle a également fait été d’au moins cinq tués parmi les servants d’un système anti-aérien Pantsir S1, fourni par la Russie.

De son côté, le Centre russe de réconciliation pour la Syrie a confirmé les affirmations de l’agence syrienne. « Six F-16 israéliens ont attaqué le 13 mai entre 20h25 et 20h32 les sites du centre de recherche scientifique syrien à Masyaf et Baniyas sans entrer dans l’espace aérien syrien. Les forces de défense aérienne de la République arabe syrienne ont pu abattre 16 missiles et un drone qu’Israël a utilisé lors de l’attaque », a en effet avancé Oleg Zhuravlyov, son chef adjoint.

Cependant, l’imagerie satellitaire, fournie par la société ImageSat International [ISI], montre que le site de Masyaf, relevant a priori du Centre d’études et de recherche scientifiques [SSRC] syrien, a bel et bien été détruit.

Cela étant, depuis le début de la guerre civile syrienne [mars 2011], IAF a effectué des centaines de frappes en Syrie, que ce soit pour empêcher des tranferts d’armes vers le Hezbollah [la milice chiite libanaise, ndlr], détruire des positions tenues par les Gardiens de la révolution iraniens de l’unité al-Qods ou répondre à des attaques contre son territoire.

En septembre 2018, l’un de ces raids israéliens se solda par la perte d’un avion de renseignement russe Il-20 Coot au large de Lattaquié, celui-ci ayant été abattu, par erreur, par un missile tiré par un système S-200 de la défense aérienne syrienne.

Et cet incident incita la Russie à renforcer les capacités de cette dernière en livrant des batteries S-300 PMU à la Syrie, comme elle en avait d’ailleurs exprimé l’intention quelques mois plus tôt. Une perspective qui fit vivement réagir Avigdor Lieberman, alors ministre israélien de la Défense. « Si des systèmes d’armes russes sont utilisés contre nous en Syrie, nous agirons contre eux » et « si quelqu’un tire sur nos avions, nous allons les détruire », avait-il en effet prévenu.

Or, peu après le début de son intervention militaire en Syrie, en septembre 2015, la Russie avait trouvé un accord de « déconfliction » avec Israël afin d’éviter toute méprise. Ainsi, il fut alors convenu d’un « partage mutuel d’informations sur les opérations » menées par les forces aériennes russes et israéliennes. Et, depuis leur déploiement sur le territoire syrien, aucune batterie S-300PMU, quelle soit mise en oeuvre par les Russes ou les Syriens, n’avait jusqu’alors visé les chasseurs-bombardiers de Tsahal. Ce n’est apparemment plus le cas.

En effet, selon Alon Ben-David, expert militaire de la chaîne de télévision israélienne Channel 13, au moins une batterie S-300 aurait visé les avions de combat israéliens après leur raid contre le site de Masyaf, sans toutefois les atteindre. Sollicité, l’état-major israélien n’a pas souhaité faire de commentaire. Une façon de confirmer l’incident sans le dire…

Cette affaire, si elle est avérée, comporte plusieurs zones d’ombre. Ainsi, on ignore si la batterie S-300 en question était utilisée par les forces syriennes ou russes. Cependant, Channel 13 rappelle qu’aucun tir ne peut être effectué par les systèmes livrés aux premières sans l’accord des secondes… En outre, on ignore si la ligne mise en place dans le cadre de l’accord trouvé en 2015 entre les états-majors israélien et russe a été utilisée. Enfin, il reste à voir si ce sont les moyens de guerre électronique des chasseurs-bombardiers israéliens qui ont rendu inopérant le radar de ce système de défense aérienne ou s’il fait seulement considérer la première utilisation de celui-ci contre Tsahal comme un message adressé par la Russie à l’État hébreu.

Quoi qu’il en soit, la mise en oeuvre de cette batterie S-300 peut avoir au moins deux significations. Il peut s’agir d’un avertissement contre le soutien d’Israël à l’Ukraine, bien que celui-ci soit assez prudent par rapport à celui fourni par les Occidentaux [il s’est limité, jusqu’à présent, à livraison d’équipements de protection à Kiev]. Ou une façon d’exprimer un désaccord sur le opérations israéliennes en Syrie.

« La Russie n’est pas intervenue en Syrie pour donner à l’Iran une plate-forme pour attaquer Israël. Et en même temps, elle ne veut pas qu’Israël frappe [en Syrie] à volonté », avait confié James Jeffrey, ancien émissaire américain en Syrie, au site Middle East Eye, en décembre 2021. « Elle tolère ces frappes mais elle ne les favorise pas . Mais a mesure qu’elles s’intensifient et commencent à toucher des cibles syriennes, elle risque d’être plus nerveuse », avait-il ajouté.

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