Le gouvernement de transition malien officialise des négociations avec les groupes jihadistes liés à al-Qaïda

« Avec les terroristes, on ne discute pas. On combat », avait martelé le présisent Emmanuel Macron dans un entretien publié par Jeune Afrique, alors qu’il était interrogé sur la possibilité d’un « dialogue » entre les autorités maliennes de transition et les groupes jihadistes. Et d’ajouter : « Il faut s’inscrire dans la feuille de route claire que sont les accords [de paix] d’Alger. Ceux-ci prévoient un dialogue avec différents groupes politiques et autonomistes. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut dialoguer avec des groupes terroristes, qui continuent à tuer des civils et des soldats, y compris nos soldats ».

Plus tôt, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait affiché la même position lors d’un déplacement à Bamako. À l’époque, Moctar Ouane, alors Premier ministre malien de transition, avait toutefois rappelé que le « dialogue nationale incusif », une concertation nationale qui s’était tenue en 2019, avait « très clairement indiqué la nécessité d’une offre de dialogue avec les groupes armés », y compris jihadistes.

D’ailleurs, l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé par un coup d’État militaire mené par le colonel Assimi Goïta, n’avait pas dit autre chose quelques mois plus tôt. Et il avait joint le geste à la parole puisqu’il fut rapporté qu’il cherchait à nouer un contact avec Iyad Ag Ghali, le chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM], une organisation fédérant plusieurs mouvements jihadistes liés à al-Qaïda.

« J’ai un devoir aujourd’hui et la mission de créer tous les espaces possibles et de tout faire pour que, par un biais ou un autre, on puisse parvenir à quelque apaisement que ce soit. Parce que le nombre aujourd’hui de morts au Sahel devient exponentiel. Et je crois qu’il est temps que certaines voies soient explorées », avait expliqué M. Keïta à France24 et à RFI, en février 2020.

Cependant, à Paris, il a toujours été hors de question de nouer un dialogue avec les groupes terroristes. Du moins avec ceux ayant un « agenda international », comme l’État islamique au Grand Sahara [EIGS].

S’agissant du GSIM, certaines organisations qui lui sont affiliées ont « un agenda beaucoup plus national, souvent opportuniste, parfois régional. Avec ces interlocuteurs-là, il est possible d’avoir une autre réponse que celle de la lutte antiterroriste […]. Il n’y a aucune raison pour la France de faire obstruction à de telles discussions », avait expliqué une source travaillant à l’Élysée. Cependant, avait-elle ajouté, la direction du GSIM « répond à la hiérarchie centrale d’al-Qaïda et sont totalement intégré dans son organigramme. [Or], personne n’a jamais réussi à négocier avec al-Qaïda et ce n’est pas la France qui va le faire ».

On en était là quand, le 19 octobre, le gouvernement de transition malien a indiqué avoir mandaté le Haut conseil islamique [HCI] du Mali, présidé par Chérif Ousmane Madani Haïdara [qui défend les valeurs de l’islam malikite, ndlr] pour ouvrir des discussions avec Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa, le chef de la katiba « Macina » [affiliée au GSIM, ndlr].

Sur quelle base ces discussions vont se tenir? Quelles concessions peut faire le gouvernement malien de transition? Et quelles seront celles du GSIM et de la katiba « Macina »? Et surtout, quelles seront les « lignes rouges »?

Pour le moment, ces questions restent sans réponses. Enfin presque… On sait qu’Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa posent comme condition préalable à tout dialogue le retrait des forces « étrangères » du Mali, donc celles de Barkhane, de la Mission des Nations unies et de l’EUTM Mali. Ils le firent savoir en mars 2020, via un communiqué diffusé via al-Zallaqa, la branche médiatique du GSIM.

« Je crois que ce choix se justifie par le fait que le Haut conseil islamique est la plus haute institution des musulmans du Mali. […] Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa prétendent agir au nom de la religion musulmane. Le Haut conseil islamique […] pourra discuter avec ces Maliens qui se sont égarés et qui s’en prennent à nos forces de défense et de sécurité », a par ailleurs commenté Amadou Maïga, un membre du Conseil national de transition [CNT] auprès de la Deutsche Welle.

Seulement, comme l’avait expliqué Bernard Emié, le patron de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE], en février dernier, le GSIM « n’est rien d’autre qu’al-Qaïda au Sahel » qui, « sous l’égide Iyad ag Ghali, « tente d’apparaître plus présentable en se dissimulant parmi les populations, tout en enrôlant de force des jeunes désœuvrés ».

Produisant une vidéo montrant une réunion de ses principaux chefs, tenue en 2017, M. Emié avait insisté sur le fait que cette organisation cherchait à mener des attaques « dans la région et en Europe » et qu’elle finalisait un « projet d’expansion vers les pays du golfe de Guinée.

Aussi, il n’est pas certain que Paris voie l’ouverture de ce discussions entre Bamako et le GSIM d’un très bon oeil… Et cela alors que le gouvernement malien de transition est soupçonné de vouloir s’attacher les services de la société militaire privée [SMP] russe Wagner. Ce qui est un autre ligne rouge pour les autorités françaises.

Photo : Iyad Ag Ghali

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]