Le Tchad met en garde contre une « ingérence » de la société militaire privée russe Wagner

Créé en 2016, le « Front pour l’alternance et la concorde du Tchad » [FACT] est un groupe rebelle ayant établi ses bases dans le sud de la Libye où il a loué ses services aux milices de Misrata [relevant alors du gouvernement d’union nationale de Tripoli] avant de se ranger au côté de l’armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, soutenue par la société militaire privée [SMP] russe Wagner.

En avril, le FACT a fait parler de lui en lançant une offensive dans le nord du Tchad, en avril dernier. Offensive au cours de laquelle le président tchadien, Idriss Déby Itno, fut tué. Et, selon plusieurs analyste, ce groupe rebelle était particulièrement bien armé. « Ils [les rebelles, ndlr] semblent avoir reçu du soutien même si on ne sait pas exactement de qui à ce stade. Mais étant donné leurs liens dans le Sud de la Libye, ils pourraient avoir été aidés par le maréchal Khalifa Haftar », avait commenté le Dr. Daniel Eizenga, chercheur à l’Africa Center for Strategic Studies, auprès de la BBC.

En tout cas, le conflit libyen étant « gelé » avec l’accord politique entre les différentes factions opposées obtenu en février 2021, les relations entre le FACT et les forces du maréchal Haftar devinrent plus tendues. Et c’est ce qui expliquerait son incursion dans le nord du Tchad… Cependant, une question demeurait en suspens : quelle était la nature des liens entre le groupe rebelle tchadien et la SMP Wagner? Et cela d’autant plus qu’il était prêté à Moscou l’intention de s’implanter au Tchad, État pivot du Sahel, afin d’assoir et d’étendre son influence en Afrique.

Quoi qu’il en soit, l’offensive du FACT fut mise en échec par les forces armées tchadiennes. « La guerre est arrivée et nous avons pu maîtriser la situation […]. Nous avons nettoyé les lieux et il n’y a plus rien maintenant. La situation est revenue à la normale », s’était félicité le général Abakar Abdelkérim Daoud, le chef d’état-major de ces dernières, le 5 mai.

Le FACT se replia donc vers ses bases libyennes. On en était là quand, le 14 septembre, il a été pris pour cible par la brigade « Tarek Ben Ziyad », commandée par Saddam Haftar, le fils du maréchal Haftar. Dans un communiqué, le groupe tchadien a affirmé que l’unité de l’ANL avait été « appuyée par des supplétifs soudanais et encadrée par des forces spéciales de l’armée française, basée en Libye ». Et que ses positions avaient été visées par l’aviation française…

Or, Paris a démenti toute implication dans ces combats. Et l’ANL, via les réseaux sociaux, a revendiqué les frappes aériennes contre le FACT, les forces du maréchal Haftar ayant reçu, l’an passé, des avions de combat de facture russe, dont des chasseurs-bombardiers Su-24 « Fencer ». Quant aux « forces spéciales » évoquée par le groupe tchadien, des sources libyennes ont indiqué qu’il s’agissait de mercenaires de la SMP Wagner. Ce qui est difficile à confirmer en l’état…

Quoi qu’il en soit, et alors que le Mali envisagerait sérieusement de faire appel aux services de la société militaire privée russe, quitte à provoquer le départ des forces françaises et européennes, le chef de la diplomatie tchadenne, Chérif Mahamat Zene, a mis en garde contre « tout ingérence extérieure » dans son pays, lors d’un entretien donné à l’AFP, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, le 23 septembre.

« Toute ingérence extérieure, d’où qu’elle vienne, pose un problème très sérieux pour la stabilité et la sécurité de mon pays », a-t-il en effet déclaré au sujet de la présence de la SMP Wagner en Afrique. Tout sera mis « en œuvre pour que le Tchad soit protégé sur toute l’étendue de son territoire », a-t-il insisté, rappelant l’offensive du FACT et… l’incursion des forces armées centrafricaines [FACa], appuyées par leurs « instructeurs » russes, en territoire tchadien, en mai dernier.

« Il y a des mercenaires russes présents en Libye, qui sont aussi présents en République centrafricaine. Nous avons des raisons de nous préoccuper de la présence de ces mercenaires parce que les assaillants qui ont attaqué le Tchad en avril et causé la mort de l’ancien président [Idriss Deby] ont été formés, encadrés par la société privée de sécurité Wagner », a ensuite accusé le ministre tchadien.

« Le 30 mai, le Tchad a fait l’objet d’une attaque près de la frontière centrafricaine […] appuyée certainement des Russes. […] Nous avons toutes les preuves de la présence de ces Russes au côté des forces centrafricaines et cela nous préoccupe », a encore insisté Chérif Mahamat Zene.

Quant aux intentions de Bamako de solliciter la SMP Wagner, le responsable tchadien a dit s’en être entretenu avec son homologue malien. « Jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement malien affirme qu’il n’y a pas eu d’accord avec ce groupe [Wagner]. J’ai rencontré mon collègue malien à l’ONU, il m’a assuré qu’il n’y a eu aucun engagement du gouvernement avec Wagner. Nous ne pouvons pas préjuger de quelque chose qui n’existe pas », a-t-il rapporté.

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