La garde-côtière chinoise est désormais autorisée à faire usage de la force, même sans sommation

Quand la Chine compte mettre la main sur un archipel dont elle conteste la souveraineté, elle envoie généralement un ou plusieurs navires de sa garde-côtière [Corps de garde-côtes des Forces de police armées chinoises – PAPCGC], parfois pour accompagner des flottiles de bateaux de pêche. C’est ainsi que, par exemple, elle procède pour s’appropier les îles Senkaku, qui appartiennent au Japon. Et elle y a même intensifié ses actions.

« Le nombre de navires de la garde-côtière chinoise opérant dans les eaux entourant les îles Senkaku, la durée de leur présence continue dans cette zone et le nombre d’incidents avec des bateaux de pêche japonais ont augmenté en 2020. Les activités du gouvernement chinois aggravent la situation », a résumé Tsuruta Jun, professeur agrégé de droit international à l’Université Meiji Gakuin, dans les colonnes de « The Diplomat », en décembre dernier.

Cette manière d’agir préoccupe le ministère japonais de la Défense, au point d’en faire une mention particulière dans son Livre blanc annuel. « La Chine a donc poursuivi sans relâche ses tentatives de changer unilatéralement le statu quo par la coercition dans la zone maritime autour des îles Senkaku, ce qui suscite de graves préoccupations », y a-t-il fait valoir.

Cela étant, la loi qui vient d’être adoptée par le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale, le plus haut organe législatif chinois risque fort de mettre de l’huile sur le feu… puisqu’elle donne l’autorisation aux garde-côtes à utiliser « tous les moyens nécessaires », ce qui inclut les armes, pour dissuader toute menace posée par des navires étrangers naviguant dans les eaux « sous juridiction » chinoise. Le texte permet également à la garde-côtière d’effectuer des « frappes préventives sans avertissement préalable » si nécessaire. Enfin, cette dernière pourra aussi « démolir » des installations construites par des « puissances étrangères » dans les eaux contestées.

D’après le South China Morning Post, cette loi est ambigüe dans la mesure où elle ne précise pas si ces dispositions s’appliqueront ou non dans les zones qui, revendiquées par Pékin, font l’objet d’un contentieux. En tout cas, à Tokyo, on dit suivre cette affaire de « très près. »

Cependant, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a assuré que cette loi « est conforme aux conventions et pratiques internationales de diverses nations. » Et d’ajouter : « Nous continuerons à travailler avec les pays concernés pour résoudre les contentieux par le dialogue et la consultation afin de garantir la paix et la stabilité régionales. »

Ce qui, en pratique, n’a pas toujours été le cas, comme le montré l’exemple du récif philippin de Scaborough… Saisie par Manille, la Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye avait estimé que Pékin n’y avait aucun droit légitime… Or, le pavillon chinois y flotte toujours. Même chose pour les archipels Paracels et Spratleys, revendiqués par plusieurs pays de la région. Or, la Chine y a installé des capacités d’interdiction et de déni d’accès, pratiquant ainsi la politique du fait accompli.

Comme le souligne le chercheur Collin Koh, de l’Université technologique de Nanyang [Singapour], l’ambiguïté de ce texte pose un problème. « Bien que la promulgation d’une loi sur les garde-côtes soit une pratique partagée par d’autres pays, celle de la Chine contient un langage ambigu qui demande une définition correcte, comme par exemple la mention ‘eaux sous juridiction nationale' », a-t-il dit, dans les colonnes du SCMP, craignant un risque accru « d’erreurs de calcul ».

Quoi qu’il en soit, cette nouvelle loi s’inscrit dans le droit de fil de plusieurs décisions prises ces dernières années. Depuis sa création, en 2013, avec la fusion de plusieurs agences maritimes, la garde-côtière chinoise – la plus puissante, sans doute, de la région – n’a cessé de militariser, au point de passer, en 2018, sous l’autorité de la Police armée du peuple, laquelle relève du commandement de la Commission militaire centrale. En temps de guerre, et comme son homologue américaine [US Coast Guard], elle est susceptible d’être placée sous le contrôle opérationnel de la composante navale de l’Armée populaire de libération.

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