Libye : Un système russe de défense aérienne S-300/400 a été repéré près du port de Ras Lanouf

Ces derniers jours, des photographies diffusées via les réseaux sociaux suggèrent qu’un système de défense aérienne de facture russe S-300 ou S-400 a été déployé dans les environs du port pétrolier de Ras Lanouf, situé à l’est de la ville stratégique de Syrte, actuellement contrôlée par l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, qui relève du gouvernement de Tobrouk.

Pour rappel, les troupes du gouvernement d’union nationale [GNA] installé à Tripoli sous l’égide des Nations unies [et la protection de milices qui faisaient alors la loi dans la capitale libyenne], à la faveur des accords de Shkirat qui n’ont jamais pu être appliqués alors que leur validité était limitée dans le temsp, se préparent à lancer une offensive en direction de Syrte, après avoir infligé une série de revers à l’ANL, avec un soutien militaire turc.

Or, en raison de ses différends avec Ankara, Le Caire a d’ores et déjà prévenu qu’une avancée des forces du GNA et de leur allié turc en direction de Syrte constitue une « ligne rouge » qui, si elle devait être franchie, donnerait lieu à une intervention militaire égyptienne en Libye.

Cela étant, l’origine du système S-300 [ou S-400] repéré à Ras Lanouf interroge. L’Égypte dispose de batteries S-300, acquises auprès de la Russie en 2015. Et, en février dernier, elle affirmé avoir installé 9 systèmes à sa frontière avec la Libye. Est-ce l’un d’eux qui a été déployé dans le secteur de ce terminal pétrolier libyen?

Une autre hypothèse serait que ce système de défense aérienne ait été livré par la Russie [ce qui serait d’autant plus probable s’il est confirmé qu’il s’agit d’un système S-400… par ailleurs identique à celui commandé par la Turquie].

En juillet, l’US AFRICOM, le commandement militaire américain pour l’Afrique, avait accusé une nouvelle fois Moscou d’avoir violé l’embargo sur les armes que les Nations unies imposent à la Libye.

L’US AFRICOM « a de plus en plus de preuves que la Russie, à travers le groupe Wagner, continue de déployer en Libye du matériel militaire susceptible d’être utilisé pour des opérations cinétiques, notamment « sur les lignes de front », avait en effet affirmé le commandement américain, preuves à l’appui. Cependant, il n’avait pas explicitement parlé de systèmes de défense aérienne comme le S-300/400.

« Le type et le volume de l’équipement démontrent l’intention [de mettre en place] des capacités durables en vue d’actions de combat, pas d’aide humanitaire, et indiquent que le ministère russe de la Défense soutient ces opérations », avait cependant soutenu le général Gregory Hadfield, directeur adjoint du renseignement de l’US Africom.

Autre détail plaidant pour l’hypothèse russe : le 3 août, un avion de transport stratégique An-124 a décollé de Vnukovo en direction de la base aérienne d’al-Khadim, dans l’est libyen, après avoir fait une escale à Mozdok [Ossétie du Nord]. Or, ce type d’appareil est justement utilisé pour transporter des systèmes S-300/400.

Si la Russie a effectivement envoyé de tels systèmes en Libye, alors cela traduirait son implication croissante dans le conflit, pour lequel elle a pris fait et cause pour l’ANL du maréchal Haftar. En mai, elle avait déjà été acccusée d’avoir fait parvenir à cette dernière des avions de combat MiG-29 « Fulcrum » et Su-24 « Fencer », probablement mis en oeuvre par des mercenaires de la société militaire privée [SMP] Wagner.

Quoi qu’il en soit, la présence d’un S-300/400 à Ras Lanouf [et aussi probablement ailleurs, comme sur la base aérienne d’al-Joufrah et d’al-Kadhim] paraît disproportionnée par rapport aux capacités aériennes des forces du GNA. Un tel système a une portée pouvant aller jusqu’à 200 km [deux fois plus pour le S-400]. Ce qui permet ainsi d’installer une « bulle » de protection et… de détecter les mouvements aériens dans un vaste rayon.

Aussi, et comme Moscou l’avait déjà fait en Syrie, l’objectif serait probablement de dissuader la Turquie de renforcer son soutien militaire au GNA.

En outre, d’autres images, publiées le 7 août, montrent une concentration importante d’avions de combat sur la base aérienne égyptienne d’Habata, située non loin de la frontière libyenne. On peut y distinguer des F-16, des Rafale et des Mirage 2000 [pour ces derniers, il est possible qu’ils appartiennent à la force aérienne émiratie].

Par ailleurs, dans cette affaire, le GNA va pouvoir compter sur davantage de soutien de la part de l’Italie. En effet, le 5 août, à l’occasion d’une visite à Tripoli du ministre italien de la Défense, Lorenzo Guerini, il a été avancé que Rome allait accroître son aide en matière de déminage et de médecine militaire.

Dans le même temps, la Grèce et l’Égypte ont signé un accord sur leurs frontières maritimes – et par extension, sur l’exploitation du gaz en Méditerranée orientale. Comme l’a déjà fait Ankara avec le GNA en novembre dernier… C’est ce qui explique en partie l’implication de la Turquie dans le conflit libyen.

Photo : archive

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