Les forces françaises vont se doter d’une doctrine de « lutte informationnelle dans le cyberespace »

Le commandant de la cyberdéfense [COMCYBER], le général Didier Tisseyre, a récemment expliqué aux députés comment les forces françaises menèrent la lutte contre la propagande de l’État islamique [EI ou Daesh] dans le cyberespace, quand cette organisation occupait encore des territoires en Syrie et en Irak.

« Nous avons notamment ciblé tout leur appareil de propagande, identifié où étaient localisés les serveurs, pénétré ces serveurs, effacé les données, et bloqué ces serveurs pour que la propagande ne puisse plus être diffusée », a détaillé le général Tisseyre. Et cela, dans le cadre d’une « approche plus globale d’identification des contenus terroristes avec le relais de la plateforme Pharos [Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements] du ministère de l’Intérieur […] pour déréférencer un certain nombre de contenus de propagande terroriste. »

L’objectif de ces actions était alors d’empêcher Daesh de recruter de nouveaux combattants, voire d’inciter ses sympathisants à commettre des attaques en France. Cela étant, ces derniers mois, une autre forme de propagande, inspirée propablement par des puissances étrangères, vise certaines opérations extérieures menées par les forces françaises.

Ainsi, au Sahel, sur les réseaux sociaux, ces dernières ont été la cible de campagnes de fausses informations [infox ou « fake news »] destinées à saper leur crédibilité. Même chose en Centrafrique, où les actions de la France ont été régulièrement dénigrée pour mieux mettre en avant celles de la Russie.

En octobre 2019, Facebook a d’ailleurs annoncé avoir déjoué une vaste campagne de désinformation visant notamment l’Afrique. Et d’expliquer : « Les contenus, qui étaient adaptés à chaque pays, se concentraient sur des informations internationales et locales, y compris des thèmes comme la politique de Moscou sur le continent africain, mais aussi les élections à Madagascar et au Mozambique ou encore des critiques de la politique des Etats-Unis et de la France dans la région. »

Il est très difficile de contrer ces campagnes de propagande, d’autant plus que ces dernières deviennent rapidement virales. Qui plus est, leurs auteurs s’arrangent pour brouiller les pistes, en ayant recours à des sous-traitants usant la langue maternelle des pays visés.

Cela étant, dans ce domaine, déjouer les actions relevant de la propagande adverse suppose de mener des opérations dites d’influence [OMI – opérations militaires d’influence], lesquelles ont été conceptualisées dans le DIA – 3.10.1 publié en mars 2008 par le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations [CICDE]. « Dans un monde globalisé où l’information est un moyen d’action privilégié de toute gestion de crise, la crédibilité des forces s’acquiert et se maintient aussi grâce à leur aptitude à agir au plus tôt, au bon niveau, dans un vaste domaine psychologique, tout en interdisant, sinon limitant cette possibilité à l’adversaire. Le champ de l’information et de ses effets est aujourd’hui devenu un espace de combat » souligne en effet ce texte.

Mais, cette doctrine a visiblement atteint ses limites et ne suffit plus… Aussi, une autre, appelée « Lutte informationnelle dans le cyberespace », est en cours d’élaboration. Le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, l’a évoquée dans un entretien donné au quotidien Le Monde [édition du 14 juillet].

« Nous travaillons sur une doctrine pour mettre en cohérence tous nos outils, entre la Direction du renseignement militaire, le centre des actions sur l’environnement de Lyon, le commandement cyber, etc », a confié le CEMA. Et cela, a-t-il précisé, avec « l’objectif de lutter contre les tentatives de déstabilisation de l’information sur notre espace. »

Cette doctrine sur la lutte informationnelle prolongera ainsi celles définies en 2019 au sujet de la Lutte informatique défensive [LID] et de la Lutte informatique offensive [LIO].

« Nous assumons d’utiliser des armes cyber comme des armes du champ de bataille sur nos théâtres d’opérations, pour attaquer des réseaux de combat ennemis comme des centres de propagande », a expliqué le général Lecointre. « Les armées mènent la guerre informationnelle sur les théâtres extérieurs. Elles ne font pas de contre-­propagande auprès de l’opinion publique française », a assuré le général Lecointre.

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