Budget des armées : M. Macron entend garder le cap pour « préserver la France de mauvaises surprises »

Signée en 1936, la Convention de Montreux fixe les règles de la libre circulation dans les détroits des Dardanelles et du Bosphore. Toujours en vigueur, ce texte stipule par exemple, dans son article n°12, que les « puissances riveraines de la Mer Noire auront auront le droit de faire passer par les Détroits, en vue de rallier leur base, leurs sous-marins construits ou achetés en dehors de cette mer, si un avis de mise en chantier ou d’achat a été donné en temps utile à la Turquie. »

Le même article précise encore que les « sous-marins auxdites Puissances pourront également traverser les Détroits pour être réparés dans des chantiers situés hors de cette mer à la condition que des précisions à ce sujet soient données à la Turquie » et qu’ils « devront naviguer de jour et en surface et traverser les détroits isolément. » Durant la Guerre Froide, les sous-marins soviétiques qui patrouillaient en Méditerranée appartenaient à la flotte de la Baltique ou à celle du Nord, ce qui était conforme à la Convention de Montreux.

Or, depuis 2015 et son intervention militaire en Syrie, la Russie est accusée par l’Otan de se jouer des clauses de Convention de Montreux afin de permettre aux sous-marins affectés à sa flotte de la Mer Noire de conduire des missions en Méditerranée. Ce qui constitue un exemple de la remise en cause du droit international.

Remise en cause du droit international qui alimente les différends territoriaux, comme celui entre la Turquie et la République de Chypre en Méditerranée orientale, avec l’exploitation des ressources en toile de fond. L’espace méditerranéen est aussi le théâtre d’intimidations, de lutte entre puissances, comme on le voit en Libye ou en Syrie. Et il vient s’y ajouter la menace terroriste.

« La zone Méditerranée sera le défi des prochaines années tant les facteurs de crise qui s’y conjuguent sont nombreux : contestation des zones maritimes, affrontements entre pays riverains, déstabilisation de la Libye, migrations, trafics, accès aux ressources », a ainsi résumé le président Macron, lors de son traditionnel discours prononcé à l’Hôtel de Brienne, à la veille des cérémonies du 14-Juillet.

Aussi, appelant à une « véritable politique européenne pour la Méditerranée » [une « urgence » et une « nécessité », a-t-il dit], le président Macron estime que l’Europe doit « y redéfinir son rôle et sa place, sans naïveté et sans complaisance ». Et d’ajouter : « La Méditerranée ne peut construire une paix durable sans nous, nous ne pouvons accepter que notre avenir soit construit par d’autres puissances. »

Dans le fond, la situation en Méditerranée concentre l’évolution du contexte international que la Revue stratégique publiée en octobre 2017 avait décrite. Elle « prend forme sous nos yeux » et « je dirai même que le scénario s’accélère », a souligné Emmanuel Macron. Et cela vaut aussi pour d’autres régions du monde, à commencer par celle de l’Indo-Pacifique,

« L’Europe fait face au retour des puissances, à la désinhibition des comportements, au recours à la force et à l’intimidation, tandis que notre allié américain semble s’interroger sur ses objectifs stratégiques », a relevé M. Macron, en écho au discours qu’il avait prononcé à l’École de Guerre, le 7 février dernier. Soit avant la crise de la Covid-19 et ses lourdes conséquences sur l’économie. Au point que des craintes sur la poursuite de la remontée en puissance des armées françaises ont pu être exprimées ici ou là.

Pour autant, il n’est nullement question pour le président Macron de lever le pied dans ce domaine. « Dans ce contexte, nous devons poursuivre l’effort initié pour renforcer et moderniser notre outil de défense, en gardant pour boussole le temps long de l’histoire afin de préserver la France de mauvaises suprises », a affirmé le chef de l’État.

« Ensemble, nous devons apprendre des crises. C’est le cas bien sûr de la crise pandémique dont j’entends faire tirer tous les enseignements pour accroître la résilience de notre Nation. Mais c’est vrai de tout le reste. Alors comptez sur moi, je tiendrai le cap, comme je l’ai fait depuis trois ans dans le cadre de la Loi de programmation militaire [LPM] afin que vous puissiez toujours avoir les moyens d’accomplir vos missions, aujourd’hui comme demain. D’autant qu’en matière de défense, demain […] se prépare aujourd’hui », a dit M. Macron à l’adresse des militaires.

« Il y a trois ans, nous avons fixé les grands objectifs. Il y a deux ans, nous avons signé cette loi [de programmation militaire]. L’année dernière, nous l’avons confirmée et nous la confirmerons encore », a insisté le chef de l’Élysée, avant de saluer la vigilance et l’engagement des ministres [Florence Parly et Geneviève Darrieussecq, ndlr] ainsi que des parlementaires […] des commissions compétentes, qui « n’ont de cesse de vérifier, contrôler mais aussi de s’engager […] pour le gouvernement tienne les engagements pris par la Nation. »

« Le chemin que nous avons à suivre, c’est de continuer à innover, à investir dans les technologies de rupture […]. C’est de prendre en connaissance de cause les décisions structurantes pour l’avenir et le format de nos armées, comme le choix du sucesseur du porte-avions Charles de Gaulle, le renouvellement des composantes de la dissuasion, la définition de l’avion de chasse et du char du futur [deux projets menés dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne, ndlr] », a encore détaillé M. Macron.

« Tous ces défis vont structurer les prochaines décennies de nos armées, notre capacité à tenir, notre indépendance, notre souveraineté. Nous nous sommes mis en capacité de les relever ensemble et nous saurons les relever avec les industriels du secteur de la défense », a-t-il poursuivi, assurant que ces derniers bénéficieront « d’actions retenues dans le plan de relance que j’ai demandé au gouvernement de préparer.

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