Tensions en mer de Chine : Les Philippines renoncent à rompre un accord militaire avec les États-Unis

En 2014, les États-Unis et les Philippines s’étaient mis d’accord pour renforcer leurs relations militaires en révisant les clauses d’un traité de défense mutuelle signé en 1951. À l’époque, Manille venait de perdre le contrôle du récif de Scarborough, la Chine ayant planté son drapeau sur ce territoire situé au large de l’île de Luçon, dans le centre-est de la mer de Chine méridionale.

D’ailleurs, le gouvenement philippin avait saisi la Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye sur ce dossier. Et il obtint gain de cause en 2016, cette dernière ayant conclu, dans un document de 479 pages, que la Chine avait « violé les droits souverains des Philippines » et que ses navires avaient commis des « actes illicites ».

Cependant, et alors que Pékin avait rejeté les conclusions de la CPA, les choses en restèrent là. Alors récemment élu à la tête des Philippines, le président Rodriguo Duterte amorça un rapprochement avec la Chine et la Russie tout en remettant en question les liens militaires de son pays avec les États-Unis. Son inimitié à l’égard du président Obama [qui le lui rendait bien], pouvait être l’une des clés de cette politique.

Cela étant, quand des groupes jihadistes affiliés à l’État islamique s’emparèrent de la ville de Marawi, chef-lieu de l’île de Mindanao, les Philippines reçurent un soutien militaire de la part des États-Unis [et aussi de l’Australie], notamment dans les domaines du conseil et du renseignement. Pour autant, cet épisode ne mit pas un terme à la défiance de M. Duterte à l’égard de Washington, même si ses relations avec M. Trump semblaient meilleures qu’avec M. Obama.

Puis, en 2019, la Chine commença à s’intéresser aux îles philippines de Pag-Asa, en envoyant des centaines de bateaux naviguer dans leurs environs. Cette méthode avait également été utilisée pour mettre la main sur les récifs de Scarborough et de Reed Bank. Là, le président Duterte menaça Pékin de prendre des « mesures militaires » en dénonçant la présence des embarcations chinoises, qualifiée « d’illégale ».

Dans ce nouveau bras de fer, Washington apporta son soutien à Manille, en envoyant le destroyer USS Preble naviguer dans les environs du récif de Scaborough dans le cadre d’une opération de type « liberté de navigation » [FONOP] ainsi que le navire d’assaut amphibie USS Wasp patrouiller en mer de Chine méridionale à l’occasion de l’exercice Balikatan.

« La construction d’îles et les activités militaires de la Chine en mer de Chine méridionale menacent votre souveraineté, votre sécurité et donc vos moyens de subsistance, de même que ceux des États-Unis. Aussi, […] toute attaque armée contre les forces philippines, ses avions ou ses vaisseaux en mer de Chine méridionale activera les obligations mutuelles de défense définies par l’article 4 de notre traité de défense mutuelle », avait rappelé Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, en mars 2019.

Mais, là encore, cela n’eut visiblement guère d’incidence sur l’attitude de M. Duterte. En février dernier, Manille annonça son intention de mettre un terme à l’accord dit VFA [Visiting Forces Agreement] qui, signé en 1998, offrait un cadre légal à la présence de militaires américains aux Philippines. À cette annonce, le président Trump affirma que cela lui était « égal ». Et d’ajouter : « S’ils veulent le faire, ce n’est pas un problème, cela nous fera économiser beaucoup d’argent. »

La décision de rompre cet accord, avait-il était avancé à l’époque, était sans doute liée au refus des autorités américaines d’accorder un visa à l’ex-chef de la police philippine, Ronald Dela Rosa, devenu sénateur.

Quoi qu’il en soit, Manille et Washington avaient 180 jours à partir de l’annonce de la dénonciation du VFA pour trouver éventuellement un terrain d’entente pour éviter une résiliation. Or, au regard des tensions en mer de Chine méridionale, le gouvernement philippin a décidé de suspendre ce processus.

« La résiliation du traité VFA a été suspendue sur ordre du président », a en effet indiqué Teodoro Locsin, le ministre philippin des Affaires étrangères, évoquant des « évènement d’ordre politique et d’autres évolutions dans la région ».

« En raison de problèmes de sécurité dans cette partie du monde [en mer de Chine méridionale], notre gouvernement a estimé vu qu’il serait prudent pour nous de suspendre simplement la mise en œuvre de la résiliation », a précisé, plus tard, Jose Manuel Romualdez, l’ambassadeur des Philippines aux États-Unis, sur la chaîne d’information ANC.

En avril, Pékin a annoncé la création de deux districts en mer de Chine méridionale pour assoir son emprise sur la mer de Chine méridionale, malgré les revendications, notamment, du Vietnam, de la Malaisie et des Philippines. Cela a-t-il été l’élément qui a fait changer l’avis de Manille au sujet du VFA?

Pour l’analyste politique philippin Richard Heydarian, ce revirement de Manille montre que « M. Duterte doit choisir entre une Chine agressive et un allié historique ». Et d’insister : « Ce n’est pas le moment d’entamer un vilain divorce, surtout quand la Chine déploie ses tentacules partout. »

« Notre alliance de longue date a bénéficié aux deux pays, et nous avons l’intention de continuer une coopération étroite avec les Philippines en matière de sécurité et de défense », a simplement salué l’ambassade des États-Unis à Manille.

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