Mme Parly annonce la commande prochaine de 4 systèmes de luttes anti-mines du futur pour la Marine

Il existe au moins cinq catégories de mines navales [à orin, de fond, ludion, rampante dérivante] avec presque autant de modes de mise à feu. Les plus simples sont celles dites à contact. Comme leur nom l’indique, elles explosent lors d’un choc avec la coque d’un navire. Les plus élaborées se déclenchent quand leurs capteurs détectent une masse métallique à proximité [magnétique], le bruit des hélices et des machines d’un bateau [acoustique] ou bien une variation de pression de l’eau causée par le passage d’un vaisseau [mine à dépression]. Enfin, il faut aussi compter les mines « artisanales », comme celles disséminées par les rebelles Houthis, près des côtes yéménites.

La raison d’être des mines navales est avant tout d’interdire l’accès à une zone donnée afin d’empêcher, par exemple, une opération amphibie ou de bloquer l’accès à un détroit. Elles peuvent aussi être utilisées pour empêcher une force navale [ou simplement un bateau] de sortir de sa base. Par exemple, on peut imaginer qu’un adversaire ait l’idée d’en placer aux approches de l’Île-Longue, ce qui serait de nature à contrarier les départs [et les arrivées] des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE].

Par ailleurs, une fois mouillées, les mines finissent par être… oubliées… Ainsi, les plongeurs-démineurs de la Marine nationale sont régulièrement sollicités pour intervenir sur de tels engins datant de la Seconde Guerre Mondiale, notamment dans la Manche.

Aussi, même si elle n’est pas toujours placée en haut de la pile des dossiers prioritaires, la capacité de lutte contre les mines est essentielle. Actuellement, celle de la Marine nationale repose sur des chasseurs de mines tripartites [CMT], dont les plus anciens ont été mis en service dans les années 1980, ainsi que sur trois Bâtiments remorqueurs de sonars [BRS] type Antarès de conception légèrement plus récente.

Le renouvellement de cette capacité a été lancé en 2010, dans le cadre des accords franco-britanniques de Lancaster House. En effet, Paris et Londres s’étaient mis d’accord au sujet du programme Maritime Mine Counter Measures [MMCM], lequel sera une composante du SLAMF [Système de lutte anti-mines du futur]. Confié à Thales sous l’égide de l’Organisation conjointe en matière d’armement [OCCAr], ce projet aurait pu souffrir du Brexit ou de la concurrence, dans le domaine de la guerre des mines, de Naval Group, qui s’est associé avec le groupe ECA pour remporter un important appel d’offres néerlando-belge. Mais tel n’a apparemment pas été le cas.

Dans le détail, le SLAMF se compose d’un robot télé-opéré [ROV] pour l’identification et la neutralisation des mines, de trois drones sous-marins [AUV] et d’un ‘bateau mère » autonome [ou drone de surface], doté d’un sonar remorqué. Il compte aussi des Bâtiments bases des plongeurs démineurs de nouvelle génération [BBPD NG] et un Système d’exploitation des données de guerre des mines [SEDGM]. Ce système permettra donc de remplacer les CMT et les BRS.

Si le principe du SLAMF est simple sur le papier, il est plus compliqué à mettre en musique. Ainsi, quand une mine est détecté, un AUV en enverra les images à la base où, grâce à l’intelligence artificielle, elle sera identifiée. Une charge explosive sera alors placée par le ROV. La décision de la « pétarder » ne sera prise que par un marin.

En juillet 2019, la Marine nationale avait indiqué que les essais du SLAMF allaient être menés en 2020, sur la base de « scenarii opérationnels ».

En déplacement à Brest où elle a visité la base navale, l’établissement de Thales et l’ENSTA Bretagne, la ministre des Armées, Florence Parly, a souligné l’importance de la mission des chasseurs de mines. Elle est « nécessaire et essentielle, non seulement pour la permanece de la dissuasion, la continuité des opérations et la protection de nos militaires, mais aussi pour la
sauvegarde maritime de notre pays », a-t-elle déclaré.

À cette occasion, la ministre a donné quelques détails sur le fonctionnement et les capacités du SLAMF.

« Pour le dire très simplement : demain, un drone de surface – en d’autres termes un navire autonome – sillonnera les mers avec un sonar remorqué, chargé de repérer la zone suspecte, et des drones sous-marins, pour cartographier les fonds marins. En fonction des informations collectées et transmises au centre de commandement, nous pourrons choisir d’engager un robot télé-opéré, lui-même déployé depuis un second drone de surface, pour neutraliser la mine. Chacun de ces systèmes fait partie d’une même bulle numérique : ils sont programmés pour communiquer, échanger des informations et interagir ensemble », a expliqué Mme Parly.

« SLAMF, c’est la garantie de traiter la menace des mines de façon plus performante, plus précise, plus sûre, tout en étant moins coûteuse. […] Ce système nous permettra de détecter des objets de la taille d’une carte bleue – c’est 30 fois plus petit qu’avec nos moyens actuels. Notre capacité de détection et de neutralisation ira jusqu’à 300 mètres de fond, contre seulement une centaine de mètres avec nos moyens actuels. C’est aussi un gain de temps considérable : le système pourra être projeté en moins de 48h n’importe où dans le monde, et sera capable de cartographier les fonds marins trois fois plus rapidement qu’aujourd’hui grâce au sonar multi-faisceaux de Thales », a continué la ministre.

Enfin, comme le CMT actuel, « nous avons porté une attention particulière à la furtivité de ce système. Les signatures acoustiques, magnétiques et électriques ont été réduites autant que possible. Car nous le savons, c’est dans la furtivité que se joue la résilience d’un système de lutte anti-mines », a-t-elle ajouté.

À l’heure où certains s’interrogent sur l’avenir de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 en raison du contexte économique hérité de la crise du coronavirus, Mme Parly est arrivée à Brest avec une promesse.

« J’ai […] le plaisir d’annoncer que si les démonstrations techniques et les négociations se poursuivent tel que nous l’avons prévu, nous commanderons au deuxième semestre 4 systèmes de drones pour la France. Ils auront vocation à être admis au service opérationnel en 2023 », a en effet affirmé Mme Parly.

« Cette commande, rendue possible par l’effort financier exceptionnel que nous faisons dans le cadre de la loi de programmation militaire, permettra de doter notre Marine du
meilleur outil pour affronter la menace insidieuse des mines », a insisté la ministre.

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