N’Djamena affirme avoir chassé les jihadistes de Boko Haram de son territoire

Le 23 mars dernier, une attaque attribuée au groupe jihadiste nigérian Boko Haram [mais dont les images diffusées plus tard portaient la marque de l’ISWAP, son aile « dissidente » affiliée à l’État islamique], fit une centaine de tués parmi les soldats tchadiens qui tenaient garnison sur l’île de Bohoma, dans la région du lac Tchad.

Après ce cuisant revers, le président tchadien, Idriss Déby Itno, qui s’était rendu personnellement sur les lieux de l’attaque, avait promis une riposte. « Je refuse cette défaite et la réplique doit être foudroyante », avait-il assuré, lors d’une allocution télévisée. D’où le lancement de l’opération « Colère de Bohoma » pour « nettoyer » le sud du Tchad de la présence jihadiste.

Les départements de Fouli et de Kaya, situés dans la province du Lac Tchad, frontalière avec le Niger et le Nigéria, furent alors déclarés « zone de guerre », afin de donner aux forces tchadiennes toute la latitude nécessaire à leurs opérations, dirigées en personne par le président Déby.

Puis, le Tchad annonça le déploiement, à nouveau, de soldats au Niger et au Nigéria, alors que, quelques semaines plus tôt, il avait retiré ses unités alors engagés dans ces pays dans le cadre de la Force multinationale mixte [FMM], formée en 2015 pour combattre le groupe jihadiste nigérian. Cela étant, N’Djamena n’a pas précisé les nombres de militaires déployés, ni leurs capacités.

Cela étant, via les réseaux sociaux, des images montrant des cadavres de jihadistes ainsi que des saisies volumineuses d’armes et de munitions ont depuis été diffusées. Et, sans que l’on puisse confirmer ses propos, le président tchadien a assuré, le 5 avril, que les éléments de Boko Haram avaient été chassés de son pays à la faveur de l’opération « Colère de Bohoma ».

« Il n’y a pas un seul Boko Haram aujourd’hui au Tchad. Deux postes de commandement essentiels dans le lac Tchad ont donc été repris par nos forces et elles ont détruit sérieusement Boko Haram. Le peu qui reste sont soit rentrés au Niger, soit au Nigéria, soit au Cameroun. C’est fini pour ce qui concerne notre pays et il n’y a donc plus de terroristes maintenant », a en effet déclaré M. Déby.

Et d’ajouter ensuite que, désormais, les forces tchadiennes « sont maintenant à l’intérieur des pays voisins et nous leur apportons notre appui. » Seulement, a-t-il une nouvelle fois déploré, depuis notre engagement jusqu’à aujourd’hui, le constat qu’on peut faire est que le Tchad est seul à supporter tout le poids de la guerre de Boko Haram. »

Si les forces tchadiennes sont très sollicitées, il en va de même pour leurs homologues nigérianes et nigériennes, ce qui complique la donne. Les premières, qui ont subi de lourds revers face à l’ISWAP, sont sous-équipées. Et elles doivent faire face à d’autres défis, comme les troubles intercommunautaires dans le centre du pays ou encore les tensions dans le delta du Niger, où l’exploitation pétrolière représente 70% des ressources d’Abuja. Quant aux secondes, leur priorité va à la lutte contre les groupes jihadistes qui sévissent dans les régions frontalières avec le Mali et le Burkina Faso, la capitale, Niamey, étant proche.

Cependant, le 20 mars, l’état-major nigérien a annoncé un succès, avec l’élimination d’Ibrahim Bakoura, un des chefs de Boko Haram, natif de Doron Baga, une ville située dans l’État de Borno. Et cela, « suite à une opération dans les îles nigériennes du lac Tchad ».

« Cette opération conçue et planifiée par des éléments des Armées Nigériennes et Nigérianes et appuyée par un partenaire stratégique a permis d’éliminer Ibrahim Bakoura, un des chefs de factions de Boko Haram et plusieurs de ses compagnons. Ibrahim Bakoura, figure de proue de l’Etat Islamique en Afrique de l’Ouest [ISWAP], est impliqué dans plusieurs attaques horribles contre les civils et les Forces de Défense et de Sécurité ainsi que des enlèvements contre payements de rançons », était-il expliqué dans le communiqué du ministère nigérien de la Défense.

Quoi qu’il en soit, s’agissant de l’opération « Colère de Bohoma », N’Djamena n’a pas encore livré de bilan. « Nous sommes en train de recouper les informations de différents sites d’opération avant de [le] donner un bilan », a expliqué Oumar Yaya Hissein, le porte-parole du gouvernement tchadien.

Sollicité par RFI, Seidik Abba, spécialiste de la région du Lac Tchad, a expliqué que les jihadistes s’étaient repliés face à l’importance des moyens mis en oeuvre par les forces tchadiennes.

« Boko Haram s’était réfugié dans une partie lagunaire du lac qui était difficile d’accès et qui était un peu sous-administrée. Mais depuis le lancement de l’opération « colère de Bohoma », le Tchad a visiblement pris le dessus et réussi à récupérer les deux principales bases de Boko Haram, là où il y a le commandement général et là où se trouve apparemment le quartier militaire d’où Boko Haram partait faire des attaques. […] D’après les informations qui remontent, un des commandants opérationnels a été capturé par les forces tchadiennes », a-t-il dit, en faisant probablement référence aux combats de Kelkoua.

Cependant, tempère-t-il, « même si Boko Haram a été chassé de la partie tchadienne du lac Tchad, le mouvement reste encore actif dans la forêt de Sambisa. On sait aussi que certains éléments ont réussi à s’enfuir principalement vers le Niger, le Nigeria et le Cameroun, sans doute. »

Photo : Archive

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