Sahel : Le groupement européen de forces spéciales officiellement lancé

En juin 2019, lors d’un déplacement au sein du 4e Régiment d’hélicoptères des forces spéciales [RHFS] de Pau, la ministre des Armées, Florence Parly, avait appelé les pays européens à engager leurs forces spéciales au Sahel afin d’accompagner les forces armées locales au combat, estimant que l’Europe devait « intégrer dans son logiciel l’action contre le terrorisme ».

En outre, la ministre française avait souligné que si le Sahel n’était pas « stabilisé », alors l’Europe aura « durablement sur sa tête non pas une, mais deux épées de Damoclès : celle du terrorisme et des prises d’otages, et celle des migrations illégales, dont beaucoup transitent par ces territoires. »

Puis, en novembre, Mme Parly a annoncé la création prochaine d’un groupement européen de forces spéciales appelé « Takuba » et devant être déployé au Mali, afin de « transmettre » ses « savoir-faire d’exception » aux forces armées maliennes [FAMa]. Restait alors à voir quels seraient les pays européens prêts à y contribuer.

Ces dernières semaines, l’Estonie, la République tchèque et la Suède ont annoncé leur intention de participer à Takuba. D’autres, comme par exemple l’Allemagne, ont indiqué qu’ils n’enverraient pas leurs forces spéciales au Sahel, se contentent d’un simple « soutien politique », ou qu’ils contribueraient de manière très limitée pour le moment, en affectant quelques officiers à l’état-major de ce groupement de forces spéciales. Tel est le cas de la Belgique et… des Pays-Bas.

Le 27 mars, le ministère néerlandais de la Défense a en effet expliqué qu’il n’avait pas assez de moyens disponibles pour accroître son effort au Sahel, en raison des déploiements actuels « en Irak et en Afghanistan jusqu’au début de l’année 2022. » Et d’ajouter : « D’autres capacités, comme dans les domaines du transport et des évacuations médicales, ne sont pas non plus disponibles ». Aussi, le soutien des Pays-Bas à l’initative française se traduira au niveau politique et avec l’envoi d’un, voire deux officiers à l’état-major de Takuba.

Quoi qu’il en soit, le 27 mars, les ministres de la Défense et représentants de « l’Allemagne, la Belgique, du Danemark, de l’Estonie, de la France, du Mali, du Niger, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, de la République tchèque, du Royaume-Uni et de la Suède ont participé […] à la réunion ministérielle de lancement de la Task Force Takuba, qui s’est tenue par audioconférence en raison de l’épidémie de Covid-19 », a annoncé le ministère des Armées.

Au cours de cette conférence, le général Grégoire de Saint-Quentin, sous-chef d’état-major « opérations », a expliqué la vision française de la situation au Sahel et livré des « informations actualisées » sur l’opération Barkhane tandis que Mme Parly a rappelé la stratégie suivie par la France dans la région.

Au total, dix pays européens soutiennent donc l’opération Takuba, considérant que « la situation sécuritaire au Mali, et, plus largement, au Sahel, est toujours préoccupante. » Et le communiqué du ministère des Armées indiquent qu’ils sont « convenus de mettre sur pied, sur invitation du Président de la République du Mali, Son Excellence Ibrahim Boubacar Keïta, et du Président de la République du Niger, Son Excellence Mahamadou Issoufou, une task force pour assister les forces armées maliennes dans la lutte contre les groupes terroristes et d’appuyer les efforts actuellement déployés par l’opération Barkhane et la Force conjointe du G5 Sahel. »

Parmi ces pays européens, certains seront donc plus engagés que d’autres… « Les participants ont salué les contributions d’ores et déjà annoncées par la Belgique, le Danemark, l’Estonie, la France, les Pays-Bas et le Portugal, ainsi que la contribution envisagée de la Suéde et ont appelé des engagements supplémentaires à cet effort européen commun visant à accroître la sécurité internationale. »

Curieusement, le communiqué a oublié de citer la République tchèque, dont le gouvernement a pourtant validé le déploiement de 60 militaires de ses forces spéciales. Mais, comme en Suède, ce projet doit recevoir le feu vert du Parlement. La Norvège a renoncé à une telle participation, faute de pouvoir compter sur le soutien de ses parlementaires. Le même calcul a été fait en Allemagne, dont le rôle dans cette affaire peut se résumer par la formule « allez-y, on vous regarde ». Quant au Danemark et au Royaume-Uni, ils soutiennent déjà la force Barkhane avec des hélicoptères de transport lourd basés à Gao [Mali].

« L’ensemble des engagements militaires au Sahel, et en particulier Takuba, s’inscrivent dans une approche plus globale de promotion de la sécurité et de la stabilité dans la région. Takuba s’inscrira donc au sein du premier pilier ‘combat contre le terrorisme’ de la ‘Coalition pour le Sahel’, nouveau cadre annoncé lors du sommet de Pau ayant pour objectif de rassembler de manière cohérente les différentes actions menées sur place », rappelle le ministère des Armées.

Placé sous le commandement de la force Barkhane et devant opérer la région du Liptako, le groupement Takuba devrait compter au total 500 membres des forces spéciales européennes, dont une centaine de français [en plus de ceux déjà engagés dans la task force Sabre]. Sa mission sera de conseiller, d’assiter et d’accompagner les forces armées maliennes, « en coordination avec les partenaires du G5 Sahel, la mission de l’ONU [MINUSMA] et les missions de l’UE [EUTM Mali, EUCAP Mali et EUCAP Niger], en s’appuyant pour ce faire sur une base légale robuste conforme au droit international. »

En outre, Takuba devrait atteindre sa capacité opérationnelle initiale [IOC] à l’été 2020 et sa pleine capacité opérationnelle [FOC] début 2021.

Lors d’une récente audition au Sénat, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], avait expliqué que « l’accompagnement au combat » était un « travail qui, en principen ne relevait pas des forces spéciales mais des forces conventionnelles ». Mais, avait-il poursuivi, « nous allons néanmoins confier cette mission aux forces spéciales pour deux raisons : d’une part, car notre réputation […] nous permet d’attirer les techniciens militaires de nos partenaires au sein de l’Union européenne et, d’autre part, car dans ces pays, le risque est mieux accepté s’il s’agit des forces spéciales. »

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