La « guerre » contre l’épidémie de coronavirus se double d’une bataille de l’information

L’origine du SARS-CoV-2, c’est à dire le virus qui est la cause de la maladie CoVid-19 qui se répand actuellement de par le monde, est encore incertaine. Cependant, les scientifiques estiment que, s’il présente de fortes similitudes avec des coronavirus prélevés sur des chauve-souris et le pangolin, il a été vraisemblablement transmis à un être humain par un « hôte intermédiaire » qui reste à identifier. Dans le cas du SRAS-CoV [en 2002/03] et du MERS-CoV [syndrome respiratoire du Moyen-Orient, découvert en 2012], il avait été déterminé que la civette et le dromadaire avaient joué ce rôle de « hôte intermédiaire ».

En tout cas, on sait que les premiers patients affectés par le coronavirus sont apparus en Chine, vraisemblalement à partir de novembre 2019. C’est ce qu’a récemment avancé le quotidien South China Morning Post. Selon ce dernier, le fameux « patient zéro » serait, d’après les bases de données des autorités chinoises,un homme de 55 ans, originaire de la province du Hubei. Celle d’où l’épidémie est partie. Et l’alerte n’a été donnée que le 27 décembre, alors que le nombre de cas augmentait significativement.

Pourtant, des « lanceurs d’alerte » informèrent les autorités que l’on était aux prises avec une forme jusqu’alors inconnue de coronavirus. Mais le silence leur fut imposé… Seulement, vint le moment où maitenir le couvercle n’était plus possible. Et l’Organisation mondiale de la santé [OMS] indiqué, dans son bulletin du 12 janvier, que la Chine l’avait informée de l’apparition de cette maladie.

Cependant, les fausses informations concernant cette épidémie, qui se limitait alors à la province de Hubei tout en commençant à gagner la Corée du Sud, ne tardèrent pas à être diffusées via les réseaux sociaux. Et des théories suggérant que le SARS-CoV-2 était une « arme biologique » sortie des laboratoires de la CIA pour affaiblir Pékin firent leur apparition.

Depuis, les autorités chinoises ont saisi la balle au bond, trouvant là un moyen de redorer leur blason, après avoir été accusées d’avoir trop tarder à réagir face à l’épidémie naissante. Ainsi, le 5 mars, alors que la situation en Chine commençait à s’améliorer, Zhao Lijian, un porte-parole de la diplomatie chinoise, a laissé entendre que le virus avait été introduit en Chine par l’armée américaine, à l’occasion des jeux mondiaux militaires de… Wuhan.

« Il est possible que ce soit l’armée américaine qui ait apporté l’épidémie à Wuhan. Les États-Unis doivent être transparents ! Et doivent publier leurs données! Les États-Unis nous doivent une explication », a lancé M. Zhao via Twitter, en s’appuyant non pas sur des documents scientifiques mais sur des articles publiés par un site connu pour diffuser des thèses conspirationnistes.

En outre, Pékin prend la mouche quand le président américain, Donald Trump, parle de « virus chinois » dans ses interventions. « [Le virus] est venu de Chine. Je pense que c’est une formule très exacte », plaide-t-il. « La Chine diffusait des informations erronées selon lesquelles notre armée leur aurait transmis le virus. Plutôt que de se lancer dans une polémique, j’ai dit: je vais l’appeler en utilisant le pays d’où il vient », a-t-il expliqué.

Quant aux fausses informations, Washington croit aussi savoir d’où elles viennent. Pas de Pékin mais de… Moscou. En effet, le 22 février, des responsables américains ont affirmé que des milliers de comptes liés à la Russie avaient participé à une « campagne de désinformation » en propageant des théories du complot au sujet de l’épidémie de Covid-19.

« Le but de la Russie est de semer la discorde et d’affaiblir de l’intérieur les institutions des États-Unis et leurs alliances, y compris au travers de campagnes souterraines et pernicieuses », a expliqué Philip Reeker, sous-secrétaire d’Etat chargé de l’Europe et de l’Eurasie, à l’AFP. « En disséminant la désinformation sur le coronavirus, des acteurs russes malveillants choisissent une fois de plus de menacer la sécurité publique au détriment de la réponse globale » à l’épidémie, a-t-il ajouté.

« C’est typique de la doctrine russe de confrontation informationnelle », a relevé un responsable américain, cité par l’AFP. « Le nombre mondial de cas du coronavirus n’a pas atteint son pic, donc la stratégie russe est d’exploiter l’environnement informationnel de façon très peu coûteuse mais très efficace, afin de semer la discorde entre la Chine et nous, ou pour des raisons économiques », a-t-il estimé.

Cette campagne de désinformation attribuée à la Russie aurait commencé à partir du 20 janvier dernier. « Il est peu probable que ce soit une coïncidence. […] Quand les médias russes ont commencé à sortir ces théories, les comptes russes ont vraiment commencé à les promouvoir mondialement », a observé un autre responsable. « Ces milliers de comptes travaillent de concert les uns avec les autres, au quotidien, avec des phrases, un ton et un rythme identiques. On peut tous les relier assez facilement à RT, Sputnik et d’autres médias liés à la Russie », a-t-il dit.

Cependant, la diffusion de ces fausses informations ne serait pas forcément la conséquence d’un ordre « explicite » donné par le Kremlin. « Il n’est pas nécessaire qu’un thème particulier soit décidé au plus haut niveau. [Les trolls russes] ont la capacité indépendante d’opérer dans cet espace pour infliger les dommages qu’ils souhaitent, avec des conséquences potentiellement catastrophiques », a-t-on expliqué au département d’État.

Mais les États-Unis ne sont pas les seuls à pointer la Russie… Tel est aussi le cas du Service européen pour l’action extérieure [SEAE], qui a rendu un rapport auquel l’agence Reuters et l’AFP ont pu avoir accès. Daté du 16 mars, il assure qu’une « importante campagne de désinformation des médias d’État russes et des médias pro-Kremlin concernant COVID-19 est en cours. »

Et d’expliquer : « L’objectif principal de la campagne de désinformation menée par le Kremlin est d’aggraver la crise de santé publique dans les pays occidentaux, en sapant la confiance du public dans les systèmes de santé nationaux – empêchant ainsi une réponse efficace à l’épidémie. »

Aussi, un passage de l’adresse aux Français du président Macron, le 16 mars, n’est pas anodin. « Évitez l’esprit de panique, de croire dans toutes les fausses rumeurs, les demi-experts ou les faux-sachants. La parole est claire, l’information est transparente et nous continuerons de la donner », avait-il dit.

Selon ce rapport, près de 80 cas de désinformation sur le coronavirus ont été relevés depuis 22 janvier [qui correpond à la date du début de la campagne de désinformation évoquée par les responsables américains].

Cette « campagne est conçue pour exacerber la confusion, la panique et la peur, et pour empêcher les gens d’accéder à des informations fiables sur le virus et les dispositions de sécurité publique », avance encore l’étude du SEAE. Cependant, avance-t-il, les « media pro-Kremlin ne semblent pas être à l’origine de la désinformation elle-même. Ils ne font qu’amplifier des théories qui ont leur origine ailleurs, par exemple en Chine, en Iran ou au sein de l’extrême droite américaine. »

Et ce mode opératoire leur « permet d’éviter l’accusation de créer eux-mêmes la désinformation, en prétendant au contraire qu’ils ne font que rapporter ce que les autres disent. »

Évidemment, la Russie a réfuté ces accusations. Ainsi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dénoncé des « allégations absurdes » qui « manquent d’exemples précus ou de liens avec un média particulier ».

« S’il y avait là-dedans au moins un exemple concret, je pourrais le commenter. Mais il s’agit une nouvelle fois d’accusations gratuites » […] « Nous parlons à nouveau de certaines allégations non fondées qui, dans la situation actuelle, sont probablement le résultat d’une obsession anti-russe », a insisté M. Peskov.

Cependant, la Russie s’est également dit victime de fausses informations au sujet du Covid-19. Encore récemment, le pays ne comptait que quatre malades, malgré le fait qu’il partage 4.250 km de frontière avec la Chine [mais dans des zones peu peuplées]. Aussi, certains ont affirmé que les autorités russes cachaient la réalité de la situation. Et M. Poutine a point des « désinformations provocatrices » qui, selon le FSB, rapporte Le Figaro [du 4 mars], sont « essentiellement organisées de l’étranger » avec l’’objectif de « semer la panique parmi la population. »

Mais la situation a évolué en quelques jours. Désormais, le 18 mars, la Russie a indiqué une hausse de 30% du nombre de malades, ce qui en fait maintenant 147 au total.

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