Les forces américaines affirment que leur drone perdu en Libye a été abattu par un système anti-aérien russe

Le 22 novembre, le commandement militaire américain pour l’Afrique [US AFRICOM] a annoncé la perte de l’un de ses drones au-dessus de Tripoli, théâtre d’une offensive de l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar contre les troupes du gouvernement rival dit d’union nationale [GNU].

Formé sous l’égide des Nations unies, le GNU est officiellement reconnu par la communauté internationale, tout en bénéficiant d’un soutien militaire de la Turquie et du Qatar. Son autorité est contestée par le gouvernement de Tobrouk dont le maréchal Haftar est l’un des hommes forts. Ce dernier s’appuie notamment sur l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Jordanie et, plus discrètement, sur la Russie. En outre, le chef de l’ANL a affiché une certaine proximité la France, en raison de son engagement contre les groupes jihadistes sévissant dans l’est et le sud de la Libye.

Selon l’AFRICOM, le drone en question effectuait une mission consistant à « évaluer la situation en matière de sécurité et surveiller les activités » des groupes « extrémistes violents », dans le cadre d’une coordination « avec les responsables gouvernementaux concernés ». Mais alors que la Libye compte deux gouvernements, le communiqué s’est gardé de donner des précisions à leur sujet.

Le type du drone perdu n’a pas non plus été précisé, si ce n’est qu’il n’était pas armé. Il pouvait alors s’agir d’un RQ-4 Global Hawk, opérant depuis la base de Sigonella, en Sicile, ou d’un MQ-9 Reaper basé à Agadez [Niger] ou, peut-être, en Grèce, où l’US Air Force en a déployé quelques exemplaires.

À noter que, deux jours avant l’annonce concernant l’appareil américain, l’état-major italien avait également indiqué avoir perdu un MQ-9A Reaper de l’Aeronautica Militare au-dessus de Tripoli. L’ANL avait assuré, plus tard, l’avoir abattu [probablement avec un système Pantsir S-1, de facture russe[mais utilisé par les Émirats arabes unis, ndlr] en expliquant l’avoir confondu avec un drone de fabrication turque.

Quoi qu’il en soit, ce 7 décembre, le général Stephen Townsend, le chef de l’US AFRICOM, a déclaré à l’agence Reuters que l’hypothèse la plus crédible pour expliquer la perte du drone américain au-dessus de Tripoli est qu’il a été abattu par un système anti-aérien d’origine russe.

Les servants de ce système « ne savaient pas qu’il s’agissait d’un engin américain sans pilote quand ils ont ouvert le feu », a affirmé le général Townsend. « Mais ils savent très certainement depuis à qui il appartient et ils refusent de le rendre. Ils disent qu’ils ne savent pas où il est mais je n’y crois pas », a-t-il ajouté, sans donner plus de précisions.

Le porte-parole de l’US AFRICOM, le colonel Christopher Karns, a ensuite expliqué que la responsabilité de la perte du drone revenait « soit à l’Armée nationale libyenne, soit à des mercenaires russes ». Et « les opérateurs du système de défense ont tiré par erreur sur ce drone pensant qu’il s’agissait d’un engin du camp opposé », a-t-il expliqué.

À plusiers reprises, ces dernières semaines, la diplomatie américaine a dénoncé « l’ingérence militaire de la Russie » qui « menace la paix, la sécurité et la stabilité en Libye ». Comme encore le 26 novembre dernier, par la voix de David Schenker, le secrétaire d’État adjoint américain pour le Moyen-Orient. « Nous avons transmis ce même message lors de discussions de haut niveau avec l’Armée nationale libyenne et au Gouvernement d’union nationale », a-t-il dit.

La Russie est en effet soupçonnée d’avoir envoyé des mercenaires de la société militaire privée Wagner combattre aux côtés des troupes du maréchal Haftar. Ce que les dirigeants russes démentent.

Pour autant, selon Moncef Djaziri, chercheur et spécialiste de la Libye à l’Université de Lausanne, cette présence des mercenaires de la SMP Wagner et de « conseillers militaires russes » [depuis 2015, selon l’unversitaire, ndlr] est un moyen pour la Russie d’avoir « deux fers au chaud » car « d’un côté elle soutient tout comme le restant de la communauté internationale le gouvernement de Fayez al-Sarraj, de l’autre elle apporte une assistance au camp opposé, se montrant volontiers comme la seule puissance capable d’exercer une médiation entre les deux parties. » Et cela afin de « positionner pour obtenir de futurs contrats liés à la reconstruction du pays et à ses ressources énergétiques » ainsi que pour « obtenir un gain stratégique, la Russie cherchant depuis longtemps à prendre pied sur la rive méridionale de la Méditerranée », a-t-iil expliqué dans un entretien accordé à Vatican News.

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