Le président Macron s’interroge sur le fonctionnement de l’Otan, après l’offensive turque en Syrie

Le 17 octobre, à l’issue d’une rencontre avec le vice-président américain, Mike Pence, qu’il avait initialement refusé de recevoir, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a accepté de suspendre pendant cinq jours l’opération « Source de paix » lancée, une semaine plus tôt, par Ankara contre les milices kurdes syriennes [YPG], engagées au des Forces démocratiques syriennes [FDS] contre l’État islamique [EI ou Daesh], avec le soutien de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis. Nul ne sait si cette trêve ira jusqu’au bout…

En attendant, l’opération turque a été vivement critiquée, dans la mesure où elle risque de profiter à l’EI et d’anéantir les années d’efforts consentis par la coalition anti-jihadiste pour abattre le « califat » qu’il s’était taillé entre l’Irak et la Syrie. En outre, des exactions, commises par des supplétifs syriens des forces turques, ont jeté le trouble. Comme celles du très controversé groupe rebelle « Ahrar al-Sharkiya », dont les membres ont abattu sommairement Hevrin Khalaf, une responsable politique kurde.

Le 14 octobre, le chef du Pentagone, Mark Esper, a affirmé que, en lançant une opération militaire dans le nord de la Syrie, la Turquie a commis une « action irresponsable », qui « porte atteinte à la réussite de la coalition » formée pour combattre l’EI. « Je me rendrai à Bruxelles où je compte faire pression sur nos autres alliés de l’Otan pour qu’ils prennent des mesures diplomatiques et économiques, collectivement et individuellement, en réponse aux actions turques », a-t-il assuré.

Justement, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, n’est pas très à l’aise… Et il s’est gardé de mêler sa voix au concert des critiques visant la Turquie, membre de l’Alliance depuis 1952. Et pour cause : occupant une position stratégique dans la mesure où il permet le contrôle de l’accès à la mer Noire, ce pays accueille plusieurs bases de l’Otan, dont un dépôt de bombes nucléaires tactiques B-61 à Incirlik. En outre, il dispose de forces armées aux effectifs conséquents.

Lors de l’audition de la ministre des Armées, Florence Parly, par la commission qu’il préside, le sénateur [LR] Christian Cambon a d’ailleurs estimé que M. Stoltenberg lui était paru « totalement déconnecté des réalités » lors d’une session d’automne de l’assemblée parlementaire de l’Otan, organisée à Londres , les 11 et 14 octobre.

En tout cas, au regard de l’évolution de la situation dans le nord de la Syrie [évolution permise par la décision de, Donald Trump, de laisser le champ libre à son holomogue turc], le président Macron a estimé que la Turquie avait commis une « folie », avant de pointer sa « complicité” en cas de résurgence de l’EI au Levant.

« J’ai compris qu’on était dans l’Otan. J’ai compris aussi que la Turquie et les États-Unis d’Amérique sont dans l’Otan. Et j’ai découvert par tweet que les États-Unis d’Amérique décidaient de retirer leurs troupes et de libérer la zone, comme tout le monde. Et j’ai compris qu’une puissance de l’Otan décidait d’attaquer ceux qui ont été les partenaires de la coalition internationale sur le terrain pour se battre contre Daesh », a déploré M. Macron. « Donc, je considère que ce qu’il s’est passé depuis plusieurs jours est une faute lourde de l’Occident et de l’Otan dans la région », a-t-il ensuite déclaré,  lors d’une conférence de presse donnée à l’issue d’un Conseil européen, ce 18 octobre.

« Je pense que cela affaiblit durablement notre crédibilité pour trouver des partenaires sur le terrain », a poursuivi le président français. Aussi, a-t-il ajouté, « je pense que ça interroge aussi le fonctionnement de l’Otan ».

Plus tôt, M. Macron avait indiqué qu’il prévoyait de rencontrer, « sans doute à Londres », M. Erdogan avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le Premier ministre britannique, Boris Johnson [s’il est toujours en poste…] Probablement à l’occasion du prochain sommet de l’Otan.

« Il est important que nous puissions nous réunir et nous coordonner”, notamment pour voir comment “ramener la Turquie à des positions plus raisonnables », a expliqué le chef de l’Élysée.

Enfin, M. Macron a dit en avoir tiré une « conclusion », celle que la « région du Proche et du Moyen-Orient est stratégique pour l’Europe » et que cette dernière doit y bâtir une « autonomie stratégique et capacitaire. »

« Nous ne pouvons plus être les partenaires minoritaires d’autres, même si ce sont nos alliés », a insisté le président Macron, en évoquant le rôle des États-Unis [sans les nommer] en Syrie. Et de constater, après la décision de M. Trump, que « ceux qui sortent gagnants, par la loi du plus fort, ce sont la Turquie, la Russie et l’Iran ».

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