L’armée de Terre insiste sur l’importance des traditions pour forger « l’esprit guerrier » chez ses soldats

Dans le dernier éditorial qu’il a signé pour le numéro 43 de la Lettre du CEMAT [chef d’état-major de l’armée de Terre], le général Jean-Pierre Bosser est revenu sur « l’esprit guerrier », qui doit donner aux soldats ce « supplément d’âme » nécessaire pour dominer l’adversaire. Ce qui suppose de mettre l’accent sur l’aguerrissement et les traditions.

« Si l’aguerrissement forge le mental du soldat, la haute technologie en démultiplie les sens et les capacités » et « c’est en participant à l’existence d’une collectivité qui conserve les gloires de son passé que le soldat trouve du sens à son action », écrit en effet le général Bosser. D’où sa volonté de faire revivre les traditions de régiments dissous…

Dans un fascicule qu’elle vient de publier, l’armée de Terre estime que les traditions sont même aux « sources de l’esprit guerrier ». Et de citer notamment, pour en résumer sa vision, Victor Hugo [« De la tradition féconde, sort tout ce qui couvre le monde« ] et Marc Bloch [« Le passé a beau ne pas commander le présent tout entier, sans lui, le présent demeure inintelligible« ] ou encore Gustave Thibon [« Pour y voir clair, il faut s’élever au-dessus de son temps, c’est-à-dire s’attacher à quelques invariants qui nous permettent de distinguer et de choisir. Ces invariants, nous les trouvons dans une tradition bien comprise et c’est à la lumière de cette tradition que nous devons accueillir ou repousser, filtrer les nouveautés de notre époque« ].

« Au coeur de l’histoire et de la culture de notre pays se trouve la Tradition militaire. Le code de la chevalerie, le courage de Jeanne d’Arc, le génie de Vauban, l’élan des soldats de l’an Ii ou l’esprit des Forces Françaises Libres sont emblématiques de cette humanité et de ce sens de l’honneur cultivés depuis des siècles dans notre pays », lit-on dans ce fascicule.

« Cette Tradition militaire unique et héritée de l’histoire prend corps aujourd’hui dans des traditions à travers lesquelles la communauté militaire exprime ‘ce qu’elle a été, ce qu’elle est et ce qu’elle veut être », est-il encore avancé dans ce document.

En outre, ces traditions, qui contribuent aussi au rayonnement de l’armée de Terre, fournissent « des repères au soldat et nourrissent sa volonté de vaincre », estime l’état-major de l’armée de Terre. Et, « pour certaines, issues des techniques de combat, elles se veulent également sources d’inspiration », ajoute-t-il. Mais à la condition qu’elles soient « bien comprises » afin d’exalter « les forces morales dans un cadre éthique et réglementaire réaffirmé. »

Parmi ces traditions, qui ne sont absolument pas contraires à la modernité [elles lui donne un sens], le Triomphe des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan en fait partie. Pour rappel, cette cérémonie marque la fin de la formation académique et militaires des élèves officiers de l’École spéciale militaire [ESM] et de l’École militaire interarmes [EMIA] tout étant l’occasion de donner officiellement les noms de baptême aux nouvelles promotions.

Cette année, le Triomphe a eu lieu le 20 juillet. Et les promotions ESM 3 et EMIA 2 ont respectivement reçu les noms de baptême « Compagnons de la Libération » et « Uskub ». Mais cette cérémonie a aussi été l’occasion de fait inédit : la remise d’un « glaive de commandement » par le général Bosser à son successeur, le général Thierry Burkhard.

Le « glaive » est surtout associé à la justice. Il a également une signification religieuse [le glaive est la « parole de Dieu » pour les chrétiens] et il est même l’attribut de l’archange Saint Michel, le saint patron des parachutistes. Enfin, pour les francs-maçons, il est le symbole de la puissance.

Cependant, il y a les traditions que l’on abandonne… Celles que l’on tient à préserver envers et contre tout… Puis celles, oubliées, que l’on fait revivre ou que l’on réinvente. Tel est le cas de cette remise de « glaive de commandement », inspirée d’une pratique datant du Ier Empire.

En effet, à cette époque, les maréchaux se voyaient remettre un glaive de cérémonie par l’Empereur Napoléon Ier. Le Musée de l’Armée en expose d’ailleurs quelques uns. Mais cette « tradition » remonte à l’Antiquité… puisqu’elle est en réalité héritée des légions romaines.

Cela étant, au XIXe siècle, l’infanterie française fut même dotée d’un « glaive modèle 1831 » qui, surnommé « coupe choux », remplaça le « sabre briquet ». Puis, devenu inutile au combat, le glaive passa de mode… avant de figurer sur des insignes [celui de l’ENSOA, par exemple] et, encore actuellement, sur le logo de l’armée de Terre.

Lors du Triomphe des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, il a été avancé que le « glaive symbolise pour la première fois le transfert d’autorité dans le domaine des traditions de l’armée de Terre. C’est l’arme courte, l’arme des soldats qui sont au contact. Elle symbolise la puissance et le commandement. »

« Sous la Révolution française cette arme incarne la Patrie, la justice ou encore l’engagement au service de la nation », fait encore valoir le Sirpa Terre. « En se voyant remettre ce glaive de commandement, le général Burkhard devient le père des traditions au sein de l’armée de Terre », a-t-il été expliqué lors du Triomphe.

Photo : LTN Maunoury – 1er Chasseurs / UNABCC

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