Les jihadistes somaliens ont amélioré leur capacité de frapper des « cibles stratégiques » avec précision

Ces dernières années, en Somalie, les forces américaines ont éliminé plusieurs cadres jihadistes, dont Ahmed Abdi Godanen le chef des milices shebab, liées à al-Qaïda.

Et, depuis que le président Trump leur a donné plus de latitude sur le théâtre somalien, elles ont enchaîné les frappes aériennes, lesquelles sont, selon la formule systèmatiquement utilisée par l’US Africom, menées « en étroite coordination avec le gouvernement somalien » pour « empêcher les milices Shebab d’utiliser les zones isolées comme refuge » afin de « recruter et de planifier de futures attaques. »

Seulement, cette organisation jihadiste fait preuve d’un résilience étonnante. Le 12 avril, elle a enlevé deux médecins cubains à Mandera, ville kényane frontalière avec la Somalie. Et elle a exigé 1,5 million de dollars pour les libérer. Mais elle a aussi multiplié les attaques, notamment contre les cibles gouvernementales [un vice-ministre a été tué en mars, lors d’une attaque dite « complexe »] et les étrangers. Ainsi, le 14 mai, un ressortissant turc a été assassiné à Mogadiscio. D’ailleurs, les intérêts de la Turquie dans ce pays, où elle a massivement investi ces derniers temps, sont régulièrement visés…

« Les conditions de sécurité sont demeurées instables pendant la période considérée. Les Shebab sont restés les principaux auteurs d’attentats contre des bâtiments et des hauts-responsables du gouvernement, contre les forces de sécurité ainsi que contre des restaurants et hôtels populaires », relève ainsi Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans le dernier rapport sur la situation somalienne qu’il a remis au Conseil de sécurité.

Effectivement, il ne s’est pratiquement pas passé un jour, en mars et en avril, sans qu’il y ait un attentat-suicide au véhicule piégé, des attaques commis avec des engins explosifs improvisés et des obus de mortiers ou encore des « assassinats ciblés ».

« Rien qu’en mars, 77 attaques aux engins explosifs improvisés ont été enregistrées dans l’ensemble du pays. Il s’agit là du décompte mensuel le plus élevé depuis 2016 », note le rapport de M. Guterres.

Mais le document fait état d’une nouvelle tendance : la multiplication des attaques au mortier de 81 mm. Le 1er janvier, 7 obus ont par exemple été tirés contre le complexe des Nations Unies à Mogadiscio. Des emprises militaires ont également été visées.

« On a également constaté une augmentation notable du nombre d’attaques au mortier, ce qui a révélé que les Shebab avaient amélioré leur capacité de frapper des cibles stratégiques avec précision et exactitude », avance M. Guterres.

Le bilan de ces attaques commises durant le premier trimestre 2019 est élevé, avec plusieurs centaines de victimes civiles, dont 546 dues aux Shebab, 70 aux forces gouvernementales, 76 à des « individus non identifiés » et 6 à des « frappes aériennes perpétrées par un aéronef non identifié au Djoubaland et au Hiraan ».

Cela étant, au regard de la fréquence des attaques menées par les Shebab, la question est de savoir comment cette organisation jihadiste arrive à se procurer autant d’explosifs. La réponse a été donnée par un autre rapport, établi cette fois par le groupe d’experts pour la Somalie et auquel l’agence Reuters a eu accès. Et elle est simple : elle est en mesure d’en fabriquer par elle-même.

Les Shebab étaient déjà soupçonnés de produire eux-mêmes leurs propres explosifs depuis l’attentat qui fit plus de 500 tués à Mogadiscio, en octobre 2017. Pour cela, estime le groupe d’experts, il leur aurait fallu disposer des susbstances explosives provenant d’au moins 6.000 obus de mortiers…

Pour produire leurs explosifs, les Shebab détournent du nitrate d’ammonium ou de potassium, utilisé dans les engrais, pour le mélanger avec d’autres susbstances.

Par ailleurs, les opérations menées par les troupes somaliennes, avec l’appui des États-Unis et celui de l’AMISOM, la force de l’Union africaine déployée dans le pays sous un mandat des Nations unies, se sont multipliés ces derniers mois. « Les bases d’entraînement des Shebab ainsi que les points de rassemblement utilisés par l’organisation ont subi un grand nombre de frappes aériennes », est-il avancé dans le rapport de M. Guterres.

Toutefois, s’il « semblerait qu’elles aient dégradé la capacité opérationnelle et la liberté de mouvement des Shebab », ces frappes aériennes les ont a priori « poussés à se rendre davantage dans les centres urbains, en particulier Mogadiscio, où ils risquaient moins d’être pris pour cibles d’attaques par les airs », craint le secrétaire général des Nations unies.

Photo : attentat de Mogadiscio d’octobre 2017 (c) Wikimedia

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