Le retrait de la Turquie du programme F-35 n’aurait pas un « impact dévastateur » selon le Pentagone

Cet été, le Congrès des États-Unis a décidé qu’aucun des avions F-35A Lightning II commandés par Ankara ne quittera le territoire américain tant que les implications liées à l’achat de système défense aérienne russe S-400 par la Turquie ne seront pas clairement définies.

En effet, l’on craint que l’acquisition par Ankara de systèmes non interopérables avec ceux de l’Otan puisse permettre à la Russie d’accéder à des informations confidentielles relatives au F-35, développé par Lockheed-Martin.

« C’est une préoccupation importante, non seulement pour les États-Unis, car nous devons protéger cette technologie de pointe mais aussi pour tous nos partenaires et alliés qui ont déjà acheté le F-35 », avait ainsi expliqué, l’an passé, Heidi Grant, la sous-secrétaire adjointe de l’US Air Force pour les affaires internationales.

En théorie, la Turquie pourrait faire l’objet de sanctions américaines, via la loi dite CAATSA [pour Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act, ndlr], qui autorise des mesures contre toute entité qui signerait des contrats avec l’industrie russe de l’armement. À ce jour, seule la Chine en a fait les frais et l’Inde y a échappé.

Seulement, la Turquie est un partenaire de niveau 3 du programme Joint Strike Fighter, qui a abouti au F-35. Ce qui signifie qu’au moins une dizaine d’industriels turcs y sont impliqués, avec des retombées attendues évaluées à 12 milliards de dollars.

Autre complication : la Turquie est un allié important au sein de l’Otan, en particulier par sa position géographique, qui lui permet de bloquer les détroits reliant la Méditerranée à la mer Noire. Enfin, Ankara est aussi susceptible de commander des équipements militaires américains… D’où le rapport commandé par le Congrès, qui tient à y regarder à deux fois avant de prendre une décision.

Le 28 novembre, l’agence Bloomberg a évoqué une partie non classifiée de ce rapport. Et son résumé est clair : Bien que la Turquie « ait été un partenaire important du programme [F-35] en investissant plus de 1,25 milliard depuis le début de sa phase de développement en 2002, l’administration réévaluera la participation continue de la Turquie en tant que l’un des huit partenaires qui a l’intention de se procurer le système S-400 ».

« Le gouvernement américain a clairement indiqué à son homologue turc que l’achat du S-400 aurait des conséquences négatives inévitables sur les relations bilatérales américano- turques ainsi que sur le rôle de la Turquie au sein de l’Otan », indique encore ce rapport, qui plaide pour présenter une autre solution à Ankara.

« Il est essentiel de proposer une véritable alternative qui encouragerait la Turquie à renoncer à une acquisition dommageable du S-400 », plaide le document.

Plus tard, le président de la commission sénatoriale des Forces armées, le sénateur républicain James Inhofe, s’est montré inflexible. « La Turquie est un allié important de l’Otan, mais elle doit également agir comme tel », a-t-il dit.

« La Turquie a de vraies exigences en matière de défense aérienne » mais il n’en reste pas moins qu’elle doit prendre une décision entre la Russie et l’Occident. Si elle achète le [système S-400], cela aura des conséquences », a prévenu M. Inhofe.

Et visiblement, l’exclusion de la Turquie du programme F-35 n’aurait pas de conséquences insurmontables. Du moins, c’est ce que prétend Heidi Grant, qui s’apprête à prendre la direction de la « Defense Technology Security Administration » [DTSA], une agence du Pentagone dont la mission est de veiller à ce que les exportation de systèmes militaires ne compromettent pas les avantages technologiques des États-Unis.

« Bien que cela aura un impact sur le programme F-35, je ne pense pas qu’il sera dévastateur si… il est décidé politiquement qu’ils [les Turcs] ne seront plus partenaires », a estimé Mme Grant, avant d’assurer qu’elle comptait tenir « un rôle encore plus actif » sur cette question quand elle prendra les rênes de la DTSA.

Quelle sera la décision de l’administration américaine sur ce sujet? À en croire le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, M. Trump ne serait pas opposé à la livraison des F-35 aux forces aériennes turques.

Ainsi, M. Cavusoglu a affirmé que, lors du dernier sommet du G-20, le chef de la Maison Blanche avait dit à son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, qu’il « ne voyait pas de problème de voir la Turquie acquérir les avions de Lockheed-Martin en dépit des efforts du Congrès pour bloquer cette vente ». Seulement, M. Trump n’a rien confirmé pour le moment.

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