Selon un rapport du Congrès, les États-Unis ne sont pas certains de gagner une éventuelle guerre contre la Chine ou la Russie

En apparence, les forces armées américaines ne manquent pas de moyens financiers. Et cette année encore, leur budget a nettement été revu à la hausse, pour atteindre 716 milliards de dollars, soit 4 fois plus que les dépenses militaires [officielles] de la Chine et 10 fois plus que celle de la Russie. Seulement, comme souvent, les apparences sont trompeuses…

Ainsi, au cours de ces dernières années, le Pentagone a dû jongler avec les gels et les annulations de crédits, conséquences de la mise sous séquestre du budget fédéral américain et de la paralysie des administrations pour cause de « shutdown ». En outre, il ne faut pas non plus perdre de vue que la solde d’un militaire américain n’est pas la même qu’un soldat chinois ou russe, ce qui explique, en partie, les écarts budgétaires.

À ce tableau, l’on peut ajouter l’intense activité opérationnelle des forces américaines depuis 2001, ce qui joue également sur l’usure des matériels et des hommes, même si, aux États-Unis, les interventions extérieures font l’objet d’un financement distinct. Sans oublier la bureaucratie, avec l’ajout de structures dont il n’est pas certain que l’homme de base sache toujours exactement à quoi elles servent, et les coûts toujours plus importants des nouveaux matériels.

C’est ce qui explique que, même avec le budget militaire le plus important du monde, les forces américaines connaissent des difficultés, avec des soucis de disponibilité et de maintenance de leurs avions (le nombre d’accidents aériens bat des records cette année), un manque de navires, voire des déficits capacitaires dans certains domaines. Par ailleurs, après des années de « guerre contre le terrorisme », elles doivent désormais se réapproprier des savoir-faire propres à la guerre de haute-intensité.

Résultat, avance un rapport [.pdf] rédigé par une commission de 12 anciens responsables du Pentagone à la demande du Congrès : « La supériorité militaire des Etats-Unis – colonne vertébrale de son influence mondiale et de sa sécurité nationale – s’est érodée à un niveau dangereux. »

« Ls gens sont tellement habitués à ce que les États-Unis fassent ce qu’ils veulent dans le monde sur le plan militaire qu’ils ne tiennent pas compte des signes avant-coureurs » de l’érosion des capacités des forces américaines, a averti Kathleen H. Hicks, une ancienne responsable du Pentagone sous l’ère Obama et membre, à ce titre, de cette commission.. « C’est le clignotant rouge que nous essayons de relayer », a-t-elle ajouté.

Ex-haut responsable du Pentagone sous l’administration Bush Jr, Eric Edelman n’a pas dit autre chose. « Les gens ont perdu de vue à quel point la sécurité internationale était devenue compliquée pour les États-Unis. Et, pour de nombreuses raisons, le public américain et le Congrès ne sont pas aussi attentifs à l’urgence de la situation qu’ils devraient l’être », a-t-il dit.

« En raison de notre focalisation récente sur la lutte contre le terrorisme et la contre-insurrection, et parce que nos ennemis ont développé de nouveaux moyens de vaincre les forces américaines, l’Amérique perd de son avantage dans des domaines clés de la guerre tels que la projection de puissance, la défense aérienne et antimissile, le cyber, les opérations spatiales, la guerre anti-surface et anti-sous-marine, les frappes de longue portée et la guerre électronique « , avance ainsi ce rapport.

Et ce dernier d’insister : « De nombreuses compétences nécessaires pour planifier et mener des opérations militaires contre des adversaires compétents – en particulier la Chine et la Russie – se sont atrophiées. »

Aussi, estime ce rapport, « la supériorité militaire américaine n’est plus assurée et les implications pour les intérêts américains et la sécurité américaine sont graves. » En outre, les forces américaines pourraient « subir un nombre inacceptable de pertes [humaines et matériels, ndlr] dans un prochain conflit » et « avoir du mal à gagner, ou peut-être perdre, une guerre contre la Chine ou la Russie ». Et cela surtout vrai dans le cas où les États-Unis seraient « contraints de se battre simultanément sur deux fronts ou plus ».

Pour expliquer cette situation, le document avance que les « États-Unis ont considérablement affaibli leur propre défense en raison de dysfonctionnements politiques et de décisions prises à la fois par les républicains et les démocrates. » Et de citer notamment les coupes budgétaires, lesquelles ont eu des « effets préjudiciables sur la taille, la modernisation et l’état de préparation » des forces armées.

Par conséquent, plaide le rapport, il n’y aura pas d’autres solutions que d’augmenter « de 3 à 5% » par an le budget militaire américain pour remédier aux déficits capacitaires les plus urgents. Mais cela ne suffira pas : dans le même temps, le Pentagone est appelé à revoir ses procédures d’acquisition d’équipements.

Cependant, l’administration Trump ne prend pas ce chemin là : pour l’an prochain, la Maison Blanche a demandé au Pentagone de réduire d’environ 4,5% son budget prévu pour l’année prochaine, ce qui représente près de 33 milliards de dollars.

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