Les forces américaines manquent de moyens dans la région Asie-Pacifique

Au début des années 2010, il n’était question que du pivot des États-Unis vers la région Asie-Pacifique. Dans une tribune publié par Foreign Policy, Hillary Clinton, alors à la tête du département d’État, expliquait que cette zone était le « moteur clé de la politique internationale ». Et d’ajouter qu’il s’agissait de contrer l’influence grandissante de la Chine, d’ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises américaines, de lutter contre la prolifération nucléaire et de garantir la « libre circulation des voies de navigation et de commerce. »

D’où le redéploiement de moyens militaires américains dans cette région, marquée par des tensions latentes et récurrentes susceptibles de dégénérer en un conflit majeur, comme celles liées aux revendications territoriales, principalement en mer de Chine ou encore au programme nucléaire nord-coréen. En outre, cette zone n’est pas épargnée non plus par le terrorisme, avec la présence de groupes inspirés par l’idéologie jihadiste.

Seulement, pour l’amiral Harry Harris, le chef du commandement militaire américain pour le Pacifique (US PACOM), le compte n’y est pas, en particulier à cause des restrictions budgétaires liées à la « séquestration » des dépenses fédérales américaines de ces dernières années. C’est en effet ce qu’il a affirmé lors d’une audition au Congrès [.pdf], cette semaine.

Certes, les moyens américains présents dans la région Asie-Pacifique sont importants, avec des forces terrestres et aériennes stationnées en Corée du Sud, au Japon et, dans une moindre mesure, en Australie, sur l’île de Guam et à Hawaï. Et c’est sans compter sur les navires de l’US Navy, c’est à dire ceux mis à la disposition de l’US Pacific Fleet (COMPACFLT). Et, récemment, ils ont été renforcés avec le déploiement d’un escadron de chasseurs-bombardiers F-35B de l’US Marine Corps et d’une batterie antimissile THAAD près de Séoul.

Si, au cours de son audition, il a plaidé pour l’installation d’une défense antimissile pour protéger Hawaï de la menace que peuvent représenter les missiles balistiques nord-coréens, l’amiral Harris a surtout insisté sur la réponse à donner au renforcement significatif des capacités militaires de la Chine, de la Russie, voire de la Corée du Nord.

Ainsi, par exemple, sur les 400 sous-marins en service dans le monde, 230 appartiennent à des pays de la région Asie-Pacifique, dont 160 sont mis en oeuvre par la Chine, la Corée du Nord et la Russie. « L’activité sous-marine potentiellement adverse a triplé depuis 2008 et cela requiert une hausse correspondante de celle des États-Unis pour maintenir une supériorité sous les mers », a fait valoir l’amiral Harris. Or, pour l’instant, il ne dispose que de 50% des moyens nécessaires pour faire face à ce défi.

Qui plus est, les sous-marins chinois ont accompli des progrès sensibles au cours de ces dernières années. « Si la valeur opérationnelle de la première génération de SNA [chinois], qui date des années 80, était jugée très faible, il en va tout autrement des tous récents SNA de type Shang qui sont crédités d’un remarquable niveau de discrétion acoustique », avait ainsi expliqué, déjà en 2014, l’amiral Bernard Rogel, l’ancien chef d’état-major de la Marine nationale.

En outre, le développement de capacités en matière d’interdiction et de déni d’accès (A2/AD pour Anti-Access/Area Denial), notamment chinoises, ainsi que la mise au point d’armes hypersoniques ou encore d’avions de combat dits de 5e génération posent des défis aux forces américaines. Or, comme l’a dit l’amiral Harris, « si l’USPACOM doit se battre, je ne veux pas d’un combat à armes égales. Si c’est un combat au couteau, je veux un pistolet. Si c’est un combat au pistolet, je veux de l’artillerie ».

Aussi, pour le moment, le chef de l’USPACOM dit manquer de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de navires de surface et de moyens anti-sous-marins. Par ailleurs, l’amiral Harris a aussi remis en cause le traité sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), signé en 1987 par les États-Unis et l’URSS.

Ce texte interdit à ces deux pays de déployer et de mettre au point des missiles balistiques et de croisière lancés à partir du sol ayant une portée comprise entre 500 et 1.000 kilomètres et entre 1.000 et 5.500 kilomètres. Et cela, pour la bonne raison que la Chine n’est pas concernée alors que 90% de son arsenal est constitué d’engins interdits par le traité FNI (qui, en plus, aurait été violé par la Russie, selon Washington).

Outre cet aspect, l’amiral Harris doit faire face à une autre problème : le manque de munitions. En effet, l’US PACOM a dû céder une grande partie de ses stocks à l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient, afin de soutenir l’effort contre l’État islamique (EI ou Daesh). Résultat : les bombes guidées ainsi que les missiles air-air Sidewinder lui font actuellement défaut.

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