Vives tensions entre Riyad et Téhéran après l’exécution d’un dignitaire chiite par les autorités saoudiennes

Condamné à mort en octobre 2014 par la justice saoudienne pour « terrorisme, port d’armes, sédition, désobéissance au souverain, insulte aux savants en loi islamique », le dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr a été exécuté, le 2 janvier,  avec 46 autres détenus, dont certains appartenaient à al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA).

En 2011, Nimr Baqer al-Nimr fut la figure de proue d’un mouvement de contestation chiite dans la province orientale saoudienne du Hasa. Or, pour Riyad, la stabilité de cette région, qui concentre un tiers des 10% de chiites que compte la population saoudienne, est essentielle dans la mesure où elle recèle la quasi-totalité des réserves pétrolières  du royaume.

En outre, le cheikh al-Nimr était aussi un critique virulent de la famille royale saoudienne et dénoncé l’intervention militaire lancée en mars 2011 par Riyad à Bahreïn pour y soutenir le roi Hamed ben Issa al-Khalifa, alors également aux prises avec une contestation chiite.

L’annonce de l’exécution de Nimr Baqer al-Nimr a provoqué une vague d’indignation dans le monde chiite. En Irak, la milice Asaïb Ahl al-Haq a demandé la fermeture de l’ambassade saoudienne à Bagdad tandis que des manifestations hostiles à la famille royale saoudienne ont éclaté à Bahreïn.

Enfin, au Liban, le Hezbollah, la milice chiite, a évoqué un « assassinat » et parlé d’un « crime horrible ». « Nous appelons la communauté internationale à condamner le crime commis par l’Arabie saoudite, et de considérer son régime comme criminel au niveau international, et la responsabilité directe et morale incombe aux Etats-Unis et à ses allié », a-t-il affirmé dans un communiqué.

Mais les réactions les plus vives sont venues d’Iran. « Le gouvernement saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes et dans le même temps utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs (…) il paiera un prix élevé pour ces politiques », a ainsi déclaré Hossein Jaber Ansari, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, peu après l’annonce de l’exécution de Nimr Baqer al-Nimr.

Le guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, a quant à lui estimé que « le sang de ce martyr versé injustement portera ses fruits et la main divine le vengera des dirigeants saoudiens ». Et d’ajouter : « Ce savant opprimé n’a ni encouragé les gens à prendre les armes ni comploté de manière secrète, il a seulement porté ouvertement des critiques ».

Les Gardiens de la Révolution (Pasdarans) ont donné dans la même veine. « Une terrible vengeance frappera les Al Saoud dans un proche avenir et provoquera la chute de ce régime pro-terroriste et anti-islamique », ont-il réagi, dans un communiqué diffusé par l’agence de presse iranienne Mehr.

Et, l’ambassade d’Arabie Saoudite à Téhéran a été attaquée dans la soirée. Des manifestants ont ainsi lancé des coktails Molotov contre sa façade et réussi à pénétrer à l’intérieur de l’enceinte diplomatique avant d’en être évacués par la police. Un consulat saoudien a subi un sort quasi-identique.

Cependant, le président iranien, Hassan Rohani, a jugé ces attaques « totalement injustifiables ».

« L’action menée par un groupe d’extrémistes hier soir (…) contre l’ambassade et le consulat de l’Arabie saoudite, qui doivent être légalement et religieusement sous la protection de la République islamique, est totalement injustifiable », a-t-il en effet affirmé.

Face à ces déclarations, les autorités saoudiennes n’ont pas manqué de réagir à leur tour. Le ministère des Affaires étrangères saoudiens a ainsi convoqué l’ambassadeur d’Iran pour lui remettre « une lettre de protestation concernant les déclarations iraniennes agressives à propos des sentences légales appliquées aujourd’hui contre des terroristes dans le royaume ».

Puis, dans un communiqué, un porte-parole de la diplomatie saoudienne a déclaré que « que le régime iranien est le dernier régime au monde à pouvoir accuser d’autres de soutenir le terrorisme, dans la mesure où l’Iran soutient lui-même le terrorisme ».

De son côté, le département d’État américain a estimé que l’éxécution du dignitaire chiite saoudien risquait d' »exacerber les tensions communautaires à un moment où il est urgent de les apaiser ». Et John Kirby, un porte-parole, a fait savoir que « les États-Unis exhortent le gouvernement d’Arabie saoudite à permettre que s’exprime pacifiquement la contestation. »

L’exécution samedi par l’Arabie saoudite du leader chiite Nimr Baqer al-Nimr, figure de la contestation contre le régime de Riyad, risque d' »exacerber les tensions communautaires à un moment où il est urgent de les apaiser », a jugé le département d’Etat américain.

Pour rappel, les tensions entre l’Arabie Saoudite et l’Iran étaient déjà vives, notamment en raison de l’intervention au Yémen d’une coalition arabe dirigée par Riyad contre les milices chiites houthis.

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