La France suspend la livraison des 2 BPC Mistral à la Russie

Le président du groupe PPE au Parlement européen, le député allemand Manfred Weber a estimé qu’il fallait prendre des sanctions supplémentaires à l’égard de Moscou, étant donné le « regain de violences dans l’est de l’Ukraine ». « Celles que les Etats membres ont prises en juillet prévoient l’interdiction de la signature de tout nouveau contrat d’armement avec la Russie. Mais cette approche doit aussi porter sur les commandes en cours, sous peine d’être absolument inutile. Il en va de la crédibilité de la voix de l’Union européenne », a-t-il plaidé, dans un communiqué diffusé le 2 septembre.

Aussi, dans ce contexte, et alors que « l’Union européenne tente de faire front et de parler d’une seule voix », M. Weber a expliqué qu’il « est totalement impensable que la France poursuive la livraison de ses porte-hélicoptères Mistral à la Russie et forme des soldats russes au maniement de ceux-ci ». Et d’ajouter : « Cette hypocrisie a suffisamment duré. Il est temps pour la France de faire preuve d’un peu de cohérence dans son approche vis-à-vis de la Russie ».

En 2011, la France a signé un contrat avec la Russie pour la livraison de deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) pour un montant de 1,2 milliards d’euros. Et cela, malgré les réticences de certains responsables militaires, à commencer par l’amiral Guillaud, l’ancien chef d’état-major des armées (CEMA). Depuis, le premier navire, baptisé le « Vladivostok », a été construit au chantier naval STX de Saint-Nazaire. Actuellement, 400 marins russes sont en formation pour apprendre à manoeuvrer ce bâtiment, qui devait être livré à l’automne.

« Devait » car la livraison ne devrait finalement pas se faire. À l’issue d’un conseil restreint de défense, ce 3 septembre, un commnuniqué de l’Élysée a fait savoir que « devant la situation en Ukraine », qualifiée de « grave », le « président de la République a constaté que, malgré la perspective d’un cessez-le-feu qui reste à confirmer et à être mis en oeuvre, les conditions pour que la France autorise la livraison du premier BPC ne sont pas à ce jour réunies ».

Et, pour le président Hollande, « les actions menées récemment par la Russie dans l’est de l’Ukraine contreviennent aux fondements de la sécurité en Europe ». Cette décision a été annoncée à la veille du sommet de l’Otan, qui se tiendra au Pays de Galles.

« Le refus de ce contrat ne sera pas une tragédie pour nous en matière de plan de réarmement (…) Même si c’est bien évidemment désagréable et apporte certaines tensions dans les relations avec nos collègues français », a réagi Iouri Borissov, un vice-ministre russe de la Défense, selon l’agence officielle Itar-Tass.

Plusieurs membres de l’Alliance atlantique avaient exprimé leur désaccord au sujet de la vente de ces deux navires. À commencer par la Pologne.

Or, justement, ce pays, qui ne se porte pas trop mal sur le plan économique, a lancé plusieurs procédures d’acquisition pour moderniser ses forces armées. Certaines intéressent les industriels français : Airbus Helicopters est en lice pour fournir 70 hélicoptères pour 3 milliards d’euros (à condition de triompher d’Agusta-Westland et de Sikorsky), DCNS compte être désigné pour livrer 3 sous-marins Scorpène  et le consortium Eurosam est dans la course pour le contrat le plus important en Europe dans le domaine de la défense aérienne avec son SAMP/T. D’où l’attention toute particulière portée au salon de MSPO, à Kielce (200 km de Varsovie).

Quant à savoir si la décision prise par l’Élysée est de nature à porter atteinte à la crédibilité de la signature de la France au bas des grands contrats d’armement, il faut se reporter à l’embargo décrété par le général de Gaulle à l’égard d’Israël, en 1967. L’État hebreu avait commandé des vedettes aux CMN de Cherbourg ainsi que des Mirage 5. Les navires ont bien été livrés à leurs destinataires, dans des conditions rocambolesques (disons que les autorités françaises ont fermé les yeux) tandis que les avions ont été affectés à l’armée de l’Air, plus précisément à la 13e escadre de chasse. Pour autant, cela n’empêcha pas Dassault Aviation de décrocher plusieurs contrats importants à l’étranger par la suite (grâce au Mirage F1), tout comme d’ailleurs les autres industriels français de l’armement.

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