L’affaire des vedettes lance-missiles de Cherbourg

En deux contrats signés en 1965 et 1966, Israël commanda 12 vedettes lance-missiles auprès des Constructions mécaniques de Normandie, une entreprise fondée par Félix Amiot, qui commença sa carrière d’industriel très jeune dans l’aviation avant d’être contraint de se reconvertir, à la Libération, pour avoir assemblé des Junker sur l’ordre de l’occupant allemand.

Seulement, et alors que la France était jusque-là l’un des principaux fournisseurs d’armes d’Israël, le général de Gaulle décidé, après la guerre des Six jours, d’imposer un embargo sélectif concernant les matériels militaires français à destination de l’armée israélienne.

Cette mesure ne concernait pas les vedettes fabriquées à Cherbourg, étant donné que leur armement était à la charge d’Israël. Mais, en janvier 1969, après un raid israélien sur l’aéroport de Beyrouth en représailles d’un attentat commis contre la compagnie El Al, l’embargo décrété par la France devint total, alors qu’il restait encore 5 bateaux à livrer.

En juin 1969, Georges Pompidou, qui venait de prendre la succession du général de Gaulle à l’Elysée, ne remit pas en cause cet embargo. Au contraire même puisqu’il décidé de réorienter davantage la politique étrangère française vers le monde arabe. Dans la balance, il y avait alors un important contrat d’armement en cours de négociation avec la Libye du colonel Kadhafi.

Pour autant, cette situation n’arrangeait personne. A commencer par les Constructions mécaniques de Normandie qui avaient besoin de la commande israélienne pour rester à flot financièrement. Pour Israël, ces vedettes devaient renforcer significativement ses forces navales, qui furent leur talon d’achille lors de la guerre des Six jours.

Aussi, sous l’autorité de l’attaché militaire israélien à Paris, l’amiral Limon, qui fut chef d’état major de la marine de son pays à seulement 26 ans, une audacieuse combine fut imaginée. Il s’agissait en effet de créer une société bidon de droit norvégien, la Starboat SA, censée acquérir les 5 vedettes restantes. La transaction fut approuvée par les autorités françaises, qui voyèrent là un bon moyen de régler le problème de ces bateaux.

Et, le soir de Noël 1969, une centaine de marins israéliens venus à Cherbourg dans la plus grande discrétion, s’emparèrent sans coup férir, avec le soutien de Félix Amiot et de son bras droit, Alain Corbinel, et prirent le large dans des conditions météorologiques épouvantables. Et les bateaux arrivèrent à Haïfa, le 1er janvier 1970.

En France, l’affaire fit grand bruit, à l’époque. Et le ministre de la Défense, qui était Michel Debré, sanctionna deux officiers : le général Cazelles et l’ingénieur Bonte, tous deux chargés de superviser les exportations d’armes françaises.

Toutefois, une question se pose. Est-ce que les autorités françaises étaient au courant de cette opération? Ont-elles fermé les yeux afin de ne mécontenter personne et en sauvant les apparences? Et peut-on imaginer que les services de renseignement français n’aient pas remarqué les mouvements inhabituels de marins israéliens à Cherbourg avant le départ des 5 vedettes?

A toutes ces questions, le premier volet de la série documentaire « Etranges Affaires« , qui sera diffusé le 16 avril sur France 3 à une heure malheureusement tardive (23h15), se propose d’y répondre, avec la participation du journaliste Patrick Pesnot (l’animateur de Rendez-vous avec monsieur X sur France Inter et auteur de nombreux ouvrages ayant trait aux affaires de renseignement) et l’utilisation d’archives inédites.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]