Le porte-avions a-t-il encore un avenir?

« La question dans cinq ans sera : ‘Est-ce qu’on conservera un porte-avions? », a affirmé, le mois dernier à Ouest France, Patricia Adam, la présidente de la commission de la Défense et des Forces armées à l’Assemblée nationale.

Alors que la Chine entend disposer de plusieurs bâtiments de ce type, que l’Inde suit la même pente et que le Royaume-Uni est en train de construire deux exemplaires d’une nouvelle classe, le porte-avions, tel qu’on le connaît aujourd’hui, sera-t-il toujours pertinent dans les années qui viennent?

Poser la question peut paraître provoquant. Et pourtant, un officier de l’aéronavale américaine, le capitaine Henry Hendrix, n’a pas hésité à la poser dans une étude de 12 pages [.pdf] publiée par le Center for a New American Security (CNAS), un centre de réflexion qui entend imaginer une politique de défense « disruptive », c’est à dire en rupture avec les idées du moment.

Pour le capitaine Hendrix, le porte-avions est devenu maintenant trop vulnérable face à plusieurs menaces pour être pertinent dans les conflits futurs, dont celles, bien évidemment, des sous-marins. La littérature populaire (voir à ce sujet les romans de Michael DiMercurio ou de Tom Clancy) met en avant des scénarios où des porte-avions sont gravement endommagés, voire coulés, par des torpilles. Bien sûr, il s’agit de fiction. Mais on le sait bien, il arrive que cette dernière puisse devenir réalité.

Ainsi, en 2006, un submersible chinois avait fait surface au milieu d’un groupe aéronaval américain, croisant alors dans la région d’Okinawa. Et poutant, les bâtiments de la marine chinoise ne sont pas des plus silencieux… Un sous-marin hosile ne pose certes pas un problème insurmontable pour peu que l’on puisse le détecter à temps. En revanche, une attaque par saturation, avec différentes cibles à traiter à la fois, change la donne.

Et, en la matière, le missile anitinavire supersonique chinois DF-21D ASBM a de quoi donner quelques cheveux blancs aux responsables de l’US Navy. D’ailleurs, une image représentant un porte-avions américain dans le désert de Gobi (photo ci-contre), ne laisse aucun doute sur les intentions chinoises….

« La marine [chinoise] améliore la portée de ses radars de surface OTH. Ces derniers pourraient être utilisés en jonction avec les satellites d’imagerie pour localiser des cibles à grande distance de ses côtes et soutenir des frappes de précision à longue distance, y compris par les missiles balistiques anti-navires », estimait le Pentagone dans un rapport publié en 2011.

Estimant le coût maximal d’un DF-21D à 11 millions dollars, le capitaine Hendrix indique que la Chine pourrait en dispose 1.227 pour 13,5 milliards de dollars, soit environ le prix d’un porte-avions de la classe Ford. « Les défenses américaines devraient détruire chaque missile tiré (…) alors qu’un seul suffirait » pour couler un porte-avions, lequel peut être comparé, selon lui, à la chevalerie française lors de la bataille d’Azincourt, où les archers anglais, plus mobiles, furent d’une efficacité redoutable.

Aussi, pour le capitaine Hendrix, le porte-avions est trop coûteux (le coût de fonctionnement en opérations est de 6,5 millions de dollars par jour) et demande des technologies de plus en plus complexes pour assurer sa défense afin de pouvoir lancer un nombre réduit d’avions de combat, qui plus est « historiquement chers », comme peut l’être le F-35. Et le tout, pour des résultats incertains.

Alors, dans ces conditions, que recommande l’officier? Tout d’abord, l’annulation du programme F-35 et le recours aux drones de combat (UCAV), dont l’autonomie sera supérieure à celle des chasseurs-bombardiers, ce qui permettrait de les mettre en oeuvre au-delà de la portée théorique des DF-21D chinois.

Mais le plus pertinent serait d’avoir un plus large recours aux missiles de croisières Tomahawk installés à bord des sous-marins de type Ohio, lesquels peuvent en emporter jusqu’à 154 exemplaires. Ces derniers « peuvent discrètement pénétrer dans les eaux ennemies et tirer des salves de missiles dont la précision permet de détruire les infrastructures essentielles de l’adversaire. »

Seulement, des frappes réalisées avec des missiles Tomahawk ont déjà eu lieu, en mars 2011, au début des opérations en Libye. Visiblement, à l’époque, elles ne suffirent pas étant donné que des avions de combat effectuèrent des centaines de missions dans le ciel libyen. S’il n’y avait pas eu les bases de Solenzara, de la Sude ou encore de Sigonella, nul doute que le porte-avions aurait montré sa nécessité. D’ailleurs, le Charles de Gaulle fut même engagé dans les opérations.

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