L’Autriche va rejoindre le projet de bouclier anti-missile lancé par l’Allemagne dans le cadre de l’Otan

Quels seront les résultats de la Conférence sur la défense aérienne et anti-missile en Europe, organisée à Paris le 19 juin dernier, afin de répondre à l’initiative lancée par l’Allemagne dans ce domaine? Pour le moment, elle a au moins permis la signature d’une lettre d’intention par la France, Belgique, Chypre, Estonie et Hongrie en vue d’un achat groupé de 700 missiles anti-aériens MISTRAL dans le cadre du dispositif européen EDIRPA [European defence industry reinforcement through common procurement act]. Mais pour le reste, elle n’a visiblement pas convaincu Berlin de changer d’approche.

Pour rappel, en octobre dernier, l’Allemagne a lancé l’European Sky Shield Initiative [ESSI] dans le cadre de l’Otan. Réunissant dix-sept pays, elle vise à mettre en place un système européen de défense aérienne grâce à l’acquisition commune de capacités dédiées, dont les systèmes IRIS-T SLM [de l’allemand Diehl Defence], Arrow-3 [développé par Israël avec un appui des États-Unis] et Patriot américain. Étant donné que le SAMP/T [Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre] franco-italien a été écarté de cette liste, le président Macron a critiqué à plusieurs reprises ce projet qui, par ailleurs, boude le dispositif EDIRPA.

« Quand je vois certains pays qui accroissent leurs dépenses de défense pour acheter massivement du non européen, je leur dis simplement : ‘vous préparez vos problèmes de demain !’ Il nous faut utiliser ce moment pour produire davantage en Européens », a-t-il ainsi martelé lors d’un discours prononcé à Bratislava, en mai dernier.

Dans un rapport dédié à la défense aérienne, les députés Jean-Louis Thiériot et Natalia Pouzyreff ont vivement critiqué l’initiative allemande. « La place inexistante des solutions européennes, pourtant nombreuses et performantes, contre une promotion de produits américains et israéliens est déplorable. L’encouragement et la préservation de la souveraineté industrielle européenne sont des enjeux cruciaux à l’heure où la notion d’autonomie stratégique a pris tout son sens », ont-ils en effet écrit. Et d’insister : « La protection antiaérienne de l’Europe doit faire l’objet d’une concertation organisée, argumentée, nourrie par l’ensemble des alliés ».

Quoi qu’il en soit, l’Allemagne n’entend visiblement pas les critiques françaises… Et pour cause : on estime à Berlin qu’il faut aller vite, sans attendre le développement de solutions européennes. Ainsi, quelques jours avant la conférence du 19 juin, elle a confirmé son intention de se procurer le système antimissile israélien Arrow 3 pour 4 milliards d’euros. Et elle n’aurait aucun raison de changer ses plans puisque ceux-ci intéressent un dix-huitième pays, à savoir l’Autriche, qui n’est pourtant pas membre de l’Otan [elle a seulement rejoint le partenariat pour la paix en 1995, avant de devenir membre du Conseil de partenariat euro­atlantique, ndlr].

En effet, le 1er juillet, le chancelier autrichien, Karl Nehammer, a indiqué vouloir prendre des mesures pour « protéger » l’Autriche « contre le risque d’attaques de drones ou de missiles ». Une nécessité, selon lui, car il s’agit de faire face à une « menace qui s’est considérablement aggravée » depuis le début de la guerre en Ukraine.

Étant donné sa neutralité, on aurait pu penser que l’Autriche se tournerait vers les mécanismes mis en place par l’Union européenne [dont elle membre depuis 1995, ndlr] pour acquérir les systèmes de défense aérienne qui lui font actuellement défaut. Mais la proximité avec l’Allemagne a visiblement plaidé en faveur d’une adhésion à l’ESSI. Aucun État européen ne peut assurer seul une défense efficace de son espace aérien face aux nouveaux dangers », a par ailleur insisté M. Nehammer.

« Des négociations sont actuellement en cours pour examiner cette coopération et pour clarifier à quoi pourrait ressembler concrètement la participation de l’Autriche à ce projet », a ensuite précisé Klaudia Tanner, la ministre autrichienne de la Défense, avant d’assurer que cela ne remettrait nullement en question la neutralité du pays.

Selon les médias autrichiens, une lettre d’intention pour rejoindre l’ESSI pourrait être signée par Mme Tanner à l’occasion d’un sommet tripartite [Allemagne, Suisse, Autriche] prévu le 7 juillet prochain, à Berne.

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