Prolonger le porte-avions Charles de Gaulle au-delà de 2038 coûterait au moins 1 milliard d’euros

Jusqu’à présent, le débat sur l’opportunité de doter la Marine nationale de deux porte-avions a toujours été tranché par des impératifs budgétaires. Qu’en sera-t-il à l’avenir, au regard de l’évolution de la situation internationale, marquée par des tensions en Méditerranée et en Indo-Pacifique, deux régions où la France a des intérêts à défendre?

En tout cas, les parlementaires s’interrogent… Et deux solutions peuvent être envisagées : construire un second porte-avions de nouvelle génération [PANG] en profitant d’économies d’échelle ou prolonger le Charles de Gaulle au-delà de 2038.

Lors de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement visant à demander une étude sur les coûts d’un éventuel second PANG.

Mais, s’il ne s’y est pas opposé, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, estime que cette option n’est pas abordable financièrement. « Je me suis […] engagé, pour des effets d’opportunité, à ce que l’on fasse la transparence, par un rapport au Parlement, sur la faisabilité et le coût d’un deuxième porte-avions. […] Cela ne veut pas dire que l’on en veut un deuxième – je pense qu’on n’est pas capable de le payer pour être très clair – mais pour des raisons de transparence », a-t-il expliqué lors d’une audition au Sénat, où le projet de LPM 2024-30 sera discuté en séance publique à partir du 27 juin.

Quant à la seconde solution, elle a fait l’objet d’un amendement, adopté par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense. Celui-ci vise à demander au ministère des Armées de remettre au Parlement une étude sur la prolongation éventuelle du Charles de Gaulle dans les six mois après la promulgation de la LPM 2024-30. Or, un tel délai sera impossible à tenir, comme l’a rappelé Vincenzo Salvetti, le directeur des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives [CEA].

« La vie d’un bâtiment à propulsion nucléaire est rythmée par ce que l’on appelle les arrêts techniques majeurs [ATM]. [Or], le prochain ATM du Charles de Gaulle débutera en avril 2027 et devrait durer entre 18 et 24 mois », a dit M. Salvetti. Et ce n’est qu’à cette occasion qu’il sera possible d’examiner le vieillissement de l’acier des cuves des deux réacteurs K-15 du porte-avions.

« On ne peut pas simuler, avec les connaissances que l’on a, le vieillissement de l’acier des cuves. Et donc, le juge de paix sera l’examen réalisé lors de cet arrêt technique majeur. Là, on pourra dire si on peut prolonger la durée de vie du porte-avions ou pas », a affirmé le directeur des applications militaires du CEA.

Cela étant, il a été possible, par le passé, de prolonger la durée de vie d’un navire à propulsion nucléaire. Le cas du sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Rubis en est un exemple. Devant être retiré du service en 2018, il fut décidé de le maintenir opérationnel pendant quatre années supplémentaires, en raison du retard pris par le programme Barracuda.

Cependant, ce qui a été possible pour un sous-marin ne l’est pas forcément pour un porte-avions étant donné que ses chaufferies nucléaires sont davantage sollicitées de par son emploi opérationnel. C’est d’ailleurs un point sur lequel M. Salvetti a insisté.

Reste que si l’état des cuves des deux réacteurs K-15 permet d’envisager une prolongation du porte-avions Charles de Gaulle, alors d’autres considérations devront entrer en ligne de compte. À commencer par la nécessité de changer leur coeur.

« Il faudra que l’on regarde comment on pourra fabriquer deux coeurs [de réacteur nucléaire] supplémentaires dans notre planning de production. On a un outil […], en particulier sur la propulsion nucléaire, qui est calé au juste besoin. C’est à dire qu’il nous faut, en gros, fabriquer un coeur par an. Donc, s’il faut en ajouter deux à un moment donné, il va falloir pousser autre chose. Mais, sinon, rien n’est impossible sur ce sujet », a expliqué M. Salvetti aux sénateurs.

La prolongation éventuelle du porte-avions Charles de Gaulle a visiblement été évoquée lors de l’audition, par la même commission, de l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM]. Le compte-rendu n’ayant pas encore été publié, on ne peut que s’en remettre à ce qu’en a rapporté Christian Cambon, son président.

« La question a été posée à l’amiral Vandier, qui a évoqué le coût de plus d’un milliard pour cette opération », a en effet dit M. Cambon. « Faudra peut-être réfléchir », a-t-il conclu.

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