La Centrafrique souhaite accueillir une base russe pouvant abriter jusqu’à 10000 soldats

En décembre 2017, la Russie adressa au Conseil de sécurité des Nations unies une demande d’exemption à l’embargo sur les armes alors imposé à la Centrafrique afin de pouvoir équiper deux bataillons des Forces armées centrafricaines [FACa]. Placée sous « procédure de silence », cette requête put aboutir, la France [mais aussi les États-Unis et le Royaume-Uni] n’ayant pas manifesté leur opposition.

Seulement, la livraison aux FACa de milliers d’armes légères, de 270 lance-roquettes RPG et d’une vingtaine d’armes anti-aériennes servit de prétexte à Moscou pour envoyer à Bangui des « instructeurs militaire civils », c’est à dire des mercenaires du groupe paramilitaire Wagner, que les Nations unies désignent par la formule « agents déployés bilatéralement ».

Depuis, et selon le Service européen de l’action extérieure [SEAE], dont relève la mission EUTM RCA, chargée de former les militaires centrafricains, le groupe Wagner aurait mis les FACa sous sa coupe, le tout sur fond d’une campagne d’influence anti-française.

« La plupart des troupes centrafricaines déployées sur le terrain sont aujourd’hui sous le commandement direct ou la supervision de Wagner Group, qui exerce également une solide influence sur le commandement des forces armées centrafricaines et d’autres institutions gouvernementales », a ainsi avancé le SEAE, dans un rapport remis en novembre 2021.

En outre, la même année, et devant le renforcement continu des liens entre Bangui et Moscou, la France suspendit sa coopération militaire avec la Centrafrique. Et, en décembre, les derniers militaires français sous commandement national [ceux de la MISLOG-B / Mission Logistique – Bangui] quittèrent le pays.

Quant à la situation sécuritaire de la Centrafrique, elle demeure « instable », malgré la « posture robuste et active » de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation de la République centrafricaine [MINUSCA]… Et cela en coordination avec les « forces de défense nationale » [c’est à dire les FACa], comme l’a souligné Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans son dernier rapport dédié à ce pays.

Quoi qu’il en soit, après avoir récemment reçu six avions de combat légers Aero L-39 « Albatros », Bangui a visiblement l’intention d’aller encore plus loin dans sa relation avec Moscou. En effet, dans un entretien publié le 29 mai par le quotidien russe Izvestia, l’ambassadeur de la République centrafricaine en Russie, Léon Dodonu-Punagaza, a déclaré que son pays était prêt à accueillir une base militaire russe pouvant abriter entre 5000 et 10’000 soldats.

« Notre pays a été le premier du continent africain à résister aux Français. Mais aujourd’hui, nous avons besoin d’une base militaire russe, où des militaires russes seraient présents à hauteur de 5000 à 10’000 hommes. D’ailleurs, en cas de besoin, ils pourraient être déployés dans d’autres pays », a déclaré le diplomate centrafricain.

Après s’être félicité de l’apport des « instructeurs militaires civils » russes dans le « renforcement significatif » des FACa, M. Dodonu-Punagaza s’en est encore pris à Paris. « Certains pays ne sont pas satisfaits de cette évolution. Nous l’avons vu avec l’exemple de la France, qui a été extrêmement indignée par les récentes livraisons de 6 avions militaires par la Russie. Mais c’est leur affaire, car notre coopération avec les Russes se poursuivra », a-t-il dit.

L’annonce de l’implantation d’une importante base militaire russe en Centrafrique pourrait être officalisée à l’occasion du second sommet Russie-Afrique, qui sera organisé à Saint-Pétersbourg en juillet prochain. En tout cas, elle permettra à Moscou de s’implanter durablement dans un pays stratégique du fait de la richesse de son sous-sol… mais aussi et surtout de sa position géographique.

« La sécurité de la République centrafricaine et celle de la région sont interdépendantes. Il importe de mener une action concertée au plan régional pour lutter contre la dégradation des conditions de sécurité dans les zones frontalières », a d’ailleurs souligné M. Guterres, dans son dernier rapport.

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