Minsk met la pression sur Kiev, après avoir abattu un missile de défense aérienne ukrainien au-dessus de son territoire

Le 15 novembre, la chute d’un missile sur la localité polonaise de Przewodów, située à une dizaine de kilomètres de l’Ukraine fit craindre le pire, beaucoup ayant alors spéculé sur une éventuelle intention de Varsovie de faire jouer la clause de défense collective contenue dans l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Finalement, et bien que Kiev fit quelques difficultés à l’admettre, il s’avéra que l’engin en question avait été tiré par une batterie de défense S-300 ukrainienne pour contrer une nouvelle attaque russe. Les choses n’allèrent donc pas plus loin.

Seulement, à en croire Minsk, un incident similaire se serait produit le 29 décembre, alors qu’une nouvelle vague de missiles russes visait les infrastructures critiques d’Ukraine. En effet, la Biélorussie a affirmé avoir abattu un missile tiré par un système S-300 ukrainien dans la région de Brest [sud-ouest du pays]. Au passage, elle n’a pas précisé si une batterie de défense aérienne S-400 « Triumph », récemment livrée par la Russie, a été sollicitée.

Si Varsovie n’a pas donné de suite à l’incident de Przewodów, il en va tout autrement pour Minsk, qui cultive des liens très étroits avec Moscou, notamment dans le domaine militaire, avec la création récente d’un « groupe régional » conjoint, qui serait désormais opérationnel. Et, ces dernières semaines, des mouvements de matériels [chars T-72 et T-90M, lance-roquettes multiples Grad et Uragan, etc] ont été observés dans le secteur de Brest. En outre, l’armée biélorusse a également reçu des missiles balistiques Iskander-M de la part de la Russie.

Aussi, pour les autorités ukrainiennes, un nouvelle offensive en direction de Kiev depuis le territoire biélorusse, comme en février 2022, est une hypothèse prise très au sérieux. D’autant plus que l’homme fort de Minsk, Alexandre Loukachenko, cultive une certaine ambiguitë sur ses intentions. Comme en juillet, quand, devant des officiers de haut rang, il s’en était pris à l’Otan , en évoquant la campagne de Russie de Napoléon Ier et l’offensive de l’Allemagne nazie en 1941.

« Vous comprenez parfaitement ce qui se passe à nos frontières occidentales. Sous prétexte de renforcer la défense de l’Europe et de mener toutes sortes d’exercices ‘défensifs’, les pays de l’Otan mettent en place une force de frappe blindée, clairement non défensive. Les militaires le comprennent », avait déclaré M. Loukachenko.

Quoi qu’il en soit, l’interception d’un missile S-300 ukrainien « au-dessus du territoire de la Biélorussie est un incident très grave », a fait valoir le ministère biélorusse des Affaires étrangères, dans un communqué diffusé pour rendre compte de la convocation de l’ambassadeur d’Ukraine en Biélorussie, Igor Kizim.

« Nous avons demandé aux Ukrainiens de mener une enquête approfondie sur toutes les circonstances de ce tir de missile, de demander des comptes aux responsables et de prendre des mesures globales pour empêcher que de tels incidents ne se reproduisent à l’avenir, car ils peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour tout le monde, » a affirmé la diplomatie biélorusse.

Cependant, comme le rapporte l’agence de presse officielle Belta, certaines voix suggèrent que la chute de ce missile était un acte « délibéré » des forces ukrainiennes. C’est notamment le cas du colonel Viktor Baranets. « On ne peut que soupçonner une ‘erreur’ commise intentionnellement, sous couvert de repousser une attaque russe. […] C’est facile de dire que c’était une erreur et que l’on est désolé », a-t-il dit.

Mais à Kiev, on y voit une manoeuvre de la Russie. « La partie ukrainienne n’exclut pas une provocation délibérée de l’État terroriste russe, qui a tracé une telle route pour ses missiles de croisière afin de provoquer leur interception dans l’espace aérien au-dessus du territoire de la Biélorussie », a en effet répondu le ministère ukrainien de la Défense, qui s’est aussi dit « prêt » à participer à une enquête pour établir les circonstances de cet « incident ».

À noter que, début juillet, M. Loukachenko avait affirmé que les forces biélorusses avaient intercepté des missiles tirés depuis l’Ukraine avec des systèmes Pantsir S1, qui venaient alors d’être fournis par la Russie… Mais sans apporter d’élément pour confirmer ses propos.

« On nous provoque. Je dois vous dire qu’il y a environ trois jours, peut-être plus, on a essayé depuis l’Ukraine de frapper des cibles militaires en Biélorussie. Dieu soit loué, nos systèmes anti-aériens Pantsir ont intercepté tous les missiles tirés par les forces ukrainiennes », avait dit le président biélorusse. Et d’ajouter : « Nous n’avons pas l’intention de combattre en Ukraine. Nous ne combattrons que dans un seul cas, si vous […] entrez sur notre terre, si vous tuez nos gens, alors nous répondrons ».

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