Terrorisme : L’État islamique a annoncé la mort de chef… et le nom de son successeur

Si l’engagement dit de « haute intensité » est désormais la priorité des états-majors en raison de la guerre en Ukraine et des tensions dans l’Indo-Pacifique, il n’en reste pas moins que le combat contre les organisations terroristes continue. Ainsi, cette année, les forces américaines ont conduit plusieurs opérations contre la mouvance jihadiste, lesquelles se sont soldées par l’élimination de plusieurs dirigeants de haut rang.

Ainsi, en février, le chef de l’État islamique [EI ou Daesh], Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, a été tué lors d’un raid héliporté américain dans la province syrienne d’ Idleb. Puis, en juillet, Ayman al-Zawahiri, successeur d’Oussama ben Laden à la tête d’al-Qaïda, a été visé par un drone, alors qu’il se trouvait à Kaboul [Afghanistan].

Et, lors d’autres opérations, notamment menée en Syrie, d’autres cadres jihadistes de premier plan ont été éliminés, comme Rakkan Wahid al-Shammri, chargé de la contrebande d’armes pour l’EI, et Abu-Hashum al-Umawi [dont le rôle au sein de l’organisation terroriste reste à préciser].

Cela étant, si al-Qaïda n’a pas, a priori, pas encore désigné de successeur à al-Zawahiri, l’EI s’était donné un nouveau chef peu après la mort d’Abou Ibrahim al-Hachimi, en la personne d’un certain Abou Hassan al-Hachimi al-Qourachi. Cependant, dans son dernier rapport, publié en juillet, le groupe d’experts des Nations unies sur la mouvance jihadiste a émis des doutes sur l’identité de ce nouvel « émir » du groupe terroriste.

« Il n’y a pas de consensus entre les États Membres sur l’identité du nouveau chef de l’EI. Parmi les candidats potentiels figurent l’iraquien Juma’a Awwad Ibrahim al-Badri, frère d’Abu Bakr al-Baghdadi, ancien chef de l’EI [et tué lors d’une opération américaine menée en octobre 2019] et Bashar Khattab Ghazal al-Sumaida’i [alias Docteur Zayd] », était-il avancé dans ce document.

Quoi qu’il en soit, Abou Hassan al-Hachimi ne serait pas resté longtemps à la tête de l’EI… puisque, le 30 novembre, l’organisation a annoncé sa mort et… le nom de son successeur, qui serait donc Abou Al-Hussein al-Husseini al-Qourachi [*]. Ce qui est plutôt inhabituel…

L’EI n’a pas donné plus de détails sur la mort de son chef, si ce n’est qu’il a été « tué en combattant les ennemis de Dieu ».

Des précisions ont été livrées quelques heures plus tard par l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour le Moyen-Orient et l’Asie Centrale, et donc chargé à ce titre des opérations anti-terroristes au Levant. Ainsi, selon lui, le chef de l’EI a été tué en octobre, dans la province de Deraa [sud de la Syrie] lors de combats contre l’Armée syrienne libre [ASL], une organisation rebelle dont certaines factions sont soutenues par les États-Unis.

À cette époque, et en réponse à un attentat ayant fait dix-huit de ses soldats dans la région de Damas, le gouvernement syrien avait annoncé le lancement d’une opération contre l’EI dans la province de Deraa, qu’il contrôle en grande partie et où il a noué des accords avec certains groupes rebelles locaux. Et, le 16 octobre, l’agence Tass avait affirmé qu’une frappe aérienne russe y avait tué une vingtaine de jihadistes [ce qui n’a pas pu être vérifié de manière indépendante].

Reste que les États-Unis n’ont pas précisé le degré de leur implication dans l’élimination d’Abou Hassan al-Hachimi . Si ce n’est que John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain a salué « l’annonce selon laquelle un autre chef de l’EI ne foule plus le sol de la Terre ».

La France a également réagi à cette annonce, le Quai d’Orsay estimant que « ce décès porte un nouveau coup à l’organisation terroriste ». Toutefois, a ajouté la diplomatie française, il « ne saurait toutefois conduire à minimiser la menace persistante que celle-ci pose en Irak et en Syrie, ainsi que dans de nombreuses autres régions du globe ».

Effectivement, le derner rapport du groupe d’experts des l’ONU invite à une certaine prudence par rapport aux pertes infligées à la hierarchie des organisations jihadistes. « Malgré l’attrition des hauts responsables du groupe, […] aucun changement notable dans la direction impulsée par le groupe ou dans ses opérations dans la zone principale du conflit » n’a été observé, y lit-on.

En outre, poursuit le document, « l’EI représente une menace résiliente et persistante en raison de sa structure décentralisée et de sa capacité de fomenter des attaques complexes », d’autant plus que « la frontière entre l’Irak et la Syrie reste un point faible majeur où opèrent de multiples réseaux de contrebande » et qu’il disposerait encore, dans la région, de 6’000 à 10’000 combattant, « concentrés principalement dans les zones rurales ».

Qui plus est, l’offensive terrestre que dit préparer la Turquie contre les milices kurdes syriennes, qui ont tenu un rôle majeur dans la défaite du « califat » de l’EI, pourrait remettre en cause les gains obtenus contre le groupe terroriste. D’où, d’ailleurs, la forte opposition de Lloyd Austin, le chef du Pentagone, à toute nouvelle opération turque dans le nord de la Syrie.

Par ailleurs, et toujours d’après le groupe d’experts des Nations unies, certains réseaux régionaux de l’EI demeurent très actifs, notamment en Afghanistan [bureau Al-Siddiq], en Somalie [bureau al-Karrar, qui couvre aussi le Mozambique et la République démocratique du Congo] et dans le bassin de Lac Tchad [bureau al-Furqan]. En revanche, d’autres sont en nette perte de vitesse, quand ils ne sont pas moribonds. C’est notamment le cas de ceux implantés au Yémen, en Libye et en Égypte.

[*] Al-Qourachi est une référence à la tribu du prophète Mahomet, dont le « calife » autoproclamé doit être un descendant.

Photo : archive

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