Otan : Deux députés dénoncent les conditions de vie des militaires français déployés en Roumanie
Lors de ses voeux aux Armées, le 19 janvier, et alors que les tensions allaient crescendo entre l’Ukraine et la Russie, le président Macron fit part de la disponibilité de la France pour participer à une mission de type eFP [présence avancée réhaussée] de l’Otan en Roumanie en qualité de « nation cadre ».
Une semaine plus tard, des experts du ministère des Armées furent envoyés en Roumanie afin d’étudier les « paramètres » d’un éventuel déploiement de troupes françaises. Seulement, les évènements se sont par la suite précipités… avec le début de la guerre en Ukraine, le 24 février.
Aussi, à peine quatre plus tard, à la demande du commandant suprême des forces alliées en Europe [SACEUR] et dans le cadre de la mission Aigle, la France a envoyé sur les rives de la mer Noire 500 militaires appartenant à des unités placées en alerte au titre de la Force de réaction rapide de l’Otan [NRF – Nato Response Force]. Puis, ils y ont été rejoints par un contingent belge, fort de 250 hommes.
Évidemment, et comme à chaque « ouverture de théâtre », les conditions d’hébergement des militaires français [et belges] durant les premières semaines ont été « rustiques », celles-ci reposant d’ailleurs sur les capacités d’accueil du pays hôte. D’ailleurs, le quotidien « Het Laatste Nieuws » les a décrites à l’occasion d’un reportage réalisé à Constanta en mars dernier.
« Le campement de Constanta a été construit à la hâte. Sur un champ, quatre tentes kaki en guise de poste de commandement. Un peu plus loin, les soldats belges et français sont abrités dans de grandes tentes blanches. Il y fait étouffant à l’intérieur et les lits de camps sont collés les uns aux autres. Les soldats utilisent des filets de camouflage comme séparateurs de ‘pièces’ [afin] d’avoir […] un peu d’intimité », a détaillé le quotidien d’outre-Quiévrain.
Et celui-ci d’ajouter : « Les forces armées se plaignent de leurs repas », car « ce sont des rations de combat américaines et il n’y a que deux plats chauds », – et de la piteuse couverture internet dans la zone ».
Cela étant, un chantier visant à construire un camp militaire à Cincu a été lancé sans tarder. Mais, en attendant, il a donc fallu faire avec des conditions d’hébergement sommaires. Conditions qui ont fait l’objet d’un article publié par Mediapart, le 3 novembre. Ainsi, avance-t-il, les sanitaires seraient en nombre insuffisant, des préfabriqués revenus du Mali auraient été installés sans avoir été préalablement nettoyés et les ordures ne seraient pas ramassées. « C’est un bourbier, avec souris et chiens errants, témoignent les militaires, photos à l’appui », insiste la journaliste Justine Brabant.
Celle-ci fait également état de « repas jugés insuffisants », avec « une omelette et un pain de la veille, une soupe et quelques bouts de tomate ». Et de citer les confidences faites par un militaire auprès de ses proches, via WhatsApp : « J’ai faim, j’ai froid, j’ai sommeil ».
[THREAD] Les soldats français déployés sur la base de Cincu, en Roumanie (dans le cadre d’une mission de dissuasion au profit de l’Otan), témoignent dans Mediapart de leurs conditions de vie, qu’ils jugent indignes.https://t.co/rFHG7VpsVX
— Justine Brabant (@justinebrabant) November 4, 2022
Suite à cet article, deux députés, Bastien Lachaud et Aurélien Saintoul, tous deux membres de « La France insoumise » [LFI], ont dénoncé les « conditions de vie indignes des militaires déployés en Roumanie », en s’appuyant, dans un communiqué, sur des témoignages et photographies produits par Mediapart.
« Si ces faits […] sont avérés, alors nous faisons face à un sérieux problème en matière de logistique et de soutien. Il est d’autant plus grave que cela fait maintenant plus de huit mois que les militaires français sont déployés en Roumanie. S’agissant d’une mission dissuasive et défensive et non de combat, aucune excuse de rusticité ne peut non plus être avancée », ont fait valoir les deux parlementaires. « Au-delà, quel message dissuasif est envoyé à la Russie lorsque nos soldats ont froid et le ventre vide? », ont-ils ensuite demandé, avant de faire part de leur intention d’en saisir Thomas Gassiloud, le président de la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.
À noter que les militaires belges, qui ont pourtant le droit d’adhérer à un syndicat, n’ont a priori pas fait état de telles difficultés… Et, dans son avis sur les crédits devant être alloués à l’armée de Terre en 2023, le député François Cormier-Bouligeon n’en a pas fait mention, alors qu’il a évoqué des problèmes du même ordre… mais pour les soldats français déployés en Estonie, dans le cadre de la mission Lynx.
S’agissant de la Roumanie, « le manque d’infrastructures disponibles a imposé le déploiement de moyens lourds du génie afin de construire un camp destiné à accueillir 1000 militaires à Cincu et un camp secondaire de 300 hommes à Constanta », a précisé M. Cormier-Bouligeon. Et les seules difficultés qu’il a évoquées portaient sur le manque d’interopéralité avec les forces roumaines en matière de transmissions.
Quoi qu’il en soit, la construction du camp militaire de Cincu [qui portera le nom du général Henri Berthelot, est terminée. Cette nouvelle emprise, construite en un temps record par les sapeurs des 19e et 31e Régiment du Génie, avec le renfort de leurs homologues roumains, belges et néerlandais, a été inaugurée par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, le 3 novembre.
« Au total, plus de 6 hectares à flanc de colline ont été aménagés au profit des combattants de la mission Aigle, nécessitant 120’000 tonnes de matériaux. Une opération réussie, grâce à la bonne complémentarité du génie militaire et du service d’infrastructure de la défense », a souligné l’armée de Terre.
Photo : Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dans les locaux du nouveau camp « Général Berthelot » à Cincu.