Le ministère des Armées envoie une mission en Roumanie pour préparer un éventuel déploiement des forces françaises

Dans leur réponse écrite qu’ils ont adressée le 26 janvier à la Russie, les États-Unis ont, sans suprise, rejeté l’une des revendications principales de Moscou en refusant de mettre un terme à l’élargissement potentiel de l’Otan, et donc à l’intégration de l’Ukraine.

Ainsi, la diplomatie américaine a « clairement fait savoir » que les États-Unis sont « déterminés à maintenir et défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et le droit des États à choisir leurs propres dispositions de sécurité et leurs alliances » et qu’ils défendent, à ce titre, le « principe de la porte ouverte à l’Otan ».

Cependant, la lettre offre une « voie diplomatique sérieuse si la Russie le souhaite ». Et le secrétaire d’État, Antony Blinken, s’est dit prêt à évoquer avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, « dans les prochains jours », la question du contrôle des armements [dont les armes nucléaires déployées en Europe], la « possibilité de mesures de transparence réciproques en ce qui concerne nos postures militaires » et les mesures susceptibles « d’améliorer la confiance en ce qui concerne les exercices militaires et les manoeuvres » sur le Vieux Continent.

Forte du soutien de la Chine, qui estime ses préoccupartions sur sa sécurité son « raisonnables », la Russie a accueilli froidement les propositions américaines.

« On ne peut pas dire que nos points de vue aient été pris en compte, ou qu’il y ait une volonté de prendre en considération nos préoccupations », a commenté, ce 27 janvier, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. « Nous n’allons pas faire traîner la réaction, […] mais ne nous attendons pas à ce que la réaction arrive là, maintenant », a-t-il ajouté.

Dans un communiqué, le chef de la diplomatie russe s’est dit « déçu » de la réponse américaine [qui rejoint celle de l’Otan]. « Il n’y a pas de réponse positive à la question principale [la fin de l’élargissement de l’Otan, ndlr] mais il y a une réaction qui permet d’espérer le début d’une conversation sérieuse sur des questions secondaires », a estimé M. Lavrov.

L’heure n’est donc pas encore à la « désescalade »… et la pression militaire mise par la Russie sur l’Ukraine demeure… D’où les propos de Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan. « Nous sommes prêts à un dialogue sérieux. Mais on se prépare aussi au pire », a-t-il dit.

Se préparer au pire passe par un renforcement des mesures dites de « réassurance » au profit des membres de l’Otan qui s’estiment menacés par la Russie, comme les États baltes, la Pologne ou bien encore… la Roumanie, dont le président, Klaus Iohannis, a fait savoir que des discussions sont en cours avec les États-Unis et la France pour renforcer la posture militaire de l’Alliance dans son pays.

« J’ai constamment dit que nous étions prêts à accueillir une présence alliée accrue sur notre territoire », a déclaré M. Iohannis, à l’issue d’une réunion du Conseil suprême de la défense de Roumanie, le 26 janvier. « Suite aux annonces faites par les États-Unis et la France, nous sommes en contact avec ces deux alliés pour discuter des moyens concrets pour concrétiser leur présence militaire [en Roumanie] », a-t-il ajouté.

Depuis le sommet de Varsovie, en 2016, l’Otan a mis en place une « présence avancée adaptée » sur son flanc sud-est, ce qui se traduit par l’établissement quartier général de brigade multinationale, l’envoi plus fréquent de navires et d’avions dans région, ainsi que par des exercices militaires plus nombreux. Or, récemment, il est question de transformer cette « présence avancée adaptée » en « présence avancée réhaussée [eFP], à l’image de ce qui a été décidé pour les pays baltes et la Pologne. En clair, il s’agit de déployer en Roumanie et/ou en Bulgarie des bataillons multinationaux à des fins de dissuasion.

Lors de ses voeux aux Armées, la semaine passée, le président Macron a indiqué la disponibilité de la France à prendre part à une mission de type eFP en Roumanie si l’Otan le décide.

Or, parmi les garanties qu’elle exige pour sa sécurité, la Russie a demandé aux Alliés de ne pas déployer de troupes supplémentaires dans les pays qui ne faisaient pas partie de l’Alliance avant 1997… Ce qui concerne donc la Roumanie.

En déplacement à Bucarest, ce 27 janvier, la ministre française des Armées, Florence Parly, a réaffirmé l’annonce faite par M. Macron. « Nous vivons des temps difficiles, et, dans ces temps difficiles, la France sera aux côtés de la Roumanie. La France n’abandonne jamais ses alliés et amis », a-t-elle déclaré, après avoir souligné la robustesse de la « coopération opérationnelle » entre les forces armées des deux pays.

« Le président a récemment indiqué que nous étions prêts à nous lancer dans une nouvelle mission eFP , en particulier en Roumanie, si cela est décidé au sein de l’Otan. Une mission d’experts de mon ministère arrive aujourd’hui en Roumanie pour étudier les paramètres de cet éventuel déploiement », a ensuite précisé Mme Parly. « Un tel engagement s’inscrirait parfaitement dans la continuité de nos engagements actuels », a-t-elle fait valoir, rappelant les exercices que mènent régulièrement les forces françaises avec leurs homologues roumaines.

D’ailleurs, ce sera prochainement le cas, à l’occasion de la mission Clemenceau 2022 que va effectuer le groupe aéronaval du porte-avions Charles de Gaulle, au moins une frégate françaises [sans doute accompagnée par un navire espagnol] devant se rendre en mer Noire.

Cela étant, les relations militaires entre la France et la Roumanie sont anciennes. Outre la Guerre de Crimée [1854-1856] durant laquelle l’armée française combattit en Dobroudja bulgare et roumaine, Paris envoya à Bucarest, en 1916, une mission d’assistance militaire commandée par commandée par le général Henri Berthelot, avec l’objectif de réorganiser et de former l’armée roumaine face à l’Allemagne et à l’Empire Austro-Hongrois.

Photo : VBCI de la mission Lynx, en Estonie, dans le cadre de l’eFP / EMA

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