Le ministère des Armées durcit les règles pour installer des éoliennes autour de ses radars

Selon la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie [PPE] publiée par le ministère de la Transition écologique, il est question de faire passer le nombre d’éolienne de 8’000 à environ 14’500 en 2028, l’objectif étant de faire passer la production d’électricité de 15 à 33,2 GW.

Seulement, les éoliennes n’ont pas forcément bonne presse, comme en témoigne l’opposition que peut susciter leur installation dans certaines régions, comme par exemple en baie de Saint-Brieuc où un parc éolien offshore doit être construit, au grand dam des pêcheurs locaux de coquilles Saint-Jacques.

Au nom de la défense du patrimoine [et au prix de quelques raccourcis], l’animateur Stéphane Bern a dit tout le mal qu’il pensait des éoliennes dans une tribune publiée récemment par le Figaro. Et il s’était notamment insurgé contre le fait que les procédures pour contester l’installation de ces dernières sont désormais de plus en plus difficiles, les voies de recours ordinaires étant supprimées afin d’accélérer la validation des projet et, donc, leur réalisation.

Cependant, il n’est pas possible d’installer des éoliennes n’importe où et n’importe comment : le ministère des Armées impose en effet des règles qu’il vient de durcir, via l’instruction n°1050/DSAÉ/DIRCAM relative aux traitements des dossiers « obstacles », publiée le 16 juin [.pdf].

Étant donné que les éoliennes sont susceptibles de perturber à la fois la circulation aérienne à basse altitude et la détection radar en créant un effet de masque, le ministère des Armées a déjà pris des mesures strictes.

Ainsi, en 2014, il était question d’interdire l’installation de parcs éoliens dans un rayon de 30 à 50 km autour des radars et de refuser tout chantier dans les secteurs réservés aux entraînements aux vols tactiques à très basse altitude. À, à l’époque, de telles mesures avaient été critiquées par certains promoteurs de l’éolien. « L’armée est en passe d’interdire unilatéralement l’installation d’éoliennes sur près de 60% du territoire. Un vrai putsch! », s’était laissé à dire l’un d’eux, dans les colonnes de Libération.

La dernière instruction publiée par la Direction de la sécurité aéronautique d’État [DSAÉ] précise que, désormais, tout projet d’installation d’éoliennes dans un rayon de 70 km autour d’un radar devra être soumis à autorisation du ministère des Armées. Et aucune autorisation ne pourra être délivrée dans un rayon de 5 km.

Le ministère de la Transition écologique s’était inquiété des conséquences que pouvait avoir cette directive sur le développement de l’éolien en France… Mais, finalement, le Premier ministre, Jean Castex, a donné raison à celui des Armées, les impératifs de sécurité ne pouvant que prendre le pas sur toute autre considération.

L’instruction en question, entrée en vigueur seulement deux jours après sa publication, définit trois situations liées à « l’intervisibilité électromagnétique ».

Ainsi, y est-il rappelé, « deux points sont en situation d’ intervisibilité électromagnétique si une onde électromagnétique peut se propager de l’un à l’autre de ces points. […] Une éolienne est dite en intervisibilité simple si elle est en intervisibilité d’un seul radar. Elle est dite en intervisibilité multiple si elle est en intervisibilité de plusieurs radars. La cardinalité est le principe qui établit que les perturbations d’éoliennes sur les systèmes de détection peuvent être minorées en cas d’intervisibilité multiple par rapport à une intervisibilité simple. »

En clair, « hors situation d’intervisibilité, tout éolienne est autorisée » mais en cas de d’intervisibilité simple, toute installation sera soumise à autorisation du ministère des Armées. « Suivant la nature du relief, le CDAOA [commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes], au vu de l’analyse effectuée par l’opérateur radar, étudiera la faisabilité du projet au regard de la gêne occasionnée sur le radar ainsi que des exigences de sécurité nationale en matière de posture permanente de sureté », explique le texte.

Enfin, « en situation d’intervisibilité multiple, toute éolienne est autorisée » mais elle pourra toutefois « faire l’objet d’une convention d’arrêt avec le CDAOA », précise-t-il.

Reste que, selon Les Échos, pour la filière française de l’éolien, cette instruction du ministère des Armées, qui concerne  aussi les « sites sensibles », n’est pas une bonne nouvelle dans la mesure où, venant s’ajouter à d’autres contraintes [distance de 500 mètres par rapport aux habitations, pas d’installation dans les zones Natura 2000, etc], elle va réduire à 20% du territoire la surface susceptible d’accueillir des éoliennes.

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